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Droit aérospatial

l’ingénieur Wolff. Tintin est assommé, et le contrôle sans en expliquer les raisons, la Syldavie n’a pas
est pris sur la fusée rouge, dans l’objectif de la respecté cette obligation.
ramener sur Terre pour la voler à la Syldavie.
La Bordurie viole à ce titre l’article 9 du traité de UN GRAND ABSENT :
l’espace : « En ce qui concerne l’exploration et LE CONTRÔLE DES EXPORTATIONS
l’utilisation de […] la Lune et les autres corps Notons que Tournesol, Tintin, Haddock et Milou
célestes, les États partie au Traité devront se sont tous Belges. Il est dès lors surprenant, au
fonder sur les principes de la coopération et de regard des normes de contrôle des exportations,
l’assistance mutuelle. » que la Syldavie ait confié la conception et la
conduite de sa mission à des ressortissants
LA MISE EN DANGER ET LE SAUVETAGE étrangers. Ceci se révèle encore plus étonnant
DES ASTRONAUTES lorsque l’on apprend que la mission lunaire
Et « mille milliards de mille sabords », Boris est développée dans un centre de recherche
compte bien abandonner tout le reste de gouvernemental atomique, dans lequel peuvent
l’équipage sur la Lune ! Cette tentative – tentative s’introduire les Dupondt sans trop de difficultés.
seulement, car Tintin reprendra vite l’ascendant
– d’abandon place directement l’équipage en LA POSSIBILITÉ D’UNE VIE EXTRATERRESTRE
danger de mort. Boris – agissant pour le compte Lors de leur première sortie sur le sol lunaire, les
de la Bordurie – viole ainsi l’article 5 du traité de Dupondt font une découverte : des traces de pas
l’espace qui oblige les astronautes d’un État partie sur la Lune dans une zone où ils semblent être les
au traité à prêter « toute l’assistance possible premiers arrivés. Si l’équipage suppose qu’il s’agit
aux astronautes des autres États ». De plus, la de leurs propres empreintes, la question n’est jamais
XFLR6 étant immatriculée par la Syldavie, Boris clairement résolue. Hergé ouvre donc la possibilité
ne peut agir ainsi sans l’accord de cet État qui de l’existence d’une vie extraterrestre. Le traité de
a juridiction sur cet objet spatial. Le principe de l’espace, par son article 9, suit cette même logique
sauvetage des astronautes étrangers est encore et fait rentrer la possibilité de vie dans l’espace dans
respecté lorsque l’équipage reprend le dessus et le droit positif. Les États doivent procéder à l’étude
parvient à maîtriser Boris et Wolff. En effet, bien de la Lune de manière à éviter les « modifications
qu’Haddock souhaite laisser les deux traîtres nocives du milieu terrestre résultant de l’introduction
mourir sur place, Tintin parviendra à le convaincre de substances extraterrestres ». Hergé confirmera
de ne pas les abandonner à leur tour : « Soyons l’existence des extraterrestres et des soucoupes
plus chevaleresque que ces gens-là , capitaine. » © Hergé/Moulinsart 2019 volantes dans le tome 22 des Aventures de Tintin :
Vol 714 pour Sydney (Casterman, 1967).
MILOU ET LA QUALIFICATION D’ASTRONAUTE
Durant leur sortie en char bleu, Tintin et Haddock Si Serge Sur, dans son très beau commentaire6,
explorent une grotte lunaire à pied accompagnés voit dans les Aventures de Tintin une description
de Milou. Ce dernier, équipé d’une combinaison pour la Lune lorsque les Dupondt révèlent leur pessimiste de la société internationale du XXe siècle,
d’astronaute tombe dans un trou ! Tintin précise présence à bord. Ces « zouaves interplanétaires » Tintin et la Lune est l’un de ces tomes qui nous
alors : « qu’il faut tenter l’impossible » pour le sauver. ne devaient nullement faire partie de l’équipage. redonne espoir en l’attitude des États autour des
Hergé, dans son application du principe de sauvetage Seulement, ils souhaitèrent surveiller la cale avant enjeux spatiaux. Hergé eut, plus de 20 ans avant
des astronautes, ne distingue pas les astronautes le départ de la fusée, qu’ils pensaient à 1 heure 34 l’adoption du traité de l’espace, l’intuition d’un
humains des astronautes non-humains ! Milou a droit de l’après-midi. Or, lorsqu’ils en sortirent, une fois espace extra-atmosphérique dévolu à l’humanité
lui aussi d’êtresauvé. De plus, laphrase deTintinet son l’opération terminée, ils se retrouvèrent nez à nez toute entière, dans lequel des principes supérieurs
envie de tenter l’impossible laissent à penser que cette avec l’équipage qui leur annonce qu’ils sont en empêcheraient d’y abandonner un ennemi.
obligation de secours est une obligation de résultat route pour la Lune depuis plus d’une demi-heure, L’expédition d’Hergé fut souvent décrite comme
et non seulement une obligation de moyen, comme le départ ayant eu lieu à 1 heure 34 du matin. visionnaire sur le plan technique7, nous avons
c’est le cas dans le traité de l’espace et l’accord sur le Le défaut de surveillance de la Syldavie aura au la conviction qu’elle le fut tout autant sur le plan
sauvetage des astronautes. moins eu le mérite de permettre à la drôlerie des juridique. Espérons cependant que la nécessité
Dupondt d’embarquer par accident. d’utiliser l’espace dans l’intérêt de tous les pays soit
LES VIOLATIONS DU DROIT INTERNATIONAL La Syldavie viole également ses obligations encore un principe de droit positif et non plus une
PAR LA SYLDAVIE d’information. En effet, larticle 11 du traité de utopie irréaliste abandonnée.
L’État d’immatriculation viole à plusieurs reprises, l’espace précise que les États conduisant des « Et sur l’astre ténébreux d’où toute vie s’est
parfois malgré lui, les obligations qui lui incombent activités sur la Lune ont une obligation de moyen à nouveau retirée, quelques traces de pas
en vertu des traités spatiaux. D’abord, son « d’informer le secrétaire général [de l’ONU], témoignent que pour la première fois on a marché
obligation de surveillance continue et d’autorisation ainsi que le public et la communauté scientifique sur la Lune8. »
de ses activités spatiales nationales n’est pas internationale, de la nature et de la conduite de
respectée. Le lecteur le réalise dès le départ ces activités… ». En gardant ce projet secret, 2019-5079

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Journal Spécial des Sociétés - Mercredi 31 juillet 2019 – numéro 57 29