DROIT

INTERVIEW. À la rencontre de Louise Denoyes, fondatrice de la plateforme Tuteur Law

INTERVIEW. À la rencontre de Louise Denoyes, fondatrice de la plateforme Tuteur Law
Louise Denoyes
Publié le 01/06/2023 à 18:11

La plateforme de tutorat Tuteur Law, dédiée aux étudiants en droit mais aussi aux lycéens qui se destinent à la filière, est actuellement mise en valeur à l’occasion de la semaine Paris 1 Panthéon Sorbonne Entrepreneuriat. Sa fondatrice, l’étudiante Louise Denoyes, nous présente cet outil gratuit lancé début mai, inscrit dans la promotion de l’égalité des chances, qui vise à apporter un accompagnement sur mesure et à « redonner du sens » aux études.  

JSS : Pouvez-vous nous présenter Tuteur Law ?

Louise Denoyes : Il s’agit de la première plateforme de tutorat – au sens large – pour les étudiants en droit, c’est-à-dire qui apporte un soutien de quelque nature qu’il soit : pédagogique, méthodologie psychologique, amical, etc.

La plateforme propose trois niveaux de tutorats. Le premier est assuré par des étudiants en droit à destination des lycéens désireux de poursuivre des études de droit, le deuxième offre un tutorat tourné vers les étudiants en licence, assuré par des étudiants plus expérimentés, et le troisième niveau, qui s’adresse aux étudiants en master 1 et 2, est dispensé par des professionnels : avocats, magistrats, professeurs, juristes d’entreprises, doctorants, chargés de travaux dirigés.

JSS : Qu’est-ce qui vous a poussée à lancer cette plateforme ?

L.D. : Tuteur Law est née d’une expérience sociale que j’ai réalisée auprès de 200 étudiants en droit issus de diverses universités en France, sondés pour savoir pourquoi ils travaillaient, révisaient dans le cadre de leurs études et quels étaient leurs moteurs à ce titre. La grande majorité d’entre eux ont répondu qu’ils travaillaient afin d’obtenir les notes requises pour valider leur année de droit. En revanche, très peu d’étudiants ont indiqué travailler pour se préparer au mieux à leur profession future (magistrat, juriste, professeur, etc.) ou encore par intérêt pour les matières étudiées.

« L’idée est de faire évoluer chez les étudiants la vision des études de droit, afin de ne plus les appréhender que par les notes »

Par ailleurs, en échangeant avec mes camarades, j’ai constaté une inquiétude et une baisse de motivation résultant essentiellement d’un manque d’accompagnement, d’un isolement et d’une véritable perte de sens dans leurs études. Entre autres, j’ai pu noter une préoccupation importante chez les étudiants, suscitée par la perspective de la sélection en master, du passage des examens, mais également de l’entrée dans la vie active.

J’ai alors souhaité trouver une solution afin de les maintenir dans cette voie à laquelle ils aspirent tant en leur proposant un accompagnement propre à rendre les études plus « pratiques » et porteuses de sens. L’idée est de faire évoluer chez les étudiants la vision des études de droit, afin de ne plus les appréhender par les notes, ce qui est évidemment essentiel, mais avant tout comme un moyen de devenir un bon professionnel du droit.

L’objectif est en outre d’instaurer une vraie proximité avec les professionnels du droit. Face à l’impact positif qu’ont pu avoir les rencontres que j’ai faites sur ma vie et sur la poursuite de mes études, j’ai souhaité que d’autres aient également cette possibilité de rencontrer des professionnels susceptibles de les orienter au mieux, de les inspirer. Tuteur Law vise à permettre aux étudiants, futurs professionnels du droit, de se projeter dans leur avenir professionnel.

JSS : Combien de temps a duré la gestation de ce projet avant qu’il ne prenne vie ?

L.D. : L’idée de monter la plateforme a longtemps germé dans mon esprit, mais une question demeurait : celle de savoir quel serait le meilleur moment pour la lancer. En effet, je n’ai que 20 ans, je suis en plein milieu de mes études de droit, et lancer un projet entrepreneurial à ce stade n’est pas toujours évident. Mais j’ai décidé de me jeter à l’eau, portée par l’idée qu’à 20 ans je ne prenais aucun risque à entreprendre.

Ainsi, le processus d’ébauche du projet s’est étalé dans le temps, tout au long de l’année. Toutefois, le lancement du projet a été très rapide. J’ai créé mon site Internet seule en une nuit, puis au petit matin je me suis remise à mes révisions de partiels. Cela a été rapide car toutes les idées étaient déjà posées et mûrement réfléchies.

JSS : La plateforme a ouvert début mai, l’accueil a-t-il été à la hauteur de vos attentes ?

L.D. : En réalité, lors du lancement de la plateforme, je n’avais pas d’objectifs particuliers, si ce n’est d’aider des étudiants en droit qui en auraient besoin. Finalement, l’accueil a été au rendez-vous, récompensant le temps investi dans ce projet !

J’ai été agréablement surprise de voir l’engagement de tant d’étudiants – en seulement quelques semaines, plus d’une centaine se sont inscrits sur la plateforme – mais également de professionnels désireux de devenir tuteurs. Cela m’a confortée dans la volonté de faire croître le projet. De plus, j’ai été contactée par diverses associations, professionnels du droit et entreprises afin que l’on se rencontrent pour réfléchir à différents moyens de faire évoluer la plateforme.

JSS : Pourquoi avoir fait le choix de la gratuité ?

L.D. : La gratuité du tutorat est l’essence même du projet, car elle implique une véritable égalité des chances entre tous les étudiants en droit qui demanderaient à être accompagnés. En effet, il est primordial selon moi de ne pas restreindre ce tutorat selon des facteurs externes, les seuls critères retenus étant l’ambition, la détermination et le partage du droit comme passion commune.

Par ailleurs, et dans ce prolongement, j’ai souhaité ouvrir une plateforme de stages sur notre site Internet, afin d’en faciliter la recherche pour tous les étudiants inscrits sur Tuteur Law.

JSS : Et quel est l’objectif visé en vous adressant aux lycéens ?

L.D. : Tuteur Law a été également créée dans l’optique de pallier l’absence de cours de droit au lycée, absence qui explique d’ailleurs les importants taux de réorientations en première et deuxième année de licence de droit. De fait, étendre le tutorat aux lycéens désireux de poursuivre des études de droit est une manière de leur faire découvrir cette matière de manière anticipée, et d’être accompagnés pour la préparation des dossiers Parcoursup, puis lors de l’entrée à l’Université.

« Nous entendons offrir un tutorat sur mesure, c’est-à-dire qui se rapproche au maximum du besoin des tutorés et des disponibilités des tuteurs »

Dans le même temps, la plateforme ambitionne d’organiser des conférences au sein des lycées qui le sollicitent, en présence de divers professionnels du droit et d’étudiants en droit, afin de créer un espace d’échange avec les lycéens sur les études de droit, les professions juridiques, etc.

JSS : Quelles sont les conditions nécessaires pour devenir tuteur ?

L.D. : Peuvent devenir tuteurs de façon volontaire les professionnels du droit (avocats, magistrats, notaires, juristes d’entreprises, doctorants) et les étudiants en droit à partir de la 3e année.

Mais Tuteur Law a surtout pour mot d’ordre la « volonté ». Ainsi, les potentiels tuteurs s’inscrivent car ils ont l’envie et le temps de pouvoir accompagner un étudiant en droit. S’il fallait préciser des qualités requises, je dirais donc qu’il faut être volontaire, tourné vers les autres, animé par une envie de transmettre et d’aider, ambitieux et bienveillant.

JSS : Comment choisissez-vous quel tuteur suivra tel ou tel élève ? 

N.D. : Tuteur Law entend offrir un tutorat « sur mesure », c’est-à-dire qui se rapproche au maximum du besoin des tutorés et des disponibilités des tuteurs.

Plusieurs critères entrent en compte afin d’attribuer les tutorats. Dans un premier temps, l’élève choisit le type d’accompagnement recherché, qu’il soit psychologique, pédagogique, social, mais aussi s’il est axé sur la méthodologique, l’organisation du travail, sur certaines matières particulières, ou préparation à des examens comme celui du Centre régional de formation professionnelle des avocats (CRFPA) ou de l’Ecole nationale de la magistrature (ENM), etc. Puis le futur tutorés précise la profession qu’il souhaite exercer (s’il sait), son niveau d’études et sa localisation ou celle de l’université d’étude.

L’objectif est ainsi de satisfaire au maximum les attentes de chaque étudiant et de chaque professionnel, en rapprochant des profils et personnalités qui se complètent au mieux et dont les attentes sont concordantes. De fait, nous privilégierons les tutorats entre des étudiants de la même université ou de la même ville.

JSS : Combien êtes-vous pour faire tourner la plateforme ?

L.D. : Je suis pour le moment seule derrière le projet, ce qui demande beaucoup de temps et d’énergie. À ce stade, j’ai envie de m’y investir le maximum possible, ce que je fais sur mon temps libre, étant actuellement en stage. Je m’occupe ainsi de toutes les tâches, lesquelles vont de la communication sur les réseaux sociaux aux rendez-vous pour faire évoluer le projet en passant par la réponse aux mails et aux demandes de tutorat ou pour devenir tuteur, les entretiens téléphoniques et la gestion des partenariats. Toutefois, j’ai la chance d’être accompagnée par un entourage très bienveillant qui m’oriente au mieux dans ce processus.

Parallèlement, je constitue une équipe composée d’étudiants en droit ambitieux, dynamiques et volontaires, afin de porter ensemble l’ambition au service des étudiants et de pouvoir diviser les tâches, car je suis convaincue qu’à plusieurs, nous parviendrons à mener le projet à atteindre ses objectifs. Le projet étant destiné à aider les étudiants, il m’a semblé évident que ceux issus de diverses universités et parcours puissent porter le projet afin de représenter au mieux tous les étudiants, d’étendre le tutorat à l’échelle nationale.  

Aujourd’hui je procède étape par étape, sans me précipiter, avec un agenda et des deadlines définies, afin que l’ensemble du projet soit lancé pour la rentrée de septembre 2023, et que soient achevés la constitution de l’équipe, les entretiens des tuteurs, l’attribution des tutorats, et enfin les interviews des professionnels du droit.

JSS : Comment voyez-vous la suite ? En particulier, comment envisagez-vous de développer votre outil à court ou moyen terme ?

L.D. : Je souhaite prévoir la possibilité d’apporter un soutien psychologique et mental par des coachs mentaux pour les étudiants qui le souhaiteraient, afin d’être aidés à gérer de façon plus sereine leurs études et à se préparer de manière positive à toutes épreuves et examens, mais également à mieux équilibrer leur vie universitaire et extra-universitaire, tout aussi enrichissante et valorisée sur les dossiers.

J’aimerais également créer via Tuteur Law le plus gros réseau d’étudiants et de professionnels du droit, afin de développer tôt dans le cursus universitaire un réseau de connaissances dans le monde juridique, de faciliter la recherche de stage, et surtout, encore une fois, de permettre aux étudiants et aux professionnels de faire des rencontres enrichissantes susceptibles de bouleverser des trajectoires de vie, de créer des vocations et d’ouvrir le dialogue entre différentes générations de passionnés du droit.

Plus largement, ces prochains mois, je vais participer à divers évènements afin de mettre en avant le projet, à l’instar de la semaine Paris 1 Panthéon Sorbonne Entrepreneuriat qui a lieu actuellement, et du concours de pitch qui s’y déroule. De plus, je dois m’entretenir avec diverses associations et professionnels du droit qui ont exprimé leur intérêt pour en apprendre davantage sur la plateforme et voir comment la faire évoluer ensemble. Pour la première année, l’objectif de Tuteur Law serait d’accompagner 250 étudiants en droit dans toute la France, puis de faire progresser ce chiffre lors des années suivantes.

Enfin, aidée par l’équipe qui est en train d’être constituée, je vais très prochainement lancer sur YouTube une série d’interviews de professionnels du droit et de coachs mentaux, mais également d’étudiants qui viendront expliquer leurs parcours, leurs études et les spécificité de leur master.

Propos recueillis par Tina Millet

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