JUSTICE

JO 2024 : vers une bataille judiciaire sur le maintien ou non des anneaux olympiques sur la tour Eiffel ?

JO 2024 : vers une bataille judiciaire sur le maintien ou non des anneaux olympiques sur la tour Eiffel ?
Publié le 09/09/2024 à 16:03

Anne Hidalgo souhaiterait que l’emblème des jeux reste fixé à la tour Eiffel jusqu'en 2028, mais les descendants de l'ingénieur Gustave Eiffel s'y opposent fermement, préférant que les anneaux soient transmis à Los Angeles d'ici la fin de l'année.

Alors que les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 viennent de s'achever, Anne Hidalgo, maire de la capitale, a réaffirmé, lors d’une conférence de presse ce vendredi 6 septembre, son souhait de maintenir les anneaux olympiques accrochés à la tour Eiffel « jusqu’en 2028, c’est-à-dire jusqu’aux Jeux olympiques de Los Angeles. Nous laisserons les anneaux sur la tour Eiffel […]. Et peut-être qu’ils resteront après, on verra ». Les agitos, emblème des Jeux paralympiques actuellement suspendus à l'Arc de Triomphe, pourraient eux bientôt être déplacés sur les Champs-Élysées.

Si le Comité international olympique (CIO) a donné son aval et que l’élue socialiste a d’ores et déjà affirmé, le 31 août dans les colonnes de Ouest France, que la gestion du monument relève de la ville de Paris et de sa propre décision, elle se heurte au refus catégorique de l’Association des descendants de Gustave Eiffel (Adge). Dans un communiqué du 1er septembre, ces derniers se sont dit « défavorables » à la « pérennisation définitive des anneaux […] au-delà de l’année olympique 2024, sans aucune date claire de décrochage annoncée » et, se disant à la disposition de la maire, proposent la transmission des anneaux à Los Angeles d’ici la fin de l’année 2024.

Les héritiers de Gustave Eiffel justifient leur décision en invoquant, dans ce même communiqué, le « symbolisme » unique de la Dame de fer. Depuis son inauguration il y a 135 ans, le monument est devenu « le symbole de Paris et, par extension, de la France elle-même dans le monde », ajoutant qu’il ne lui paraissait « pas opportun que la tour Eiffel […] se voit adjoindre le symbole d’une organisation extérieure, de façon pérenne, quelque qu’en soit son prestige ». Toutefois, l’Adge souligne qu'elle s’est réjouie, « comme des millions de citoyens français et d’hommes et de femmes de par le monde, de voir la tour Eiffel porter les anneaux olympiques durant les Jeux olympiques de Paris 2024 ».

« Les anneaux modifient substantiellement les formes très pures du monument »

Un autre point crucial également soulevé par les héritiers de Gustave Eiffel dans un autre communiqué est le risque de décalage esthétique : « Colorés, d'une taille importante, et placés dans l'axe principal d'accès à la tour, ils créent un fort déséquilibre, modifiant ainsi de manière significative les formes épurées du monument. » Par ailleurs, selon eux, prolonger la présence des anneaux au-delà des Jeux olympiques contredirait « la neutralité et le sens que la tour Eiffel a acquis au fil des ans », ont-ils ajouté, précisant qu’il n’existe « aucun lien thématique ou historique préalable entre la tour et les Jeux ».

Enfin, bien qu’à « disposition de la maire de Paris », les descendants d’Eiffel affirment clairement leur position en déclarant qu’en tant « qu’héritiers de Gustave Eiffel, les membres de l’Adge […] peuvent être conduits à s’opposer à toute altération portant atteinte au respect de l’œuvre de leur ancêtre ».

Ils précisent également avoir pris conseil auprès d’un cabinet d’avocats pour explorer les actions possibles en vue de préserver l'intégrité du monument et éviter toute modification qui pourrait, selon eux, nuire à l'œuvre emblématique de leur illustre aïeul.

La tour Eiffel légalement immuable ?

Sur la plateforme X (anciennement Twitter), Rachida Dati, ancienne ministre de la Culture et rivale d’Anne Hidalgo lors de la dernière élection municipale, a rappelé que l'État a un rôle à jouer dans cette affaire : « La tour Eiffel est un monument protégé, œuvre d’un immense ingénieur et créateur. Le respect de son geste architectural et de son œuvre nécessite, avant d’y apporter toute modification substantielle, une autorisation de travaux et une évaluation de l’impact, conformément au code du patrimoine. » Elle a renforcé son propos en insistant sur le principe que « avant toute prise de décision et toute annonce en la matière, il est important que toutes les procédures et consultations visant à la protection du patrimoine soient respectées ».

Effectivement, l'État, via la préfecture d'Île-de-France, pourrait très bien intervenir. Cependant, si la tour Eiffel est inscrite au titre de monument historique, elle n’est toutefois pas classée, un niveau de protection plus élevé qui complique les modifications des édifices concernés. En conséquence, la Ville de Paris peut juridiquement contourner certaines décisions d'urbanisme et donc avancer sur ce projet de manière indépendante. L'entourage de la maire de Paris avait déclaré à Checknews souhaiter « prendre tout le temps nécessaire pour assurer cette pérennisation dans les meilleures conditions […]. C’est pourquoi les services de la ville travaillent actuellement à régler l’ensemble des questions juridiques et techniques en lien avec les services de l’État, le CIO et la tour Eiffel ».

Qui aura le dernier mot entre les héritiers de Gustave Eiffel et Anne Hidalgo ? Pour l'heure, la maire de Paris ne semble pas vaciller dans ses intentions, assurant fermement : « En tant que maire de Paris, la décision me revient. »

Romain Tardino

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