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Europe

seulement 7 % de la population mondiale, l’UE des pays ACP), mais ce projet ambitieux n’a jamais l’UE, notamment en Afrique, cela n’a quasiment

représente plus d’un quart de la richesse mondiale vu le jour. Les quarante années qui ont suivi ont vu se jamais conduit à la suspension d’un accord pour

mesurée par le produit industriel brut19. Et même succéder une série de conventions (Yaoundé, Lomé violation des droits de l’Homme. Et si les ONG

si sa suprématie commerciale s’effrite, en raison et Cotonou) entre l’UE et les pays ACP permettant portent une appréciation positive sur ces clauses

notamment de l’ascension de la Chine, elle reste un libre accès aux marchés européens pour les de conditionnalité, elles sont plus critiques quant à

le premier exportateur et importateur mondial20, produits ACP, les pays ACP gardant un niveau sa mise en œuvre effective. La promotion des droits

ainsi que le premier investisseur et bénéficiaire des élevé de protection envers les produits européens. de l’Homme à travers les accords commerciaux

investissements étrangers. C’est l’une des économies En 2007, les Accords de partenariat économique a ses limites car la première finalité de la politique

mondiales les plus orientées vers l’extérieur et elle est (APE), qui succèdent à la convention de Cotonou, commerciale reste économique. De même,

le principal partenaire de 59 pays.                      n’ont rencontré qu’un succès limité23, la majorité s’agissant des règles sociales et environnementales,

Étant donné le poids économique de l’Union, l’accès des pays ACP préférant se tourner vers le système elles sont dépourvues de caractère contraignant, les

au marché unique est donc très convoité. La politique de préférences généralisées (SGP) que l’Union a accords commerciaux se bornant à instaurer une

commerciale de l’UE dans son voisinage est un mis en place dès 197124, lequel instaure un régime coopération entre les parties signataires. Plusieurs

élément clé de son action extérieure. Que ce soit à d’importation préférentiel garantissant aux pays les pays de l’Union, dont la France, proposent d’aller

travers les accords d’adhésion au fur et à mesure de moins avancés un accès vital au marché européen25. plus loin en soumettant ces clauses au mécanisme

l’élargissement de l’Union européenne ou à travers Plus généralement, la politique commerciale est de règlement des différends de l’accord au même

les accords d’association ou/et de libre échange un instrument au service des objectifs globaux de titre que les clauses commerciales29. À l’heure de

approfondis, négociés avec les États au Sud et à l’Est l’UE et notamment de la promotion de ses valeurs26. la globalisation, la politique commerciale de l’Union

de l’Union dans le cadre de la politique européenne De nombreux accords commerciaux incorporent est confrontée à de nouveaux défis : le visage du

de voisinage (PEV)21, le but est de promouvoir la ainsi des clauses relatives aux droits sociaux27 et multilatéralisme s’est profondément transformé avec

stabilité et la paix aux frontières de l’Union d’une part, environnementaux et plus généralement aux droits l’affirmation des pays émergents ; de nouvelles

le développement économique avec l’expansion de l’Homme sur lesquelles le Parlement européen opportunités apparaissent avec l’élargissement

du marché commun, d’autre part. En échange de se montre particulièrement vigilant28. L’UE a ainsi du contenu des négociations aux services qui

l’accès au marché intérieur, les États concernés conclu ou négocié avec environ 150 pays des représentent 70 % du PNB européen ; ces évolutions

sont invités à améliorer leur gouvernance et à se accords comportant des clauses relatives aux soulèvent des questions juridiques et sociétales

rapprocher des normes européennes. Le commerce droits de l’Homme et à la démocratie, assorties en nouvelles et rencontrent de fortes résistances.

est ainsi une arme au service de l’expansion de général d’une clause de non exécution. Mais si cette  Source : Conseil d’État

la sphère d’influence européenne, comme en clause a été activée à de nombreuses reprises par                  2016-1934

témoigne par exemple la violence des réactions de

la Russie à la suite de la signature avec l’Ukraine

d’un accord de libre échange et d’association22. Afin

que les pays avec lesquels l’UE signe des accords

puissent faire face au coût élevé de l’adaptation aux

normes européennes, préalable indispensable à leur

intégration progressive au marché unique européen,

ils peuvent bénéficier de l’instrument européen de

voisinage et de partenariat doté d’environ 14 milliards

d’euros pour la période 2014-2020.

Au-delà de son voisinage, l’UE a, de longue date,

mis en œuvre une politique commerciale spécifique

à destination des pays en développement.

Historiquement, la communauté économique

européenne avait d’ailleurs dans ses objectifs

prioritaires, l’aide aux pays d’Afrique, des Caraïbes

et du Pacifique (ACP), pour promouvoir leur

développement. Les négociateurs du traité de Rome

avaient même prévu une zone de libre échange entre

deux unions douanières (l’UE et l’union douanière                                                                                                                                                                                D.R.

18) Commission européenne, fiche technique « Commerce » in Comprendre les politiques de l’Union européenne, février 2016
19 Ce calcul ne tient pas compte du retrait du Royaume-Uni.
20) Après la sortie du Royaume-Uni, l’UE sera derrière la Chine.
21) Sur la base notamment de l’article 8 du TUE, la politique européenne de voisinage (PEV) « a été mise en place en 2004 afin d’éviter l’émergence de nouvelles lignes de division entre l’Union élargie et ses
voisins, ainsi que pour renforcer la prospérité, la stabilité et la sécurité de tous. Cette politique s’appuie sur les valeurs qui sont celles de la démocratie, de l’état de droit et du respect des Droits de l’homme, et
elle s’applique à 16 des voisins les plus proches de l’Union, à savoir l’Algérie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, l’Égypte, la Géorgie, Israël, la Jordanie, le Liban, la Libye, le Maroc, la Moldavie, la Palestine,
la Syrie, la Tunisie et l’Ukraine » in Parlement européen, « La politique européenne de voisinage », Fiches techniques sur l’Union européenne, 2016.
22) Sur ce point cf. dossier de la conférence n°5 du Cycle Europe du Conseil d’ État, « Faut-il accroître la capacité d’intervention diplomatique et militaire de l’Union ? ».
23) Sur ce point, cf. L’Union européenne, La Documentation française, pp. 292-293.
24) Commission européenne, fiche technique « Commerce » in Comprendre les politiques de l’Union européenne, février 2016, p.13.
25) « Un régime spécial d’encouragement, le SGP +, accorde des réductions tarifaires supplémentaires aux pays vulnérables ayant ratifié les conventions internationales concernant les droits de l’homme et les
droits des travailleurs, ainsi que les normes en matière d’environnement et de bonne gouvernance », ibid. p. 14.
26) TUE, Art. 3.5
27) L’incorporation des huit conventions fondamentales de l’OIT est ainsi systématique dans les accords SGP.
28) V. à ce sujet la résolution du Parlement européen du 25 novembre 2010 sur les droits de l’homme et les normes sociales et environnementales dans les accords commerciaux internationaux (2009/2219 (INI)).
29) Cf. Secrétariat d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français à l’étranger, Rapport 2015 sur la stratégie du commerce extérieur de la France et la politique commerciale
européenne, décembre 2015, p. 86 et suiv.

                                     Journal Spécial des Sociétés - Mercredi 3 août 2016 – numéro 61                                               15
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