L’IA générative juridique GenIA-L,
conçue pour les professionnels du droit et du chiffre et arrivée sur le marché
en début d’année et développée par Lefebvre Dalloz, va bientôt s’intégrer à l’outil
métier de l’éditeur de logiciels Xelya. Objectif : « optimiser
l’efficacité de l’IA en l’incorporant directement dans les dossiers clients »,
explique Valentin Tonti-Bernard, instigateur du partenariat.
JSS : En juin dernier,
Xelya a noué un partenariat avec Lefebvre Dalloz pour intégrer à l’outil métier
Diapaz son IA générative juridique « GenIA-L ». Comment cela s’est-il
fait ? Quel est l’objectif ?
Valentin Tonti-Bernard :
Après mon départ de l’éditeur Xelya – qui, fin 2022, avait racheté Anomia, le
cabinet de conseil en stratégie dédié aux cabinets d’avocats que j’avais
co-fondé en 2020 –, j’ai été contacté par Ketty De Falco, la directrice
générale de Lefebvre-Dalloz. Elle souhaitait travailler avec moi afin de
connaître ma vision du marché du droit.
Au fil de notre
collaboration, je l’ai convaincue de pouvoir intégrer l’intelligence
artificielle GenIA-L, développée chez Lefebvre Dalloz, dans l’outil métier
Diapaz, développé par Xelya en 2009. L’idée était d’allier la puissance des
fonds documentaires de Lefebvre-Dalloz, utilisant ses bases de données
juridiques exhaustives et actualisées, à la puissance des logiciels métiers sur
les cabinets d’avocats de Xelya, et c’est donc de cette manière que je suis
devenu l’instigateur de ce partenariat. Dans ce cadre, je continue d’intervenir
en tant qu’externe, n’étant ni salarié chez Lefebvre-Dalloz, ni chez Xelya. Je
m’occupe de créer des synergies entre les équipes de Lefebvre-Dalloz et Xelya
pour assurer le succès commercial du partenariat.
JSS : En quoi consiste précisément
GenIA-L ? Quelle est sa plus-value par rapport à d’autres outils d’IA
générative pour les cabinets d’avocats et professionnels du droit ? Quelles
sont ses limites ?
V.T.-B. : C’est
une IA qui permet à l’utilisateur de faire des recherches et de tirer le
meilleur de la documentation juridique, notamment en générant une réponse à une
question juridique posée en langage naturel, en se référant seulement aux bases
de données juridiques du groupe Lefebvre Dalloz.
GenIA-L est développée depuis
maintenant plus d’un an et demi par des équipes dédiées au sien de Lefebvre
Dalloz, soit plus d’une quarantaine de personnes qui travaillent au niveau de
la R&D et de la gestion de projet IA.
La puissance d’une IA tient
dans le fait qu’elle doit être nourrie de documents extrêmement qualitatifs.
Pour qu’une IA puisse tourner, il faut que la donnée primaire (informations
spécifiquement collectées, ndlr) et la donnée secondaire (informations
déjà collectées dans un autre but, ndlr) qui lui sont données à « manger »
soient structurées, propres et actualisées de façon permanente. Ici, 400
personnes au quotidien travaillent sur la donnée, structurent la documentation
produite par les plus grands professionnels juridiques français et
internationaux. Autrement dit la base de connaissance sur laquelle repose est
l’IA est 100 % fiable et actualisée, ce qui donne des réponses ultra
exhaustives sur la globalité des sujets en droit français.
Il n’y a donc pas vraiment de
limite à l’optimisation de la documentation juridique par l’IA. GenIA-L permet
d’ores et déjà de fournir des réponses complète à des questions simples
rédigées en langage naturel. Une fois intégrée à Diapaz d’ici la fin de l’année,
GenIA-L optimisera l’efficacité de l’IA en l’incorporant directement dans les dossiers
clients. GenIA-L utilisera les informations du dossier pour fournir des
réponses plus pertinentes, et grâce à la gestion de document intégrée de
Diapaz, les documents pourront être facilement traités et améliorés. Les
avocats pourront ainsi intégrer les résultats de GenIA-L dans leurs dossiers,
augmentant significativement leur productivité.
JSS : Quels seront les
gains de l’intégration à Diapaz pour les cabinets par rapport à ce qui existe
déjà ?
V.T.-B. : Aujourd’hui,
GenIA-L for search est déjà disponible au sein de grands cabinets de la place. Courant
septembre, sortira la V2, baptisée GenIA-L for chart, qui ressemble à
l’interface de Chat GPT (du conversationnel).
L’objectif de l’intégration
de GenIA-L au sein de Diapaz est d’aller plus loin et de permettre une
surproduction pour les utilisateurs de l’outil métier, avec des fonctionnalités
propres développées pour eux, une connectivité entre l’IA et le logiciel
métier. Concrètement, il est possible de se servir de la donnée cliente à
rentrer dans le logiciel métier pour donner du contexte à l’IA et faire en
sorte que celle-ci donne des réponses circonstanciées, et permette de produire
des actes dans lesquels a déjà été rentrée une grande partie de la donnée.
Il est aussi possible de
challenger un document. Par exemple, un avocat qui travaille sur une
assignation va commencer à la rédiger, et s’il souhaite la challenger, il lui
suffit de l’uploader dans GenIA-L : ensuite, il lui sera possible de
discuter avec l’IA pour améliorer des clauses, de voir si des arrêts ou autres données
pertinentes ressortent pour modifier l’assignation le cas échéant. On discute
avec une machine surpuissante qui permet d’aller beaucoup plus vite et beaucoup
plus loin dans le raisonnement.
En pratique, les
professionnels qui utilisent Diapaz auront une seule et unique connexion, et les
modalités de paiement et de pricing sont actuellement à l’étude !
JSS : Les cabinets ne
possédant pas Diapaz pourront-ils malgré tout utiliser GenIA-L ?
V.T.-B. : Pour
les professionnels qui souhaitent utiliser GenIA-L sans passer par l’outil
métier, il est possible d’accéder à l’IA via une licence payante.
L’IA restera disponible en
propre pour les avocats qui ne possèdent pas l’outil métier, car l’objectif est
d’avoir une IA « nue » qui est accessible par la globalité des
professionnels du droit, aussi bien des avocats, commissaires de justice que
des notaires etc. Toutefois, les avocats qui ne sont pas sur Diapaz n’auront
pas accès à la fusion entre les données de Lefebvre Dalloz et l’outil métier.
JSS : Est-ce que tous
les cabinets sont « armés » et formés pour prendre en main cette
solution ?
V.T.-B. : C’est
un fait : malgré leur bonne volonté la plupart du temps, les cabinets sont
relativement en retard vis-à-vis des sujets technologiques et de
transformation. En vue de l’intégration, il y aura de la formation prompt mais
aussi une formation à l’usage, à l’efficacité et à la productivité.
JSS : D’après votre
analyse, comment la taille d’un cabinet peut-elle influencer le recours à
des outils d’IA ?
V.T.-B. : Je dirais
que les plus petits cabinets ont plus facilement tendance à toucher aux outils
d’IA. Concrètement, un petit cabinet d’avocat qui décide de prendre une licence
tout seul de son côté fait ses tests et décide ou non de la garder.
Pour les plus grands cabinets,
c’est plus compliqué, puisqu’en réalité, ils sont en test auprès de plusieurs
éditeurs, et sont amenés à prendre une décision. Or, il y a des outils qui sont
plus appréciés ou usités dans certaines matières plutôt que d’autres. Et lorsque
les cabinets sont en phase de test, il y a aussi des conflits internes,
des paralysies et discussions longues sur le fait de prendre tel ou tel
produit. Donc les grands cabinets commencent à prendre le sujet à bras le corps
mais n’avancent pas beaucoup.
Propos
recueillis par Allison Vaslin