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INTERVIEW. Virginie Roitman : « Un expert-comptable francilien a deux préoccupations : recruter des personnes compétentes et choisir les bons outils technologiques »

INTERVIEW. Virginie Roitman : « Un expert-comptable francilien a deux préoccupations : recruter des personnes compétentes et choisir les bons outils technologiques »
Publié le 30/09/2024 à 08:15

À la tête des experts-comptables franciliens depuis 2022, la professionnelle exerçant à Montrouge aborde l’avenir de sa profession, mais aussi le sien, elle qui est candidate à sa propre succession.

JSS : Qu’observez-vous en termes de dynamiques concernant les cabinets d’expertise comptable en France ?

Virginie Roitman : En comparant au marché international, on remarque le dynamisme du marché de l’expertise comptable en France. La croissance des cabinets est au rendez-vous pour les cinq années à venir, c’est une excellente nouvelle.

JSS : Plus spécifiquement en Île-de-France, y a-t-il des tendances qui se dégagent en termes de financement des cabinets ?

V.R. : J’ai pour l’heure très peu observé cette financiarisation des cabinets d’expertise comptable en Île-de-France. Nous ne sommes que dans les balbutiements de ce phénomène. Nous surveillons de près quelques groupements, puisque dans cette financiarisation, lorsqu’un fonds d’investissement investit dans le cabinet d’expertise comptable, le propos est : qui gouverne ? Il est évident que dans une profession règlementée, la gouvernance ne peut être que dans les mains de l’expert-comptable inscrit à l’ordre des experts-comptables.

JSS : Comment les cabinets d’expertise vont-ils réussir ce virage ?

V.R. : Il y a des difficultés de recrutements. Un expert-comptable francilien a deux préoccupations : recruter des personnes compétentes et choisir les bons outils technologiques. Aujourd’hui, la multitude d’offres sur le marché de plus en plus adaptées par secteur d’activité oblige souvent l’expert-comptable à se positionner sur un ou deux secteurs, puisqu’un expert-comptable francilien a en moyenne cinq à dix collaborateurs. Ce sont des petites structures qui ne peuvent pas piloter dix outils différents.

JSS : Comment l’Ordre se prépare-t-il à l’arrivée de la facture électronique ?

V.R. : Nous nous sommes saisis du sujet dès 2020. Qui dit facture électronique dit bouleversement des process, des compétences, de la relation client et du business model du cabinet. La mission traditionnelle qui occupe 60% du chiffre d’affaires du cabinet va demain devenir de moins en moins importante, puisque la facture électronique va tout automatiser. Il est donc impératif pour l’expert-comptable de s’interroger sur les missions qu’il proposera demain, que ce soit de la durabilité, de la gestion de patrimoine, des ressources humaines, ou d’autres domaines. Nous sommes multi-compétence, donc chaque professionnel libéral peut choisir son métier de demain.

JSS : Les experts-comptables franciliens seront prêts pour septembre 2026 ?

V.R. : Septembre 2026, c’est une date technologique où toutes les grosses entreprises devront émettre des factures électroniques, et les petites devront être capables de les recevoir.

Nous sommes évidemment près, comme nous étions déjà prêts pour 2024. Nous attendons impatiemment cette mise en place qui va solutionner nos process de manière extraordinaire.

JSS : Quel bilan tirez-vous de vos trois ans à la tête de l’ordre des experts-comptables d’Île-de-France ?

V.R. : Être présidente de l’Ordre des experts-comptables d’Île-de-France est une magnifique aventure. J’avais trois axes de mandature. Le premier était la transformation des cabinets eu égard à l’arrivée de la facture électronique. De cet axe, nous avons proposé beaucoup d’ateliers et de séminaires, notamment aux universités d’été où des séminaires spéciaux sont organisés pour les experts-comptables et les collaborateurs. Nous avons mis l’accent sur toutes les nouvelles missions de l’expert-comptable. Être président de l’Ordre à ce moment de l’histoire de la vie des experts-comptables est extraordinaire. Nous traversons un changement, une révolution.

Le deuxième axe était l’objectif d’un régalien fort. Nous surveillons le tableau de l’Ordre et nous devons justement être vigilants dans l’arrivée des fonds d’investissement dans les capitaux des cabinets en se demandant si le professionnel conserve toujours la gouvernance. C’est passionnant.

Le troisième axe était d’améliorer l’attractivité dans les métiers du chiffre. Pour répondre à cette problématique du recrutement, nous avons une école, Sup’Expertise, où nous formons 800 élèves en formation initiale chaque année, 3600 experts-comptables stagiaires, et nous dispensons plus de 200 000 heures de formation professionnelle continue aux experts-comptables franciliens. Avoir la gouvernance d’une école est un projet extraordinaire. Nous avons un magnifique campus de 5000m² à Courbevoie. J’invite tous les parents à inscrire leurs enfants dans nos filières de l’expert-comptable.

JSS : Votre mandat arrive prochainement à son terme. Comptez-vous vous représenter ?

V.R. : Je suis candidate à ma succession, en binôme avec un jeune expert-comptable extraordinaire, Gilles Bösiger, qui reflète bien cette nouvelle génération de jeunes experts-comptables, puisqu’en quelques années, son cabinet est passé de zéro à 40 collaborateurs et il a fait beaucoup de croissance externe et a fait beaucoup de développements pour adopter une taille critique.

Nous comptons continuer la transformation des cabinets. Nous souhaitons porter la vision de notre mouvement, Ensemble pour agir. Nous avons d’ailleurs écrit un livre avec toute notre vision et notre réflexion sur le métier d’aujourd’hui et de demain.

Nous avons une profession en pleine mutation et il nous semblait important d’aborder certains sujets tels que la réforme de l’ordonnance de 1945 qui régit notre métier qui n’a pas été changée depuis 79 ans. Il faut se pencher dessus et la transformer, notamment son article 2 qui régit les prérogatives d’exercice, sur la comptabilité et la révision des comptes. Nous aimerions pouvoir ajouter le domaine de la durabilité à ces prérogatives.

Propos recueillis par Alexis Duvauchelle

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