À la tête des experts-comptables
franciliens depuis 2022, la professionnelle exerçant à Montrouge aborde l’avenir
de sa profession, mais aussi le sien, elle qui est candidate à sa propre
succession.
JSS : Qu’observez-vous
en termes de dynamiques concernant les cabinets d’expertise comptable en
France ?
Virginie Roitman : En
comparant au marché international, on remarque le dynamisme du marché de
l’expertise comptable en France. La croissance des cabinets est au rendez-vous
pour les cinq années à venir, c’est une excellente nouvelle.
JSS : Plus
spécifiquement en Île-de-France, y a-t-il des tendances qui se dégagent en
termes de financement des cabinets ?
V.R. : J’ai
pour l’heure très peu observé cette financiarisation des cabinets d’expertise
comptable en Île-de-France. Nous ne sommes que dans les balbutiements de ce
phénomène. Nous surveillons de près quelques groupements, puisque dans cette
financiarisation, lorsqu’un fonds d’investissement investit dans le cabinet
d’expertise comptable, le propos est : qui gouverne ? Il est évident
que dans une profession règlementée, la gouvernance ne peut être que dans les
mains de l’expert-comptable inscrit à l’ordre des experts-comptables.
JSS : Comment les
cabinets d’expertise vont-ils réussir ce virage ?
V.R. : Il y
a des difficultés de recrutements. Un expert-comptable francilien a deux
préoccupations : recruter des personnes compétentes et choisir les bons
outils technologiques. Aujourd’hui, la multitude d’offres sur le marché de plus
en plus adaptées par secteur d’activité oblige souvent l’expert-comptable à se
positionner sur un ou deux secteurs, puisqu’un expert-comptable francilien a en
moyenne cinq à dix collaborateurs. Ce sont des petites structures qui ne
peuvent pas piloter dix outils différents.
JSS : Comment l’Ordre se
prépare-t-il à l’arrivée de la facture électronique ?
V.R. : Nous
nous sommes saisis du sujet dès 2020. Qui dit facture électronique dit
bouleversement des process, des compétences, de la relation client et du
business model du cabinet. La mission traditionnelle qui occupe 60% du chiffre
d’affaires du cabinet va demain devenir de moins en moins importante, puisque
la facture électronique va tout automatiser. Il est donc impératif pour
l’expert-comptable de s’interroger sur les missions qu’il proposera demain, que
ce soit de la durabilité, de la gestion de patrimoine, des ressources humaines,
ou d’autres domaines. Nous sommes multi-compétence, donc chaque professionnel
libéral peut choisir son métier de demain.
JSS : Les
experts-comptables franciliens seront prêts pour septembre 2026 ?
V.R. :
Septembre 2026, c’est une date technologique où toutes les grosses entreprises
devront émettre des factures électroniques, et les petites devront être
capables de les recevoir.
Nous sommes évidemment près,
comme nous étions déjà prêts pour 2024. Nous attendons impatiemment cette mise
en place qui va solutionner nos process de manière extraordinaire.
JSS : Quel bilan
tirez-vous de vos trois ans à la tête de l’ordre des experts-comptables
d’Île-de-France ?
V.R. : Être
présidente de l’Ordre des experts-comptables d’Île-de-France est une magnifique
aventure. J’avais trois axes de mandature. Le premier était la transformation
des cabinets eu égard à l’arrivée de la facture électronique. De cet axe, nous
avons proposé beaucoup d’ateliers et de séminaires, notamment aux universités
d’été où des séminaires spéciaux sont organisés pour les experts-comptables et
les collaborateurs. Nous avons mis l’accent sur toutes les nouvelles missions
de l’expert-comptable. Être président de l’Ordre à ce moment de l’histoire de
la vie des experts-comptables est extraordinaire. Nous traversons un
changement, une révolution.
Le deuxième axe était
l’objectif d’un régalien fort. Nous surveillons le tableau de l’Ordre et nous
devons justement être vigilants dans l’arrivée des fonds d’investissement dans
les capitaux des cabinets en se demandant si le professionnel conserve toujours
la gouvernance. C’est passionnant.
Le troisième axe était
d’améliorer l’attractivité dans les métiers du chiffre. Pour répondre à cette
problématique du recrutement, nous avons une école, Sup’Expertise, où nous
formons 800 élèves en formation initiale chaque année, 3600 experts-comptables
stagiaires, et nous dispensons plus de 200 000 heures de formation
professionnelle continue aux experts-comptables franciliens. Avoir la
gouvernance d’une école est un projet extraordinaire. Nous avons un magnifique
campus de 5000m² à Courbevoie. J’invite tous les parents à inscrire leurs
enfants dans nos filières de l’expert-comptable.
JSS : Votre mandat
arrive prochainement à son terme. Comptez-vous vous représenter ?
V.R. : Je
suis candidate à ma succession, en binôme avec un jeune expert-comptable
extraordinaire, Gilles Bösiger, qui reflète bien cette nouvelle génération de
jeunes experts-comptables, puisqu’en quelques années, son cabinet est passé de
zéro à 40 collaborateurs et il a fait beaucoup de croissance externe et a fait
beaucoup de développements pour adopter une taille critique.
Nous comptons continuer la
transformation des cabinets. Nous souhaitons porter la vision de notre
mouvement, Ensemble pour agir. Nous avons d’ailleurs écrit un livre avec toute
notre vision et notre réflexion sur le métier d’aujourd’hui et de demain.
Nous avons une profession en
pleine mutation et il nous semblait important d’aborder certains sujets tels
que la réforme de l’ordonnance de 1945 qui régit notre métier qui n’a pas été
changée depuis 79 ans. Il faut se pencher dessus et la transformer, notamment
son article 2 qui régit les prérogatives d’exercice, sur la comptabilité et la
révision des comptes. Nous aimerions pouvoir ajouter le domaine de la
durabilité à ces prérogatives.
Propos
recueillis par Alexis Duvauchelle