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Entretien avec Olivier Boucherie et Florent Burtin, président et vice-président de la CRCC de Versailles : « La compagnie de Versailles s’est toujours positionnée comme étant la plus innovante, à la pointe de la profession »

Entretien avec Olivier Boucherie et Florent Burtin, président et vice-président de la CRCC de Versailles : « La compagnie de Versailles s’est toujours positionnée comme étant la plus innovante, à la pointe de la profession »
Publié le 01/10/2020 à 15:30

Olivier Boucherie et Florent Burtin sont respectivement président et vice-président de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes (CRCC) de Versailles depuis le 1er janvier 2017. En pleine période des élections pour le renouvellement des membres de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) et des présidents des compagnies régionales, le JSS les a rencontrés lors des Universités d’été des professions comptable et commissaire aux comptes, pour faire le bilan de ces quatre années passées à la tête de la plus grande compagnie de France en termes de chiffre d’affaires. Tous deux ont évoqué, entre autres, les particularités de leur compagnie, la loi PACTE, les élections, mais aussi l’avenir de la profession avec le numérique.


Pouvez-vous vous présenter ?


Olivier Boucherie : je suis commissaire aux comptes, et dirige le cabinet d’audit B.M.A à Poissy. Par ailleurs, je  préside la CRCC de Versailles, la compagnie régionale la plus importante de France en termes de chiffre d’affaires, depuis quatre ans. Avant de présider cette compagnie, j’ai été pendant deux ans vice-président délégué. Mon président était Jean Bouquot, aujourd’hui président de la CNCC.


Florent Burtin : je suis vice-président délégué de la CRCC de Versailles, commissaire aux comptes et expert-comptable à Levallois-Perret. Je suis l’un des 21 associés d’un cabinet de 300 personnes. Nous avons des antennes en Normandie et sur Lyon. Le cabinet a une clientèle diversifiée : TPE, PME, artisans… Nous sommes rattachés à la Compagnie de Versailles en ce qui concerne le cabinet de Levallois. Je suis également candidat à la présidence de la CRCC pour la prochaine mandature. En effet, à Versailles, le président délégué de la CRCC est préparé pour succéder au président. Certes, il faut qu’il soit élu, car il y a d’autres candidats, mais il est bien préparé.


 


Quelles sont les particularités de la CRCC de Versailles ? Quelles sont les principales actions entreprises durant votre mandat ?


Nous sommes la plus jeune des CRCC de France. La CRCC de Versailles a été créée en 1978 suite au démembrement de la cour d’appel de Paris. L’essor de notre compagnie est lié au fait que les grands cabinets, qui étaient plutôt basés à Paris, sont venus s’installer dans les années 90 dans le quartier de la Défense. Aujourd’hui, les trois quarts des sociétés du CAC 40 ont leur siège ou leur service opérationnel à la Défense.


Nous avons donc tous les grands cabinets qui sont installés dans les Hauts-de-Seine, et 7 des 8 plus grands cabinets d’audit de France sont installés à Versailles. Mais nous avons aussi des cabinets petits et moyens qui représentent plus de la moitié des élus, avec des tendances non syndicales. Nous sommes vraiment la seule compagnie où tous les modes d’exercices sont représentés. Nous avons par exemple des confrères qui ont commencé dans leur cave et d’autres qui sont dans les tours de la Défense. En termes de chiffre d’affaires, la CRCC de Versailles est en tête. Nous avons 1 700 inscrits (Paris en a 2 600), mais nous faisons quasiment 50 % du CA de la profession, soit 1,2 milliard (Paris fait 500 millions de CA).


Nous gérons également les cotisations. Pour rappel, ce sont les compagnies régionales qui collectent les cotisations pour leur propre compte, mais aussi pour la compagnie nationale, et l’assurance. Les cotisations représentent un volume de 20 millions d’euros par an. La compagnie garde pour son fonctionnement environ 1,5 million.


Dans notre travail, nous sommes aidés par sept permanentes, une secrétaire générale dont la spécificité est d’être elle aussi diplômée commissaire aux comptes – elle est donc en capacité de répondre techniquement aux confrères –, une assistante du président et vice-président délégué qui gère les relations presse et qui s’occupe de l’organisation de l’ensemble des évènements ainsi que de nos déplacements, et enfin un comptable.


La compagnie de Versailles s’est toujours positionnée comme étant la plus innovante, à la pointe de la profession. Ainsi, à l’origine, les Universités d’été ont été créées il y a 30 ans à Versailles. Autre exemple : la profession s’est en partie développée avec des packs (pack petites entreprises, pack association, etc.), et, initialement, il s’agissait de groupes de travail à Versailles qui se réunissaient pour mettre en commun et partager leurs outils (CAC assistant).


La compagnie des commissaires aux comptes de Versailles organise aussi chaque année (à raison de six par an) les « carrefours réflexion ». Elle publie également tous les trimestres « Regard sur », un document qui porte sur des thèmes d’actualité. De plus, on organise aussi des webinaires, des conférences (la dernière, organisée le 21 septembre sous l’égide du tribunal de commerce de Versailles, portée sur la prévention et situation des entreprises pendant la Covid-19).


On organise également chaque année, au mois de novembre, une journée pédagogique au Chesnay. On y réunit environ 500 jeunes et leurs professeurs, et on leur explique la vie dans les cabinets. Comme nous l’avons dit, nous avons la chance à Versailles d’avoir tous les types d’exercice. Durant cette journée pédagogique, on a des associés et des collaborateurs de grands cabinets, des jeunes associés, etc., viennent raconter leur quotidien.


Le commissariat aux comptes est une profession qui embauche, mais qui a encore un déficit d’attractivité, et on compte sur le numérique pour essayer de gommer ça.


À cet effet, la profession a également mis en place une campagne de communication qui a débuté au mois de juillet, et qui va continuer à se déployer, pour mettre en valeur les atouts de notre métier. Nous avons une éthique forte, des valeurs fortes, et en plus lorsqu’on est commissaire aux comptes, on peut se spécialiser dans des secteurs qu’on ne pourrait pas toucher autrement. En outre, il s’agit d’une profession où une fois que l’on est diplômé, on peut progresser facilement. La rémunération quant à elle est très attractive : sa moyenne annuelle dépasse les 100 000 euros. Pour en revenir à la CRCC de Versailles, nous participons aussi à d’autres initiatives liées à la compagnie de Paris comme le Lab 50.


 


En ce qui concerne votre mandature, quels moments forts retenez-vous ? Quels ont été vos priorités et objectifs ?


Durant notre mandature, nous avons dû faire face à quelque chose qui n’était pas prévu : la loi PACTE. Cela a été difficile, car nous avions face à nous un ministre qui semblait dire que le commissariat aux comptes ne sert à rien, et qu’on doit faire économiser 5 000 euros aux sociétés…


On parle de compétitivité des entreprises, mais pensez-vous que 5 000 euros en plus ou en moins va changer quelque chose ? En revanche, il y a autre chose que le ministre aurait pu changer : les délais de paiement. En effet, quand on a une économie qui repose sur le paiement inter-entreprises, dès qu’un des maillons décide de ne pas payer, l’économie ne circule plus ; il y a alors des dépôts de bilan en cascade.


C’est en effet Monsieur Macron qui a instauré la certification des délais de paiement quand il était ministre de l’Économie, il aurait intérêt à continuer dans le même sens, mais il ne le fait pas. Or, cela permettrait de donner de la trésorerie aux entreprises.


Depuis des années, les pouvoirs publics ont pris des mesures démagogiques sur le niveau des capitaux propres des entreprises. Vous pouvez par exemple créer une entreprise avec seulement 1 euro, mais aussi faire faillite très rapidement. Car en réalité, pour investir, il faut un niveau de capital qui corresponde à votre besoin en fonds de roulement, à votre activité… Le financement des entreprises se fait par le crédit fournisseur. C’est le fournisseur qui vous prête de l’argent. Cela nécessite de la confiance.


Par conséquent, si l’on décrète demain que pour une PME qui fait trois millions de CA, on ramène les délais de paiement obligatoires de 45 jours à 15 jours, alors mécaniquement, cela fait 250 000 euros de trésorerie qui apparaissent (trois millions divisés par 12). Et ça n’a rien à voir avec les 5 000 euros que cette entreprise peut économiser sur son commissaire aux comptes.


Sur ce sujet-là, notre action a été de rencontrer les parlementaires. Nous avions par exemple rencontré le député des Yvelines Jean-Noël Barrot, en charge de la partie délais de paiement. Nous lui avons demandé de faire avancer les choses afin de les réduire.


Quoi qu’il en soit, ce qui m’apporte le plus de satisfaction, c’est la fonction régalienne que l’on a de faire des conciliations (dixit Olivier Boucherie, NDLR). C’est-à-dire de rendre la justice et de permettre aux humains de se rapprocher. Par exemple, vous avez deux confrères qui se disputent, on les réunit au siège de la compagnie, en fonction de ce qu’ils disent, de ce qu’on connait, on parvient à trouver un terrain d’entente. Parfois, les choses ne se passent pas bien avec le client et on arrive à réconcilier le CAC et son client. Globalement, nous avons mené une conciliation par mois en quatre ans. Nous avons parfois l’impression d’avoir des pouvoirs magiques, car les querelles sont quelquefois anciennes et violentes, et nous arrivons à réconcilier les parties.


Nous retenons d’autres moments forts (dixit Florent Burtin, NDLR) notamment au moment de la loi PACTE. Nous avions reçu le Premier président de la cour d’appel et la procureure générale (Véronique Malbec), qui, à l’époque, ne connaissait pas bien la profession. Quand celle-ci nous a entendus dire que le procureur de la République n’aurait plus de signalement dans plus de 5 % des entreprises, elle a demandé à un de ses avocats généraux de revenir vers nous. Elle a préparé une note qu’elle a fait signer à l’ensemble des procureurs généraux de France ; elle l’a ensuite portée à la précédente garde des Sceaux, Nicole Belloubet. Nous lui en sommes reconnaissants de nous avoir soutenus à ce moment-là.


 


Vous organisez aussi les Universités d’été 2020 de la profession comptable. Vous y abordez notamment la question des nouvelles technologies. Le numérique est-il une opportunité ou une menace pour la profession ?


L’expertise comptable et le commissariat aux comptes sont des professions qui doivent s’adapter. Le numérique va en effet tout bouleverser, notamment la facture électronique pour les experts-comptables qui sera obligatoire en 2025. Or, un tiers des cabinets sont encore sur des flux physiques et n’ont pas encore fait le saut ; mais il n’y a toutefois pas vraiment d’inquiétude à ce sujet. La profession s’est adaptée au fur au fur des changements.


La facture électronique est une opportunité pour la profession. Cette dernière a en effet la volonté de proposer des modèles et d’organiser la centralisation d’informations pour que ce ne soit pas un éditeur de logiciel qui monopolise tout ça. La profession d’expert-comptable participe à toutes les discussions avec le gouvernement. Les experts-comptables sont au cœur du flux de l’information au moment de la création de celle-ci.


Plus généralement, l’évolution vers le numérique a commencé avec les obligations fiscales il y a environ dix ans. Aujourd’hui, toutes les déclarations fiscales sont faites en numérique dans tous les cabinets : les déclarations mensuelles de TVA, les liasses fiscales. Même les petites SCI sont obligées de télétransmettre leurs informations. Il y a cinq ans, il s’est passé eu la même chose avec le pôle social. C’était la DSN. Les cabinets ont absorbé ça sans vraiment discuter. Cela n’a posé aucun problème, à part avec les complémentaires et les prévoyances. Et puis il y a eu le paiement à la source qui n’a pas posé beaucoup de soucis non plus, même s’il a fallu expliquer un certain nombre de choses aux clients, car il y a eu l’année blanche, des règles particulières, et que tout n’est d’ailleurs pas encore terminé.


 


Comment la profession a-t-elle vécu la crise sanitaire dans laquelle nous sommes d’ailleurs encore plongés ?


La crise a été un accélérateur de solutions. On le voit au niveau des progrès qui ont été faits pour communiquer à distance, sur les nouvelles formes de travail, aussi, comme le télétravail, qui n’est cependant pas possible partout. On a des salariés qui se sont épanouis grâce à cela. Nous l’avons mis en place à la compagnie, et nous continuerons à l’avenir. Cela permet de pouvoir consacrer toute une journée à un travail de réflexion sans être dérangé. Nous avons également amélioré les relations avec le client.


 


Pouvez-vous nous en dire plus sur le décret n° 2020-667 du 2 juin qui concerne la réforme de l'organisation professionnelle des commissaires aux comptes ? Quels sont les principaux changements apportés par ce décret ? Quels impacts pour la CRCC de Versailles ?


Il s’agit d’un décret écrit par la Chancellerie. Ce texte a ensuite été présenté au Conseil national des commissaires aux comptes, qui a regardé s’il correspondait aux souhaits de la profession. Le Conseil national a voté majoritairement pour la réforme. Le décret a été envoyé au Conseil d’État pour validation. Ce dernier a validé le décret et la Chancellerie l’a promulgué. L’ECF a ensuite attaqué le décret devant le Conseil d’État, mais il a perdu. On ne voit assurément pas comment le Conseil d’État pouvait se déjuger lui-même…


Ce décret accompagne la réforme territoriale de la France initiée par le président Hollande, avec une spécificité pour le commissariat aux comptes, c’est-à-dire la nécessité pour la région parisienne d’avoir deux compagnies régionales, Paris et Versailles. Au lieu d’avoir 13 régions, on en a 14. En outre, le regroupement ne se fait pas sur la base des régions administratives, mais sur la base des cours d’appel, car le CAC dépend du ministère de la Justice. La réforme de la justice n’a jamais touché à l’échelon cour d’appel, et donc, nous les avons regroupées.


Auparavant, il y avait 33 compagnies régionales, qui correspondaient aux 33 cours d’appel (avec une exception : la cour d’appel de Bastia qui était rattachée à celle d’Aix-en-Provence). Suite au regroupement, les trois compagnies d’outre-mer sont restées telles quelles, Paris est restée seule aussi, et nous à Versailles, nous nous sommes regroupés avec Orléans et Bourges. Dans le sud-ouest, il y a eu le regroupement de Bordeaux, Limoges, Agen et Pau. Dans l’est, celui de Nancy, Metz, et Reims. Dans le nord, le regroupement de Douai et d’Amiens.


Nous n’avions pas, à Versailles, la velléité de nous agrandir, mais il se trouve que les compagnies d’Orléans et de Bourges se sont retrouvées seules après ce grand remaniement. On leur a donc proposé de se joindre à nous. En plus, on détenait déjà une partie de leur région avec l’Eure-et-Loir. On va donc passer à une compagnie régionale qui va réprésenter plus de 50 000 km², et représenter dix départements. On va devenir en superficie la 3e compagnie régionale.


Cela ne nous empêchera pas d’être au plus proche de nos confrères, car on va maintenir les représentations territoriales et les permanences qui sont sur place. Nous allons aussi nous appuyer sur des confrères qui ne sont pas forcément élus. C’est un travail bénévole, donc qu’on soit élu ou non, on peut aider.


On va également créer un grand centre de formation pour les confrères. En effet, nous organisons environ une centaine de formations chaque année. Pour rappel, nous sommes une profession qui a une obligation de formation, initiale d’abord (Bac +5, diplôme universitaire + diplôme d’État, stage, mémoire…), mais également l’obligation chaque année de faire une déclaration de formation transmise au H3C. Tous les trois ans, les commissaires aux comptes doivent avoir réalisé 120h de formation. Grâce aux Universités d’été, les confrères peuvent venir se former gratuitement.


 


Qu’est-ce que le décret va changer pour les élections à venir ?


Les élections se déroulent à deux niveaux. Au niveau régional, et au niveau national. Au niveau national, il y a un grand changement, car il va y avoir deux listes, les membres EIP(entités d’intérêt public) et les non EIP. Chacune des deux listes va devoir élire 30 confrères pour constituer le Conseil national des commissaires aux comptes de 60 membres. Parmi ces 60 membres figureront les 17 présidents des compagnies régionales.


Au niveau régional, on a adopté des élections une fois tous les quatre ans, au lieu de tous les deux ans. Nous avons également adopté, au lieu d’un système nominal où on élit des personnes, un système de liste à représentation proportionnelle, avec une prime de majorité de 25 % pour ceux qui arrivent en tête. Sont en outre admises à la répartition des sièges les listes qui ont obtenu au moins 15 % des suffrages exprimés.


Il y aura également moins d’élus. En effet, les compagnies vont être regroupées, mais il n’y aura pas plus d’élus. C’était une volonté pour réduire, notamment, les coûts de fonctionnement. Concernant la CRCC de Versailles, par exemple, à Bourges il y avait six élus, à Orléans 12, et à Versailles 22. La nouvelle compagnie n’en aura plus que 22. Au niveau national, on va avoir deux fois moins d’élus également. Il y en avait 350, il n’y en aura plus que 180. De même au Conseil national, il y a avait 90 élus, il n’y en aura plus que 60. Ce qui change toutefois, c’est que ces derniers seront élus directement, et la gouvernance sera un peu modifiée. Avant le décret, en effet, il y avait une représentation proportionnelle des élus qui allaient au Conseil national. On peut dire qu’ils étaient des élus d’élus. Maintenant, les membres de la CNCC vont également être élus directement, seuls les présidents de compagnies régionales seront membres de droit du Conseil national. À noter aussi que le bureau du Conseil national sera désormais plus resserré.


Autre changement : auparavant, il y avait une réunion des présidents qui se tenait avant chaque réunion du CNCC, qui lui-même se réunissait tous les trimestres, mais on s’est rendu compte que ce n’était pas suffisant. Le CNCC se réunira désormais tous les deux mois.


Concrètement, les élections se déroulent partout le même jour et le vote est électronique. Nous avons sous-traité ça à une société spécialisée, que nous connaissons à Versailles, qui s’appelle Élection Europe. Une fois que les listes sont validées, les confrères reçoivent un courrier et un mail avec un code. Ils ont 15 jours pour se connecter, et le 30 septembre, les résultats sont connus automatiquement.


 


La profession de CAC est également à un tournant de son histoire du fait de la loi PACTE, quelles en ont été les principales conséquences ? Quelles nouvelles missions et prestations les CAC peuvent-ils développer ?


Ce qui est nouveau, ce n’est pas la nature des missions, c’est le fait qu’on puisse les faire sans être commissaire aux comptes à titre principal. 150 000 sociétés ne vont plus avoir de commissaire aux comptes, mais celles-ci peuvent quand même recourir au CAC, non pas pour certifier leurs comptes, mais pour faire un certain nombre de prestations : attestations sur les délais de paiement, respect des règles de solvabilité et de liquidité (si prêts), etc. Bref, ces dernières ont besoin d’un tiers qui certifie que les choses ont été faites correctement.


Nous avons également des missions liées aux subventions faites par des organismes européens : l’Europe va par exemple vérifier que les fonds utilisés le sont conformément à ce qui a été prévu dans le contrat…


Ce ne sont pas des choses nouvelles, on sait le faire, simplement c’est le cadre juridique qui a été modifié. Le commissaire aux comptes n’est pas seulement un certificateur d’état financier, il peut aussi effectuer des prestations de service. Le Code de déontologie a été réécrit en ce sens : si vous avez une mission de certification de comptes, alors le champ des possibles est plus limité pour ne pas vous mettre en conflit d’intérêts.


Pour l’instant, on ne peut pas encore savoir combien il y a eu de missions de ce genre. Nous saurons cela dans quelques mois. Nos confrères ont l’obligation, chaque année, pour chacun des dossiers, de faire une déclaration d’activité à la compagnie nationale ; ils doivent expliquer la nature de leur certification et les grandeurs comptables de l’entreprise, et éventuellement les problèmes qu’ils ont rencontrés dans l’entreprise, s’ils ont déclenché l’alerte, ou fait une déclaration de soupçon. Concernant les nouvelles missions, il faut également faire des déclarations. On aura les retours à la fin de l’année, on connaîtra alors le nombre de sociétés qui ont été concernées par cela.


En tout cas, pour 2019, sur les 150 000 mandats concernés par la loi PACTE, 23 000 ont été renouvelés, mais contrairement à ce qui avait été annoncé, ça n’a pas été une catastrophe, car on a pu récupérer 57 % des mandats qui auraient dû s’arrêter. Cela signifie que même si le CAC n’est plus obligatoire, certains clients ont préféré le garder. On est passé d’une utilité décrétée, parce que la loi l’exige, à une utilité parce qu’on apporte une valeur ajoutée. Nous sommes en effet utiles pour l’ensemble des prenantes, les clients, les fournisseurs, les salariés, les banquiers, les assureurs…


C’est vrai aussi qu’avant PACTE, il y avait des commissaires aux comptes dans des entités qui n’en avaient pas besoin, mais finalement, nous n’étions présents que dans 8 % des PME en France. Or, il y a eu une grande manipulation des informations, nous avons eu des grands discours disant que la loi allait faire économiser de l’argent dans toutes les PME, mais en réalité, on a simplement supprimé des CAC dans 5 % des PME ! Certes la loi met en difficulté certains de nos confrères, mais ça ne change pas grand-chose pour les PME. Le gouvernement leur a dit qu’il allait leur faire un cadeau alors qu’en fait, il s’adresse à 5 % d’entre elles…


Pour mesurer les conséquences de la loi PACTE, nous avons aussi une association nationale, créée à l’issue d’une réunion de présidents de CRCC : Soutien CAC. Celle-ci collecte l’information auprès des confrères. L’association aide les cabinets affectés par la loi à entamer une démarche indemnitaire. Avec l’aide d’un avocat en droit administratif, nous avons bâti un argumentaire. Nous avons consulté des confrères spécialistes en évaluation des préjudices, et d’ici la fin du mois, nous allons poser les premières demandes d’indemnisation.


L’association regroupe 600 confrères pour l’instant. Nous allons présenter une dizaine de dossiers que l’on va présenter à la Chancellerie d’ici la fin de l’année. On estime aujourd’hui qu’il y a moins d’une centaine de confrères qui sont vraiment en grande difficulté. Pour les aider, nous avons aussi mis en place un système de soutien psychologique avec des référents et l’association APESA (Aide psychologique pour les entrepreneurs en souffrance aiguë).


Mais quoi qu’il en soit, comme nous l’avons dit, en 2019, nous avons récupéré 57 % des mandats, sans compter ceux qu’on a gagnés avec le dispositif « petit groupe » qui a eu un effet bénéfique. Nous avons perdu des dossiers, mais nous en avons aussi gagné. Au niveau de mon cabinet, où j’ai un peu plus de 50 mandats, la loi PACTE n’en a fait perdre 14, mais j’en ai gagné 12 autres (dixit Olivier Boucherie, NDLR). Au niveau de la compagnie de Versailles, la base des honoraires a augmenté par rapport à l’année précédente. Il y a eu donc moins de mandats, mais plus d’honoraires.


 


Enfin, quel est votre sentiment par rapport à l’avenir de la profession ?


Je suis toujours optimiste (dixit Olivier Boucherie, NDLR). Tant qu’il y aura des dirigeants de PME, il y aura besoin de confiance et de conseil (dixit Florent Burtin, NDLR). Le problème en France est que nous n’avons pas assez d’entreprises de taille intermédiaire. On en a fait trop pour les individuels et les auto-entrepreneurs, mais pas assez pour les entreprises pour leur permettre de franchir le cap des 50 salariés (un des trois seuils qui oblige à avoir un commissaire aux comptes). C’est trop compliqué, cela coûte cher trop pour une entreprise de passer de 49 à 50 salariés. C’est un frein terrible à l’embauche.


 


Propos recueillis par Maria-Angélica Bailly


 


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