La plateforme
de tutorat Tuteur Law, dédiée aux étudiants en droit mais aussi aux lycéens qui
se destinent à la filière, est actuellement mise en valeur à l’occasion de la
semaine Paris 1 Panthéon Sorbonne Entrepreneuriat. Sa fondatrice, l’étudiante Louise
Denoyes, nous présente cet outil gratuit lancé début mai, inscrit dans la promotion de l’égalité des chances, qui vise à apporter un accompagnement
sur mesure et à « redonner du sens » aux études.
JSS :
Pouvez-vous nous présenter Tuteur Law ?
Louise
Denoyes :
Il s’agit de la première plateforme de tutorat – au sens large – pour les étudiants
en droit, c’est-à-dire qui apporte un soutien de quelque nature qu’il
soit : pédagogique, méthodologie psychologique, amical, etc.
La
plateforme propose trois niveaux de tutorats. Le premier est assuré par des
étudiants en droit à destination des lycéens désireux de poursuivre des études
de droit, le deuxième offre un tutorat tourné vers les étudiants en licence,
assuré par des étudiants plus expérimentés, et le troisième niveau, qui
s’adresse aux étudiants en master 1 et 2, est dispensé par des
professionnels : avocats, magistrats, professeurs, juristes d’entreprises,
doctorants, chargés de travaux dirigés.
JSS : Qu’est-ce qui vous a poussée à
lancer cette plateforme ?
L.D. : Tuteur Law est née d’une
expérience sociale que j’ai réalisée auprès de 200 étudiants en droit issus de
diverses universités en France, sondés pour savoir pourquoi ils travaillaient,
révisaient dans le cadre de leurs études et quels étaient leurs moteurs à ce
titre. La grande majorité d’entre eux ont répondu qu’ils travaillaient afin d’obtenir
les notes requises pour valider leur année de droit. En revanche, très peu
d’étudiants ont indiqué travailler pour se préparer au mieux à leur profession
future (magistrat, juriste, professeur, etc.) ou encore par intérêt pour les
matières étudiées.
« L’idée est de faire évoluer
chez les étudiants la vision des études de droit, afin de ne plus les
appréhender que par les notes »
Par
ailleurs, en échangeant avec mes camarades, j’ai constaté une inquiétude et une
baisse de motivation résultant essentiellement d’un manque d’accompagnement, d’un
isolement et d’une véritable perte de sens dans leurs études. Entre autres, j’ai
pu noter une préoccupation importante chez les étudiants, suscitée par la perspective
de la sélection en master, du passage des examens, mais également de l’entrée
dans la vie active.
J’ai
alors souhaité trouver une solution afin de les maintenir dans cette voie à
laquelle ils aspirent tant en leur proposant un accompagnement propre à rendre
les études plus « pratiques » et porteuses de sens. L’idée est de
faire évoluer chez les étudiants la vision des études de droit, afin de ne plus
les appréhender par les notes, ce qui est évidemment essentiel, mais avant tout
comme un moyen de devenir un bon professionnel du droit.
L’objectif
est en outre d’instaurer une vraie proximité avec les professionnels du droit.
Face à l’impact positif qu’ont pu avoir les rencontres que j’ai faites sur ma
vie et sur la poursuite de mes études, j’ai souhaité que d’autres aient
également cette possibilité de rencontrer des professionnels susceptibles de
les orienter au mieux, de les inspirer. Tuteur Law vise à permettre aux
étudiants, futurs professionnels du droit, de se projeter dans leur avenir
professionnel.
JSS :
Combien de temps a duré la gestation de ce projet avant qu’il ne prenne
vie ?
L.D. : L’idée de monter la plateforme a
longtemps germé dans mon esprit, mais une question demeurait : celle de savoir quel
serait le meilleur moment pour la lancer. En effet, je n’ai que 20 ans, je suis
en plein milieu de mes études de droit, et lancer un projet entrepreneurial à
ce stade n’est pas toujours évident. Mais j’ai décidé de me jeter à l’eau,
portée par l’idée qu’à 20 ans je ne prenais aucun risque à entreprendre.
Ainsi,
le processus d’ébauche du projet s’est étalé dans le temps, tout au long de
l’année. Toutefois, le lancement du projet a été très rapide. J’ai créé mon
site Internet seule en une nuit, puis au petit matin je me suis remise à mes
révisions de partiels. Cela a été rapide car toutes les idées étaient déjà
posées et mûrement réfléchies.
JSS :
La plateforme a ouvert début mai, l’accueil a-t-il été à la hauteur de vos
attentes ?
L.D. : En réalité, lors du lancement de
la plateforme, je n’avais pas d’objectifs particuliers, si ce n’est d’aider des
étudiants en droit qui en auraient besoin. Finalement, l’accueil a été au
rendez-vous, récompensant le temps investi dans ce projet !
J’ai
été agréablement surprise de voir l’engagement de tant d’étudiants – en
seulement quelques semaines, plus d’une centaine se sont inscrits sur la
plateforme – mais également de professionnels désireux de devenir tuteurs. Cela
m’a confortée dans la volonté de faire croître le projet. De plus, j’ai été
contactée par diverses associations, professionnels du droit et entreprises
afin que l’on se rencontrent pour réfléchir à différents moyens de faire
évoluer la plateforme.
JSS :
Pourquoi avoir fait le choix de la gratuité ?
L.D. : La gratuité du tutorat est
l’essence même du projet, car elle implique une véritable égalité des chances
entre tous les étudiants en droit qui demanderaient à être accompagnés. En
effet, il est primordial selon moi de ne pas restreindre ce tutorat selon des
facteurs externes, les seuls critères retenus étant l’ambition, la détermination
et le partage du droit comme passion commune.
Par
ailleurs, et dans ce prolongement, j’ai souhaité ouvrir une plateforme de
stages sur notre site Internet, afin d’en faciliter la recherche pour tous les
étudiants inscrits sur Tuteur Law.
JSS :
Et quel est l’objectif visé en vous adressant aux lycéens ?
L.D. : Tuteur Law a été également créée
dans l’optique de pallier l’absence de cours de droit au lycée, absence qui
explique d’ailleurs les importants taux de réorientations en première et
deuxième année de licence de droit. De fait, étendre le tutorat aux lycéens
désireux de poursuivre des études de droit est une manière de leur faire
découvrir cette matière de manière anticipée, et d’être accompagnés pour la
préparation des dossiers Parcoursup, puis lors de l’entrée à l’Université.
« Nous entendons offrir un
tutorat sur mesure, c’est-à-dire qui se rapproche au maximum du besoin des
tutorés et des disponibilités des tuteurs »
Dans
le même temps, la plateforme ambitionne d’organiser des conférences au sein des
lycées qui le sollicitent, en présence de divers professionnels du droit et
d’étudiants en droit, afin de créer un espace d’échange avec les lycéens sur
les études de droit, les professions juridiques, etc.
JSS :
Quelles sont les conditions nécessaires pour devenir tuteur ?
L.D. : Peuvent devenir tuteurs de
façon volontaire les professionnels du droit (avocats, magistrats, notaires,
juristes d’entreprises, doctorants) et les étudiants en droit à partir de la 3e
année.
Mais
Tuteur Law a surtout pour mot d’ordre la « volonté ». Ainsi, les
potentiels tuteurs s’inscrivent car ils ont l’envie et le temps de pouvoir
accompagner un étudiant en droit. S’il fallait préciser des qualités requises,
je dirais donc qu’il faut être volontaire, tourné vers les autres, animé
par une envie de transmettre et d’aider, ambitieux et bienveillant.
JSS :
Comment choisissez-vous quel tuteur suivra tel ou tel élève ?
N.D. :
Tuteur Law entend offrir un tutorat « sur mesure », c’est-à-dire qui
se rapproche au maximum du besoin des tutorés et des disponibilités des
tuteurs.
Plusieurs
critères entrent en compte afin d’attribuer les tutorats. Dans un premier
temps, l’élève choisit le type d’accompagnement recherché, qu’il soit psychologique,
pédagogique, social, mais aussi s’il est axé sur la méthodologique, l’organisation
du travail, sur certaines matières particulières, ou préparation à des examens comme
celui du Centre régional de formation professionnelle des avocats (CRFPA) ou de
l’Ecole nationale de la magistrature (ENM), etc. Puis le futur tutorés précise
la profession qu’il souhaite exercer (s’il sait), son niveau d’études et sa
localisation ou celle de l’université d’étude.
L’objectif
est ainsi de satisfaire au maximum les attentes de chaque étudiant et de chaque
professionnel, en rapprochant des profils et personnalités qui se complètent au
mieux et dont les attentes sont concordantes. De fait, nous privilégierons les
tutorats entre des étudiants de la même université ou de la même ville.
JSS :
Combien êtes-vous pour faire tourner la plateforme ?
L.D. : Je suis pour le moment seule derrière le
projet, ce qui demande beaucoup de temps et d’énergie. À ce stade, j’ai envie
de m’y investir le maximum possible, ce que je fais sur mon temps libre, étant
actuellement en stage. Je m’occupe ainsi de toutes les tâches, lesquelles vont
de la communication sur les réseaux sociaux aux rendez-vous pour faire évoluer
le projet en passant par la réponse aux mails et aux demandes de tutorat ou
pour devenir tuteur, les entretiens téléphoniques et la gestion des
partenariats. Toutefois, j’ai la chance d’être accompagnée par un entourage
très bienveillant qui m’oriente au mieux dans ce processus.
Parallèlement,
je constitue une équipe composée d’étudiants en droit ambitieux, dynamiques et
volontaires, afin de porter ensemble l’ambition au service des étudiants et de pouvoir
diviser les tâches, car je suis convaincue qu’à plusieurs, nous parviendrons à
mener le projet à atteindre ses objectifs. Le projet étant destiné à aider les
étudiants, il m’a semblé évident que ceux issus de diverses universités et
parcours puissent porter le projet afin de représenter au mieux tous les
étudiants, d’étendre le tutorat à l’échelle nationale.
Aujourd’hui
je procède étape par étape, sans me précipiter, avec un agenda et des deadlines
définies, afin que l’ensemble du projet soit lancé pour la rentrée de septembre
2023, et que soient achevés la constitution de l’équipe, les entretiens des
tuteurs, l’attribution des tutorats, et enfin les interviews des professionnels
du droit.
JSS :
Comment voyez-vous la suite ? En particulier, comment envisagez-vous de
développer votre outil à court ou moyen terme ?
L.D. : Je souhaite prévoir la
possibilité d’apporter un soutien psychologique et mental par des coachs
mentaux pour les étudiants qui le souhaiteraient, afin d’être aidés à gérer de
façon plus sereine leurs études et à se préparer de manière positive à toutes
épreuves et examens, mais également à mieux équilibrer leur vie universitaire
et extra-universitaire, tout aussi enrichissante et valorisée sur les dossiers.
J’aimerais
également créer via Tuteur Law le plus gros réseau d’étudiants et de
professionnels du droit, afin de développer tôt dans le cursus universitaire un
réseau de connaissances dans le monde juridique, de faciliter la recherche de
stage, et surtout, encore une fois, de permettre aux étudiants et aux
professionnels de faire des rencontres enrichissantes susceptibles de
bouleverser des trajectoires de vie, de créer des vocations et d’ouvrir le
dialogue entre différentes générations de passionnés du droit.
Plus
largement, ces prochains mois, je vais participer à divers évènements afin de
mettre en avant le projet, à l’instar de la semaine Paris 1 Panthéon Sorbonne Entrepreneuriat
qui a lieu actuellement, et du concours de pitch qui s’y déroule. De plus, je
dois m’entretenir avec diverses associations et professionnels du droit qui ont
exprimé leur intérêt pour en apprendre davantage sur la plateforme et voir
comment la faire évoluer ensemble. Pour la première année, l’objectif de Tuteur
Law serait d’accompagner 250 étudiants en droit dans toute la France, puis de
faire progresser ce chiffre lors des années suivantes.
Enfin,
aidée par l’équipe qui est en train d’être constituée, je vais très
prochainement lancer sur YouTube une série d’interviews de professionnels du
droit et de coachs mentaux, mais également d’étudiants qui viendront expliquer
leurs parcours, leurs études et les spécificité de leur master.
Propos recueillis par Tina Millet