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Empreintes d’histoire

Où Jean Cocteau a-t-il caché son chat préféré ?l aimait les chats et dessinait des oiseaux ; elle
   avait un nom d’oiseau, avait chanté au cabaret

I« Le chat noir », se laissant photographier avec un
chaton blanc.
Il avait écrit « Les Enfants Terribles » ; elle était une
éternelle enfant terrible.
Il est mort en octobre 1963, quelques heures
seulement après Édith Piaf. Mais rien ne dit que le
décès soudain, à 47 ans, de la seconde ait précipité
la crise cardiaque emportant le premier à l’âge de
74 ans.
Comme nombre d’artistes et d’écrivains, Jean
Cocteau aimait beaucoup les chats et avait même
créé un Club des amis des chats.
Ses amis Jean Marais et Henri Matisse en
possédaient plusieurs.
Colette avait une chatte blanche, « Kiki-la-
Doucette », Anatole France était inspiré par son
chat « Hamilcar », Brassens, fan des félins, chantait
que Margot « donnait la gougoutte à son chat »,
l’acteur genevois Michel Simon dans sa grande
maison séquanodyonisienne de Noisy-le-Grand et                                                                                                                        © Étienne Madranges
Paul Léautaud dans sa demeure altoséquanaise
de Chatenay-Malabry en possédaient des dizaines,
George Sand ne manquait jamais de déjeuner
le matin en présence de son chat « Minou ». Ses œuvres, comme ses chats, sont multiples : des plantes très toxiques tels l’aconit aux grappes de
Baudelaire a consacré un poème à son chat (Viens, littéraires, poétiques, cinématographiques, fleurs bleues impressionnantes et le colchique parfois
mon beau chat, sur mon cœur amoureux ; Retiens plastiques, murales, graphiques…                                                   surnommé le « tue-chien », ou telles la belladone et la
les griffes de ta patte, Et laisse-moi plonger dans Il a adapté avec talent le célèbre conte universel jusquiamecontenant de l’atropine.
tes beaux yeux, Mêlés de métal et d’agate… »). révélé en France au XVIIIe siècle mettant en scène Cocteau proposa en outre de réaliser un petit jardin
Alexandre Dumas et Émile Zola ont abondamment « la Bête » épargnant le père de « la Belle » ayant de « simples » autour du petit édifice religieux.
décrit les attitudes de leurs chats. Qui ne se souvient eu le tort de cueillir dans son château une rose Il fut inhumé quelques mois après sa mort dans la
du film de Granier-Deferre, « Le Chat », joué par défendue.                                                                       chapelle.
Jean Gabin et Simone Signoret, inspiré du roman L’une de ses œuvres les plus étonnantes, et pourtant Avec pour seule épitaphe sur sa tombe : « Je reste
éponyme écrit en deux semaines par Simenon ? les plus méconnues, est sans doute le théâtre de avec vous ».
On rapporte souvent cette phrase de Cocteau : « Si plein air de Cap d’Ail (Alpes-Maritimes) réalisé en La minuscule église et son joli jardin se visitent.
je préfère les chats aux chiens, c’est parce qu’il forme de théâtre antique à gradins entre 1959 et D’autant que Cocteau y laisse un rébus ou une
n’y pas de chat policier », le poète et dramaturge 1962 surmontant un mini temple maçonnique, au énigme, pour, toujours et encore, étonner les
affirmant par ailleurs : « J’aime les chats, parce que cœur du Centre méditerranéen d’études françaises amateurs d’art. Il a placé plusieurs de ses chats dans
j’aime ma maison et qu’ils en deviennent, peu à créé par Jean Moreau (qui présidait une obédience le décor. Mais l’un est difficile à trouver. Il se cache
peu, l’âme visible. Une sorte de silence actif émane maçonnique de rite écossais rectifié, d’essence en réalité au centre d’un vitrail qu’il a dessiné, mais
de ces quelques fourrures qui paraissent sourdes chrétienne), alors qu’il venait de décorer la chapelle à l’envers. Il faut donc, soit faire le poirier (ce que
aux ordres, aux appels, aux reproches. »                               Saint-Pierre de Villefranche-sur-Mer accueillant la les visiteurs font rarement, l’auteur de la présente
Ses engagements et comportements qualifiés Prud’homie des pêcheurs*.                                                              chronique ayant préféré rester debout pour faire son
d’ambigus pendant la Seconde Guerre mondiale ne L’une de ses réalisations picturales les plus admirées texte à l’endroit…), soit prendre le cliché et l’inverser
l’ont pas empêché d’être élu en 1955 à l’Académie est probablement le décor d’une petite chapelle sur l’ordinateur (voir illustration).
française dont les membres le considéraient comme francilienne.                                                                   Cocteau, un créateur génial au talent perçant…
un « génial touche-à-tout passé maître dans Seul vestige d’une maladrerie du XIIe siècle, la chapelle amateur de chats persans… félin aimant et croquant
l’art du sortilège », où il décrivit la coupole ainsi : Saint-Blaise, longtemps laissée à l’abandon, fut les félins… poète flamboyant… au paradis des
« quelque grotte sous-marine, une lumière quasi réhabilitée dans les années 1950 par la municipalité artistes facétieux !
surnaturelle d’aquarium et sur des gradins en demi- de Milly-la-Forêt (Essonne), qui confia à Jean Cocteau,
cercle, quarante sirènes à queues vertes et à voix lequel possédait une demeure dans la commune, le                                                               Étienne Madranges,
mélodieuses ».                                                         soin de la décorer. L’artiste choisit un décor botanique,                                  Avocat à la cour,
Son engagement en faveur de l’objection de dessinant ou peignant des plantes médicinales, telles                                                                  Magistrat honoraire
conscience a favorisé l’émergence d’un statut des la menthe, la renoncule, la valériane, la guimauve, mais                                   © Étienne Madranges  Chronique n° 142
objecteurs.                                                            aussi des plantes aromatiques telle la gentiane ou
                                                                                                                                                                  2020-5681

* Voir à ce sujet notre chronique dans le JSS n° 9 du 3 février 2018.

                                  Journal Spécial des Sociétés - Samedi 22 février 2020 – numéro 15                                                               11
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