« Je suis fier de présider cette association où il y a
tant de disponibilités »
Le 25 mars dernier, le CIP 91 (Centre
d’information sur la prévention des difficultés des entreprises) a été lancé
dans le département de l’Essonne. Le CIP 91 est ainsi le 70e centre
à ouvrir ses portes en France. Le 2 avril ont été lancés comme prévu, par
visio-conférence à cause du confinement, les « Entretiens du Jeudi »,
rendez-vous gratuits et confidentiels avec un trio de bénévoles
(expert-comptable/commissaire aux comptes, avocat et ancien juge du tribunal de
commerce). Michel Bessière, président du CIP 91 revient pour
le JSS sur les circonstances de la création du CIP 91, sur ses
objectifs ainsi que sur son organisation, notamment pendant la crise du
coronavirus.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis expert-comptable, commissaire aux
comptes à Brunoy. J’ai créé mon cabinet il y a une vingtaine d’années, et je
suis également président de l’Association des Experts-Comptables et
Commissaires aux Comptes de l’Essonne (AECC 91). J’ai été sollicité à ce titre
pour créer le CIP 91.
Pourquoi avoir créé le CIP 91 ?
Celui-ci a déjà existé il y a une dizaine
d’années, mais était tombé en désuétude. La présidente du tribunal de commerce
qui a des contacts avec le CIP national a demandé, par l’intermédiaire d’un
centre de gestion nommé Terra Gestion, que nous puissions redynamiser
le CIP dans le
département, en lui donnant un caractère formel, une personnalité juridique et
morale sous forme d’association. Le projet a été engagé au printemps 2019. Je
m’étais fixé pour objectif d’ouvrir le Centre fin 2019, mais le temps de réunir
tout le monde cela a été un travail assez long ; même si à chaque fois que
j’ai rencontré des personnalités du département j’ai été vivement encouragé
dans mon entreprise.
Quelles sont les personnes qui ont
contribué à la création du CIP 91 ? Et comment l’association est-elle
organisée ?
Parmi
les personnes qui ont contribué à la création du CIP 91, il y a les
représentants du monde patronal, comme le MEDEF, la CPME, U2P, mais aussi les
branches professionnelles telles que la FFB (Fédération française du bâtiment).
Nous avons également la Chambre des métiers (CMA) et la CCI de l’Essonne qui
sont parties prenantes et, bien entendu, le CIP fonctionne sur la base d’un
partenariat entre le barreau de l’Essonne et les juges honoraires du tribunal
de commerce de l’Essonne, acteurs directs dans le cadre des Entretiens du Jeudi
que nous organisons pour accompagner les chefs d’entreprises. Côté
organisation, la vice-présidente de l’Association est Sylvie Franck, bâtonnière
du barreau de l’Essonne, la secrétaire est la vice-présidente de la Chambre des
métiers, et le trésorier est le président de Terra Gestion, là où nous avons
notre siège social à Évry. Ce lieu nous permet d’accueillir les chefs
d’entreprise qui sont en difficulté dans un lieu relativement confidentiel,
bien plus que si on les recevait à la Chambre des métiers ou à la Chambre de
commerce, ou encore au tribunal de commerce qui est un lieu que tout le monde
appréhende.
Nous
sommes également en partenariat avec la Direccte, avec les URSSAF, la DGFiP, la
Banque de France… tous ces partenaires publics et d’autorités administratives
du département nous encouragent vivement dans nos actions.
J’aime bien également rappeler que lorsque
nous avons organisé l’assemblée constitutive du CIP, autour de la table nous
étions tous des chefs d’entreprise, ou des anciens chefs d’entreprise. Tous
nous avions des histoires à raconter concernant des difficultés que nous avions
eues à surmonter. Nous savons donc tous que la vie de chef d’entreprise n’est
pas facile. Dans ma clientèle, ceux qui ont réussi à gagner de l’argent, à
avoir une vie familiale, à réussir leur vie personnelle et sociale, sont en
effet très peu nombreux.
Sinon,
les experts-comptables, les avocats et les juges honoraires sont tous
bénévoles. Pour ce qui concerne les experts-comptables de l'Essonne, nous
consacrons 1 000 heures par an environ de bénévolat dans différentes instances
économiques du département. Mes confrères de l'AECC 91 sont très disponibles.
Je suis fier de présider cette association où il y a tant de disponibilités.
Certains sont également juges de tribunal de commerce.
Pour en revenir au
CIP, un des aspects importants de sa mise en œuvre a été de former les
intervenants. Ainsi, au mois de février, nous avons
organisé une formation commune entre experts-comptables, avocats et juges honoraires,
qui a été l’occasion de discuter des compétences de chacun et de recentrer
l’action des CIP en amont de toutes les procédures collectives existantes, ces
dernières marquant le commencement d’un engrenage qu’il vaut mieux éviter.
Comment
se passent les Entretiens du Jeudi, votre dispositif phare ?
Actuellement, à cause de la crise, nous
menons les Entretiens du Jeudi sous forme de visio-conférence. On demande aux
chefs d’entreprise qui nous sollicitent de remplir une fiche technique pour
connaitre un peu l’origine des difficultés qu’ils rencontrent. Éventuellement,
on leur demande de communiquer leur bilan, afin que l’on puisse établir un
diagnostic et échanger préalablement entre le juge, l’avocat et
l’expert-comptable pour nous faire une opinion avant l’entretien à proprement
parler. Pendant l’entretien nous interrogeons le chef d’entreprise sur les
solutions qu’il a envisagées pour sortir de ses difficultés. L’entretien dure
40-45 minutes, mais peut aller jusqu’à 1 h 30 pour les situations
très complexes. À la suite de cet entretien, on peut décider de mettre en place
une action, mais bien entendu, c’est le chef d’entreprise qui reste le seul
décideur.
Face à
la crise que nous traversons, en quoi le CIP va s’avérer indispensable pour les
entreprises, et comment allez-vous mener vos actions ?
Avant
le confinement nous avions une situation économique plutôt favorable dans
le département. Le nombre de procédures collectives était en diminution au
cours de l’année 2019. Mais la situation exceptionnelle que nous vivons va
entrainer des missions exceptionnelles pour les CIP. On peut dire que notre CIP
arrive à point nommé dans le paysage d’accompagnement des chefs d’entreprise,
dans une situation aussi inédite.
Ce partenariat avec le barreau et le
tribunal de commerce permet l’organisation de visio-conférence pour les
personnes qui nous le demandent, celles-ci peuvent également nous contacter par
l’intermédiaire du site www.cip91.fr. Plus précisément, les mails et les
appels aboutissent à des personnes qui sont en télétravail, ces dernières nous
les font suivre. Nous sommes donc opérationnels. Grâce aux nombreuses
compétences dont nous disposons, nous pouvons apporter un diagnostic, et un
panel d’actions potentielles pour les chefs d’entreprise qui ont de quoi être désemparés
devant la situation actuelle. Notre objectif est de faire en sorte qu’ils ne
soient pas désespérés.
En outre, nous avons la possibilité
d’échanger avec des autorités régionales et nationales. Les mesures qui ont été
prises sont extrêmement vigoureuses et devraient normalement permettre à toutes
les petites et moyennes entreprises de passer le cap. À nous d’être
intelligibles et intelligents pour les chefs d’entreprise.
Quels
sont concrètement les dispositifs mis en place par le CIP 91 pour aider
les entreprises face à cette crise ?
Nous
avons en fin de compte des moyens relativement limités dans notre capacité à
endiguer cette situation délicate, si ce n’est de procéder à des
recommandations. Nous invitons ainsi les entreprises à aller frapper à la porte
de la Direccte, de l’URSSAF ou de la DGFiP pour demander par exemple, dans le
cadre des commissions des chefs de service, l’obtention de délais de paiement.
C’est le b.a.-ba des démarches à faire dès lors que les difficultés proviennent
d’une accumulation de dettes auprès de ces organismes étatiques. Il peut
également y avoir des problématiques comme les paiements interentreprises et
qui peuvent éventuellement nécessiter l’intervention du médiateur du crédit en
la personne du directeur de la Banque de France, qui y est habilité et qui bien
évidemment est fortement sollicité en ce moment.
Pour ne pas laisser des personnes dans le
désespoir, nous les orientons également vers l'association APESA, un organisme
qui peut accompagner psychologiquement les chefs d’entreprise via des
consultations (six au total) octroyées par des bénévoles de cette association,
en cours de création dans l’Essonne. Ce partenariat avec APESA existe également
à l’échelle nationale. Sur le site internet du CIP, nous avons fait valoir le
fait que APESA fait partie de nos partenaires en tant que chaînon de ces
mesures d’accompagnement. De même au niveau du management, nous pouvons entrer
en relation avec EGEE (Entente des Générations pour l’Emploi et l’Entreprise),
une association de cadres dirigeants à la retraite qui peuvent se comporter un
peu comme des managers de transition dans des situations difficiles. Il
s’agit-là d’un élément important qui constitue une barrière de sécurité autour
du chef d’entreprise qui dans ces moments-là peut céder à la panique.
Selon
vous, les mesures prises par le gouvernement dans cette période inédite
sont-elles suffisantes pour aider les entreprises ?
Il y a trois phases selon moi qui sont très
pertinentes. D’abord, la mise en place de l’activité partielle. Cela a été la
mesure phare pour rassurer les salariés, qui vont pouvoir recevoir leur salaire
même si c’est à 84 % du net jusqu'à 4.5
SMIC et même 100 % pour les salariés au SMIC. Malgré
le petit bug sur le serveur au début de sa mise en place à cause des 75 000 demandes de codes dans
le département, la Dirreccte s'est engagée à
verser les fonds aux entreprises le plus vite possible pour assurer le règlement
des salaires du mois d'avril. La plupart des
entreprises y sont éligibles en France.
Il y a
également le prêt garanti État avec la BPI. Pour en bénéficier, les entreprises
doivent fournir une attestation faite par un expert-comptable du montant du
chiffre d’affaires de l’année 2019. J’ai vivement encouragé mes clients à y
avoir recours.
Enfin, il y a le fonds de solidarité pour
répondre à des demandes. Le nombre de
bénéficiaires éligibles a augmenté fortement au fur et à mesure de l'évolution
de la situation. C'est très important pour permettre au plus grand nombre des
indépendants de ne pas être laissés de côté.
En
outre, les tribunaux ont pour l’instant l’interdiction de prononcer des mises
en redressement judiciaire dès lors que les problèmes de l’entreprise sont dus
à la crise du coronavirus.
Les régions sont également sollicitées. La
région Ile-de-France notamment a l’intention de débloquer des fonds. Quoi qu’il
en soit, aucune entreprise ne devrait passer en dehors des mailles du filet. Et
je m’en réjouis. Les entreprises auront l’argent pour le paiement des salaires
et les demandes de prêts permettront de préparer l’avenir.
Propos recueillis par
Maria-Angélica Bailly