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préoccupante au fonctionnement de la recours contre cette ordonnance, estimant part de son inquiétude, elle a souligné le
Justice, dont personne ne saurait se ces mesures disproportionnées dans un fait que le recours à la visioconférence en
satisfaire », assurant que les droits de contexte où les mesures barrières existent. matière pénale poserait question au regard
l’accusé ne seraient alors pas préservés. Le bâtonnier du barreau de Paris, Olivier des droits protégés par la Constitution.
Également contre la reprise du procès, Cousi, mobilisé le 23 novembre dernier
Richard Malka, l’avocat de Charlie Hebdo au tribunal judiciaire de Paris lors de LA RÉPONSE DU CONSEIL D’ÉTAT
depuis plus de 20 ans, qui plaide « pour la réouverture du procès des attentats Face à cette mobilisation, plusieurs
que ça ait du sens, pour faire passer des de 2015, s’est également opposé à associations, des ordres d’avocats et un
messages » s’est interrogé : « qu’est-ce l’ordonnance du 18 novembre : « Si nous syndicat de magistrats ont demandé au juge
que je vais faire passer comme message comprenons la nécessité d’adapter la des référés du Conseil d’État de suspendre
devant un accusé qui est en prison, qui Justice aux conditions, la cour d’Assises en urgence certaines dispositions de cette
ne peut pas assister à son procès, et qui ne saurait tolérer la visioconférence. On ordonnance, en particulier l’extension des
vomit ? Et je vais me lever pour plaider ne peut juger un homme à distance ! possibilités de recours à la visio-conférence
des droits fondamentaux en en sacrifiant L’humanité nous impose de le regarder (article 2) et la restriction de l’accès du public
d’autres ? Quelle crédibilité j’aurais ? » dans les yeux ! », a-t-il déclaré sur Twitter. aux audiences (article 4).
a-t-il confié à Quotidien le 23 novembre Pour le Syndicat des avocats de France Le 27 novembre dernier, le juge des référés
dernier.                                  (SAF) enfin, « Aucun procès ne devrait a suspendu la possibilité, résultant de cette
                                          jamais commencer sans que le président ordonnance, de recourir à la visio-conférence
UN « COUP DE FORCE CONTRE LE DROIT        n’ait à ordonner : “Faites entrer l’accusé” » après la fin de l’instruction à l’audience
ET LA JUSTICE »                           Bien plus qu’un simple aménagement des devant les juridictions criminelles, c’est-à-dire
Parallèlement à ces faits, plusieurs règles habituelles, le gouvernement aurait, pendant le réquisitoire de l’avocat général et
associations, des ordres d’avocats et selon lui, « franchi un pas inédit » : « Pour les plaidoiries des avocats.
syndicats d’avocats et de magistrats la première fois, il permettait d’exclure Avec le Syndicat de la magistrature, le SAF
se sont fermement opposés à cette de leur procès et de priver d’accès à se félicite de cette suspension du Conseil
ordonnance.                               leurs juges des hommes et des femmes d’État : « Il faut se réjouir qu’elle fixe une
La considérant comme un « coup de force qui encourent des années de réclusion limite majeure à la virtualisation croissante
contre le droit et la justice », les avocats criminelle. »                                          de la justice et réfrène les tentations
– le CNB, la Conférence des bâtonniers et La Défenseure des droits, Claire Hédon, a d’éloignement des justiciables. » Le Syndicat
barreaux de Paris –, dans un communiqué elle aussi alerté quant à la généralisation de de la magistrature se dit cependant toujours
commun, ont fait part de leur « inquiétude » la Justice à distance et ses conséquences. mobilisé : « Le combat continue contre la
et de leur « indignation ». « Nous ne Dans un communiqué en date du visioconférence contraire à l’humanité de la
pouvons pas laisser passer cette nouvelle 30 novembre, cette dernière a rappelé « que Justice et aux droits de la défense ! »
attaque contre les droits de la défense, de les moyens de visioconférence introduisent De son côté, le procès des attentats de 2015
déni de justice, cette régression inédite de des biais de communication entre le a repris, le 2 décembre, en présence du
l’État de droit », se sont-ils insurgés. La justiciable, son avocat et le juge pendant principal accusé.
présidente du CNB Christiane Féral-Schuhl, l’audience en privant les participants d’une
pour qui le « droit est malmené », et son partie de la communication non-verbale                                      Constance Périn
bureau ont ainsi décidé de former un déterminante à l’issue du procès ». Faisant                                      2020-6544

Le roman du terrorisme

Discours de la méthode terroriste

« Je ne sais pas grand-chose de mes s’appuyant sur son expérience en tant que
ancêtres, sinon qu’ils remontent au début juge d’instruction au pôle antiterroriste. Le
de l’humanité, dès que l’homme voulut roman du terrorisme est un récit captivant
posséder du pouvoir sur ses semblables et sur le sujet le plus brûlant de notre époque,
que la mort lui fit peur. » Un acte terroriste qui donne la parole à la méthode terroriste
ne se réduit pas au chaos qu’il provoque : elle-même. C’est en effet le terrorisme
il répond et s’articule, depuis la nuit des personnifié qui s’exprime dans ce texte
temps et sur tous les continents, autour d’une rationalité glaçante et d’une ironie
de sept préceptes, sept piliers fondateurs. mordante, illustrant son propos d’exemples
Dans ce livre, qui retrace l’histoire du véridiques et de faits inédits.
terrorisme depuis sa naissance dans la
Perse du XIe siècle jusqu’à aujourd’hui,
le juge Marc Trévidic décortique cette                      Le roman du terrorisme, Marc Trévidic,

méthode d’action et de pensée en                            Flammarion, 256 pages – 21 euros.

                                                                          2020-6431                 D.R.

                 Journal Spécial des Sociétés - Mercredi 30 décembre 2020 – numéro 83                                          13
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