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Entretien avec Marion Couffignal, présidente sortante de l’UJA

Entretien avec Marion Couffignal, présidente sortante de l’UJA
Publié le 09/07/2020 à 10:00


« Il faut parfois savoir laisser de côté [sa] feuille de route pour mener les combats que l’actualité nous impose »

Présidente de l’Union des Jeunes Avocats de Paris depuis juillet 2019, Marion Couffignal, avocate au sein du cabinet Auber, vient de passer le flambeau à son confrère Simon Dubois. À cette occasion, elle livre au JSS un bilan de son mandat, riche en combats et marqué par la crise sanitaire.



Quel bilan dressez-vous de cette année à la présidence de l’UJA ?


Cette expérience a été passionnante et très enrichissante. Cela m’a appris que l’on s’engage sur des valeurs et des convictions, avec une feuille de route qu’il faut parfois savoir laisser de côté, pour mener les combats que l’actualité nous impose. Cela implique d’apprendre à s’adapter, ce que la profession a fait cette année en menant une bataille difficile contre le projet de réforme des retraites, puis en trouvant les ressources pour réagir à la sidération imposée par l’épidémie du coronavirus.


 


Quels combats avez-vous menés ? 


L’année a bien entendu été marquée par la lutte contre le projet de réforme des retraites, sujet sur lequel notre vigilance ne faiblit pas, puis par l’attention portée au sort des collaborateurs et à la santé économique des cabinets pendant la crise sanitaire. Cependant, nous n’en avons pas pour autant délaissé les sujets qui nous tiennent à cœur comme l’égalité, essentielle en ce moment où l’on doit penser l’avenir de la profession à l’aune des bouleversements que la société tout entière, le mode du travail, l’économie viennent de traverser.


À ce titre, notre réflexion s’inscrit dans la durée, autour du développement des entreprises d’avocat, avec la préoccupation d’une recherche d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.


Nous réfléchissons actuellement aux perspectives ouvertes par la pluralité d’exercice, à l’avenir de la collaboration libérale, au droit à la déconnexion. Dans la perspective du rebond économique de la profession, nous explorons toutes les pistes et venons de voter un rapport sur l’apport d’affaires et un autre sur le pacte de quota litis (accessibles sur notre site).


 


Sur l’égalité au sein de la profession, en particulier, que reste-t-il à faire ?


Il reste beaucoup à faire, pour arriver à plus d’égalité, qu’il s’agisse de lutter contre les discriminations en raison de l’origine, du handicap, du genre ou de l’orientation sexuelle !


L’UJA est extrêmement militante pour favoriser l’égalité réelle et nous avons toujours fait des propositions ambitieuses sur le sujet. Nous avons obtenu des avancées, mais il est encore possible d’améliorer les choses, c’est pourquoi nous sommes favorables à un traitement identique, s’agissant des congés alloués pour l’accueil d’un enfant, de tous les parents (qu’il s’agisse d’adoption ou d’une naissance, dans toutes les structures familiales, hétéro ou homoparentales, y compris les familles recomposées), ainsi qu’à une augmentation de la durée du congé alloué au deuxième parent. L’effet de levier lié à la présence du second parent, lors de l’accueil de l’enfant, sur son investissement dans son éducation à terme est important et favorise l’égalité professionnelle (les rapports sur ce sujet sont sur notre site Internet). 


Nous plaidons également pour préserver l’égalité, notamment avec des mécanismes de solidarité comme ceux qui existent dans notre régime de retraite, c’est le sens de la motion que nous avons votée le 17 juin dernier.


Nous menons par ailleurs des actions de sensibilisation et de réflexion sur l’égalité en organisant régulièrement des évènements tels que des conférences, petits déjeuners, ou des tables rondes comme ce fut le cas à l’occasion de la journée du 8 mars.


 


À quelles conditions la profession réussira-t-elle sa transition technologique ? 


La profession a toutes les clés en main pour réussir sa transition technologique, elle l’a prouvé pendant la crise sanitaire.


Cette expérience collective a permis de lever un certain nombre de freins, comme par exemple vis-à-vis du télétravail, ou certaines réticences par rapport à l’utilisation de la technologie ou des outils numériques, nous pouvons nous en réjouir.


Par ailleurs, les avocats sont de plus en plus nombreux à créer leurs propres outils numériques, il faut les accompagner dans cette voie par la formation, mais aussi en réfléchissant aux modalités de financement de l’innovation des cabinets d’avocats.


Enfin, il faudra que les outils technologiques suivent du côté de la Chancellerie si l’on veut que la transition technologique des avocats dont vous parlez soit complète, car, nous l’avons vu ces derniers mois, si l’on veut que la justice fonctionne, encore faut-il qu’à l’autre bout de la chaîne, elle en ait les moyens.


 


Quelles sont les autres thématiques qui devront faire l’objet d’une attention soutenue dans les années à venir ?


L’un des enjeux majeurs des années à venir est de restaurer la valeur de l’avocat, sa place et celle du droit dans la société.


Nous sommes des professionnels du droit à haute valeur ajoutée, nous devons nous adapter pour proposer des services qui correspondent aux besoins de droit et nous sommes les mieux placés pour cela.


Cependant, au-delà de cette réflexion qui porte vraiment sur l’avenir de la profession, ce que nous sommes et ce que nous voulons devenir, qui doit nous amener à repenser en permanence nos pratiques professionnelles, à nous réinventer sans perdre notre ADN, nous devrons rester des vigies citoyennes.


Nous devrons être extrêmement attentifs dans les mois et les années qui viennent à ce que les règles dérogatoires adoptées sous couvert d’état d’urgence ne glissent pas insidieusement dans l’indifférence générale, dans le droit positif, au préjudice des libertés fondamentales auxquelles nous sommes viscéralement attachés.


 


Quelles caractéristiques revêt cette nouvelle génération d’avocats en pleine transition ?


Certainement un vrai attachement pour cette profession, mais dénué de naïveté. Nous avons devant nous une génération dont la plus grande force est sa capacité d’adaptation, qui est attachée à des valeurs, a un fort désir d’éthique, de conciliation entre vie professionnelle et personnelle, qui souhaite faire évoluer le métier d’avocat, le faire sortir de son carcan pour qu’il commence à lui ressembler.


 


Votre mandat aura été marqué par le confinement. Comment cela l’a-t-il affecté ? 


Le confinement nous a conduits à évoluer, comme tout le monde. Nous avons donc organisé la poursuite des réunions de la Commission permanente en visioconférence, tout simplement.


En revanche, cette situation a généré un afflux de demandes auprès de SOS collaborateurs et SOS élèves-avocats.


Nous avons en parallèle travaillé et communiqué sur les bonnes pratiques à adopter pendant la période COVID dans les contrats de collaboration ou les conventions de stage. Nous avons aussi ouvert une adresse dédiée pour renseigner les confrères sur l’ensemble des aides mises en place, leurs modalités, etc.


 


La profession n’a pas été épargnée par la crise sanitaire. Quels sont les retours que vous avez à ce titre ?


Un certain nombre de confrères et de cabinets sont en difficulté en raison de la mise à l’arrêt de tout ou partie de leur activité, certains ne sont pourtant pas éligibles aux dispositifs d’aides.


Des collaborateurs et des stagiaires se sont également retrouvés en situation difficile en raison de baisses de rémunération, ou bien de rupture ou suspension de leur contrat de collaboration ou de leur convention de stage.


 


Maintenant que vous passez le relai à Simon Dubois, Premier vice-président sous votre mandat, quels sont vos projets à venir ?


Je vais bien entendu poursuivre le travail de réflexion que je mène depuis plusieurs années au sein de l’UJA, avec un goût particulièrement prononcé pour les sujets relatifs à l’entrepreneuriat des avocats, leur transition technologique et l’égalité.

 

Propos recueillis par Bérengère Margaritelli

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