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Financements publics, CPPA… Quel modèle économique pour le photovoltaïque ?

Financements publics, CPPA… Quel modèle économique pour le photovoltaïque ?
Publié le 30/09/2022 à 15:28


Le récent rapport « Futurs énergétiques 2050 » de RTE (Réseau de transport d’électricité) a montré que le développement des énergies renouvelables électriques était nécessaire pour atteindre la neutralité carbone en 2050, indépendamment même des choix effectués sur le nucléaire. Or, la France accuse encore un retard dans le déploiement des moyens de production d’énergie renouvelable. Elle compte donc en particulier sur l’énergie solaire photovoltaïque pour y remédier.

Afin d’y parvenir, le gouvernement compte sur un nouveau projet de loi qu’il a choisi de désigner comme relatif « à l’accélération des énergies renouvelables ». Au cas présent, l’accélération consiste principalement à raccourcir voire supprimer les procédures de consultation du public ou celles relevant de la protection de l’environnement, ce qui a déjà suscité de nombreuses observations. Moins commentée a été la partie relative aux financements de ces énergies renouvelables. Pourtant, sur ce sujet, si le développement de l’énergie solaire photovoltaïque continue d’être favorisé en priorité par des mécanismes de soutien s’appuyant sur nos finances publiques, de nouveaux mécanismes tendent à voir le jour, dans un contexte de hausse des coûts de l’électricité et de soutien législatif accru aux énergies renouvelables. Les praticiens se posent donc désormais la question suivante : quel modèle économique choisir pour le photovoltaïque ?

 

 


Jusqu’à aujourd’hui, une filière nécessairement soutenue par les pouvoirs publics

Tout d’abord, il convient de rappeler que les pouvoirs publics accompagnent l’installation de centrales photovoltaïques, qu’il s’agisse d’un soutien par appel d’offres, destiné aux plus grandes installations, ou d’un soutien dans le cadre du guichet ouvert, lequel permet aux plus petites centrales de bénéficier d’un tarif d’achat ou d’un complément de rémunération, dès lors quelles sont éligibles au sens de l’article D. 314-15 du Code de l’énergie.

Le récent décret n° 2021-1300 du 6 octobre 2021 est venu étendre le périmètre du guichet ouvert pour les installations photovoltaïques. En plus des simples bâtiments, sont désormais concernés les ombrières et les hangars. Surtout, le plafond est réhaussé à une puissance de crête installée inférieure ou égale 500 kW, contre 100 kW précédemment.

De même, le projet de loi « relatif à l’accélération des énergies renouvelables » prévoit en son Titre II des mesures spécifiques « à l’accélération du photovoltaïque » tenant à « démultipli[er] les possibilités d’implantation, afin d’atteindre l’objectif de multiplier par huit notre capacité de production d’énergie solaire pour dépasser les 100 GW à l’horizon 2050 ».

Ces mécanismes ont certainement contribué à favoriser le développement de panneaux solaires et des résultats sont d’ores et déjà à observer : selon les chiffres de France Territoire Solaire, ce sont 2,574 GW qui ont été raccordés sur l’année 2021. Il s’agit d’une forte augmentation qui ne doit pas uniquement aux réaffectations des résultats de 2020.

 


 

Limites du système actuel des financements publics et nouveaux modèles économiques

Cela étant, ce modèle économique fait face à certaines limites. Outre les développeurs évincés ou dont le projet n’entre pas dans des installations éligibles à l’obligation d’achat, le signal prix, qui a longtemps empêché ces porteurs de projets de s’émanciper d’un mécanisme de soutien, pourrait désormais, au contraire, les pousser à chercher des solutions alternatives de financement.

En effet, l’obligation d’achat de l’électricité par EDF à un tarif réglementé (L. 314-1 du Code de l’énergie) et le complément de rémunération – dispositif permettant de recevoir, après vente sur les marchés de l’électricité, un complément de revenus afin que le revenu total atteigne le niveau de tarif garanti par l’État – sont fondés sur le principe de la fixation d’un prix par l’État, censé être supérieur aux prix des marchés et permettant aux développeurs de rentabiliser l’opération.

Or, les prix de l’électricité augmentent. Comme l’indique France Territoire Solaire, au 4e trimestre, cette augmentation du prix du marché a été si élevée qu’elle a dépassé le tarif fixé dans le cadre du complément de rémunération. Si cette augmentation se pérennise, des producteurs d’énergie renouvelable pourraient être conduits à reverser le surplus à l’État. En effet, si le prix de marché est supérieur à ce tarif, le producteur doit en reverser la différence à l’État (R. 314-49 du Code de l’énergie).

Parallèlement, de nouvelles solutions se démocratisent.

L’une d’entre elles consiste en la conclusion d’un contrat d’approvisionnement de long terme conclu directement avec le consommateur final, en dehors de tout mécanisme de soutien. Ces contrats répondent à la dénomination de « Corporate Power Purchase Agreement » ou « CPPA ».

 


 






Avantages et inconvénients du CPPA

Il s’agit d’un contrat de droit privé liant un producteur d’électricité à un ou plusieurs consommateurs et dans lequel le producteur et le consommateur s’obligent réciproquement à produire et acheter l’électricité durant une période définie à un certain prix.

Pour le consommateur, l’avantage peut être double. Sur le plan économique, ce type de contrat permet de s’assurer d’être livré d’une électricité à un coût constant. Sur le plan environnemental et réputationnel, il offre au consommateur la possibilité de disposer d’une électricité issue d’une source d’énergie renouvelable.

À l’inverse, pour le producteur, ce contrat de vente directe d’électricité n’offre en principe pas la même garantie qu’un contrat d’obligation d’achat au sens de l’article?L. 314-1

du Code de l’énergie, et pour cause : contrairement à l’État, rien ne garantit au producteur d’électricité que son cocontractant sera effectivement à même d’acheter sa production définie dans le contrat, qui est de plusieurs années, voire de plusieurs décennies. Le risque financier n’a longtemps laissé qu’une place marginale aux CPPA.

 

 


CPPA et commande publique : l’application des CPPA aux communes

Les communes pourraient figurer parmi les premières intéressées à la conclusion de ces corporate PPA. En effet, à l’instar d’une entreprise, les collectivités ont des dépenses énergétiques incompressibles et subissent en conséquence l’augmentation et l’instabilité des prix du marché. Toutefois, elles doivent faire face à un obstacle supplémentaire : le droit de la commande publique.

Plus précisément, un risque d’illégalité eu égard à la durée des contrats, dans laquelle réside pourtant tout l’intérêt de ces contrats, pourrait surgir. En effet, celle-ci dépasse largement le cadre des contrats de fourniture passés en matière de commande publique. Le risque est réel : les candidats évincés par les appels d’offres constituent autant d’éventuels requérants.

Malheureusement, le projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables ne vient pas apporter de solution directe à cette situation. Il n’a néanmoins pas encore été soumis à amendements du Parlement. Ainsi, l’avis rendu par le Conseil National de la Transition Écologique le 8 septembre 2022 encourage le développement de ces contrats d’achat et note que certains de ses membres souhaitent voir « étendue la possibilité de contractualisation aux collectivités, en veillant au respect des principes d’égalité de traitement des territoires et de leurs habitants ». Affaire à suivre donc.

 


 

Évolutions proposées par le projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables : cadre juridique des CPPA et acceptabilité des projets

Le projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables, paru cet été, comprend un Titre IV dénommé « Mesures transversales de financement des énergies renouvelables et de partage de la valeur ».

S’agissant, en premier lieu, du financement des énergies renouvelables, le projet de loi vient opportunément créer un cadre juridique aux contrats CPPA, qui n’existait pas jusqu’alors. Ainsi, l’étude d’impact du projet de loi précise que l’objectif poursuivi par l’article 18 dudit projet est de « définir un cadre juridique pour les producteurs qui vendent l’électricité qu’ils produisent à un consommateur final, en précisant les conditions dans lesquelles cette activité s’exerce dans le cadre des dispositions mentionnées à l’article L. 333-1 du Code l’énergie ».

À ce titre, l’article L. 333-1 du Code de l’énergie, qui régit les conditions de l’activité d’achat d’électricité pour revente aux consommateurs finals, serait modifié pour accueillir l’hypothèse de « producteurs d’électricité concluant un contrat de vente directe d’électricité à des consommateurs finals ou à des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes ». En conséquence, ces acteurs devront également être titulaires d’une autorisation délivrée par l’autorité administrative, ou bien pourront convenir avec un titulaire de cette autorisation qu’ils assurent par délégation les obligations pesant sur les fournisseurs d’électricité, notamment celles prévues au chapitre V du présent titre III et relatives à la contribution des fournisseurs à la sécurité d’approvisionnement en électricité. Cette disposition clarifie donc dans la loi la possibilité pour les producteurs de vendre l’électricité qu’ils produisent à un consommateur final.

S’agissant, en second lieu, du partage de la valeur, il convient de rappeler que celui-ci répond à l’objectif de rendre plus acceptables les projets pour les riverains – ou de leur faire accepter les projets, en particulier en leur octroyant une contrepartie.

C’est ainsi que le projet de loi propose d’imposer aux fournisseurs d’électricité d’accorder une remise sur leur facture aux riverains des parcs, qui leur serait remboursée au titre des charges de service public de l’électricité.

Si cette solution venait à être choisie, il s’agirait d’une petite révolution. En effet, la question de l’acceptabilité des projets d’énergie renouvelable fait débat et a même pu nourrir la campagne présidentielle. Jusqu’alors et en application du droit européen – Directive (UE) n° 2018/2001 du 11 décembre 2018, dite « RED II » –, les articles L. 291-1 et suivants du Code de l’énergie prévoyaient la possibilité de créer des « communautés d’énergie renouvelable » fondées sur un double principe de partage de la valeur et de partage de la gouvernance. Ces communautés reposaient sur l’idée qu’en partageant la gouvernance des projets d’énergie renouvelable, ceux-ci deviendraient plus acceptables aux yeux des riverains.

Tel qu’il est rédigé, le projet de loi semble cependant mettre de côté le partage de la gouvernance. Étant toujours en attente des décrets d’application desdits articles, il semblerait que le gouvernement a modifié sa stratégie en matière de renouvelable en cours de route.

En conclusion, s’il est certain que la question du mode de financement des projets d’énergie solaire photovoltaïque n’est pas encore stabilisée, on ne peut que constater l’émergence, a minima dans le débat public que les débats du Parlement autour du projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables devraient amplifier, d’une évolution vers des modèles économiques excluant le soutien de finances publiques. Pour les consommateurs intéressés, entreprises ou collectivités, comme pour les développeurs, il s’agit donc de se tenir informé, voire de chercher conseil, car le droit positif et la pratique en découlant risquent d’évoluer rapidement.

 

 

Sylvain Hamanaka,

Juriste,

Cabinet Huglo Lepage Avocats




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