Fondée en 2018, RECNOREC apporte une solution
de valorisation à tous les déchets plastiques orphelins de recyclage. Sa
fondatrice Ugoline Soler, récemment lauréate de Réseau Entreprendre Yvelines,
revient pour le JSS sur la
genèse de la société.
Quand et comment est née RECNOREC ?
Après un diplôme d’ingénieure agronome spécialisée en ingénierie de
l’environnement et gestion des déchets à l’École Nationale Supérieure
d’Agronomie de Toulouse (ENSAT) en 1999, j’ai travaillé près de 20 ans
dans les métiers de l’environnement. Mon dernier poste, responsable innovation,
m’a conduite naturellement à la création de RECNOREC : la découverte de la
solution sud-américaine en 2015 et mon licenciement ont été les déclencheurs de
cette aventure.
J’avais envie d’entreprendre depuis longtemps pour mettre en œuvre
d’autres modèles de création de valeur en entreprise, parfaitement alignés sur
les principes du développement durable : business, bien sûr, mais aussi
respect de l’environnement, créations d’emplois, inclusion et bien-être au
travail. L’aventure entrepreneuriale est devenue une évidence lorsque je me
suis retrouvée au chômage ! J’ai tout de suite compris que cette
innovation pourrait totalement bousculer le milieu du recyclage et permettre de
recycler les tonnes de plastiques qui terminent aujourd’hui enfouis ou
incinérés. C’était une véritable solution pour préserver les milieux naturels,
mais aussi pour limiter nos émissions de gaz à effet de serre. RECNOREC est
donc une entreprise sociale à vocation industrielle.
Pour cela, j’ai obtenu en 2017 un diplôme universitaire
de Business Management, parcours Entrepreneur social à l’université
Paris-Dauphine. J’ai fondé RECNOREC en 2018 pour apporter une
solution de valorisation à tous les déchets plastiques orphelins de recyclage.
Le principe est simple : valoriser ces 90 % de plastiques même sales,
même mélangés, sans sur-tri ni lavage, au travers d’un process low-tech... Tout
un programme !
Pourquoi certains plastiques ne peuvent-ils pas être
recyclés par les filières de recyclage traditionnelles ? Que
deviennent-ils ?
Les raisons sont simples et variées. La plupart des plastiques ne sont pas
recyclables aujourd’hui, car ils sont trop souillés, trop complexes, trop
mélangés, trop dispersés pour être collectés en gros volumes, ou encore parce
que les usines de recyclage ne sont pas capables d’absorber les énormes flux
que nos activités produisent. En outre, le marché pour la matière recyclée
n’existe pas suffisamment, car elle est souvent trop chère. Recycler peut
coûter très cher...
« J’ai tout de suite compris que cette innovation pourrait
totalement bousculer le milieu du recyclage et permettre de recycler les tonnes
de plastiques qui terminent aujourd’hui enfouis ou incinérés. »
RECNOREC ambitionne donc de recycler les plastiques
à usage unique. Comment procédez-vous ?
Nous réceptionnons les plastiques en mélange issus pour le moment des
déchets des ménages. On y trouve en majorité du PEHD, PEBD, PP, PS, PET et un
peu de PVC. De la barquette de viande aux pots de yaourt en passant par les
films d’emballage, mousses, masques et sachets divers… Après caractérisation
des gisements de déchets, nous ne les séparons pas et nous ne les lavons pas,
nous les intégrons directement dans notre process innovant. Nous ne souhaitons
pas concurrencer les filières existantes de recyclage des plastiques qui
s’intéressent à des gisements purs, triés et lavés. Nous créons une nouvelle
filière de recyclage afin de valoriser des déchets destinés à l’élimination
(incinération ou enfouissement).
Pouvez-vous nous en dire plus sur l’opération
« Bas les masques », actuellement menée par RECNOREC ?
L’opération « Bas les masques » permet aux entreprises et
collectivités de soutenir notre Recherche & Développement. Elle nous permet
de mettre au point notre solution en y intégrant ce nouveau déchet. Nous
intégrons les masques à notre flux habituel de déchets sans tri manuel. C’est
toute la différence de notre solution : elle est industrialisable !
Très prochainement, nous passerons en mode opérationnel avec une petite unité
de production pour valoriser beaucoup plus de masques et autres équipements de
protection individuelle.
Vous êtes lauréate 2020-2021 du Réseau Entreprendre Yvelines. Que vous a apporté
cette distinction ?
Le réseau Entreprendre soutient la reprise et la création d’entreprises,
en accompagnant les porteurs de projets. Outre un prêt d’honneur appréciable,
j’ai été conseillée par des chefs d’entreprises aguerris et bienveillants et
tout un réseau local de professionnels. C’est très important de ne pas rester
isolé. L’avantage, c’est que l’on apprend plus vite que
tout seul.
Chaque année, les pays de l’Union européenne
produisent près de 25 millions de tonnes de déchets en plastique. En
réponse, les sacs plastiques à usage unique sont interdits depuis 2017, tout
comme, depuis peu, la vaisselle jetable, les pailles ou encore les cotons-tiges
en plastique. Comment aller plus loin ?
Bien sûr ! À chaque fois que nous modifions notre consommation et que
nous évitons de produire un déchet plastique, nous contribuons, chacun à notre
échelle, à préserver les forêts, les océans… Mais il faut également penser à
l’après et voir plus grand ! Que deviennent les plastiques que nous avons
consommés ?
Si nous souhaitons qu’ils ne soient plus une source de pollution, nous devons
les recycler autrement et leur trouver de nouveaux usages dans nos vies
quotidiennes : c’est ce que nous proposons chez RECNOREC !
Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaitent
limiter leur impact ?
Regardez en détail et très régulièrement ce que vous mettez dans vos
poubelles : comment pourriez- vous vous passer de ce futur déchet ?
Renseignez-vous sur ce qu’il devient. Soyez curieux, ouvert, critique. Restez
bienveillant, mais pas trop complaisant… le changement, c’est chacun de nous,
pas à pas.
Enfin, quels sont vos projets à venir ?
2021?est l’année de notre levée de fonds et du démarrage
de notre démonstrateur industriel ! Les particuliers qui le souhaitent
peuvent eux aussi continuer à nous soutenir en souscrivant des bons de
souscription en action. En 2022, nous mettrons en route notre première usine
capable de recycler jusqu’à 3 000?tonnes de déchets par
an ! Nous allons produire des planches imputrescibles et proposerons un
catalogue de produits écoresponsables qui stockent du carbone fossile et
préservent les forêts…
Propos recueillis par Constance Périn