Même s’il ne s’agit pas de contrats au sens propre du terme, les
engagements que la France a pu prendre au niveau européen, qu’il s’agisse de
l’appartenance à la Convention européenne des droits de l’homme, et par voie de
conséquence de la soumission à la Cour européenne des droits de l’homme, ou
qu’il s’agisse des obligations européennes, l’oblige et l’expose à des risques
contentieux et indemnitaires en cas de non-respect.
On examinera donc successivement l’impact de la
Covid-19 d’une
part au niveau conventionnel (I), et d’autre part au niveau européen (II).
I. Au niveau de la Convention européenne des droits de
l’homme
Sur
le plan conventionnel, par plusieurs communications datées des 24 mars, 7 et
9 avril 2020, les institutions du Conseil de l’Europe ont fait savoir aux États
que la Convention européenne des droits de l’Homme s’appliquait nonobstant à la
Covid-19, même dans le cas où les États entendaient bénéficier de la clause de
dérogation prévue à l’article 15.
Ce
texte dispose :
« 1. En cas de guerre ou en cas d’autre danger
public menaçant la vie de la nation, toute Haute Partie contractante peut
prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par la présente
Convention, dans la stricte mesure où la situation l’exige et à la condition
que ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres obligations
découlant du droit international.
2. La disposition précédente
n’autorise aucune dérogation à l’article 2, sauf pour le cas de décès résultant
d’actes licites de guerre, et aux articles 3, 4 (paragraphe 1) et 7.
3. Toute Haute Partie
contractante qui exerce ce droit de dérogation tient le Secrétaire général du
Conseil de l’Europe pleinement informé des mesures prises et des motifs qui les
ont inspirées. Elle doit également informer le Secrétaire général du Conseil de
l’Europe de la date à laquelle ces mesures ont cessé d’être en vigueur et les
dispositions de la Convention reçoivent de nouveau pleine application. »
Dans un article publié
le 26 mars 20201, Laurent Pettiti s’interrogeait sur le point de
savoir s’il était tout de même nécessaire de notifier l’état d’urgence
sanitaire au Conseil de l’Europe.
En effet, un certain nombre d’États, conformément à
l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’Homme, ont
notifié leur volonté d’exercer leur droit de dérogation compte tenu du danger
de propagation du virus.
La Lettonie a été la première à le faire le 16 mars, suivie de la Roumanie, de l’Arménie, de la
Moldavie, de l’Estonie et de la Géorgie. Au total, huit États l’ont notifiée,
choix que la France n’a pas fait, pas plus que l’Allemagne ou la
Grande-Bretagne.
Quoi qu’il en soit, dès le 24 mars, le président de l’Assemblée parlementaire du
Conseil de l’Europe rappelait que si l’article 15 permet de déroger à certains
droits, « les garanties fondamentales de
l’État de droit, notamment la légalité, un contrôle parlementaire efficace, un
contrôle judiciaire indépendant et des recours internes effectifs doivent être
maintenus, même pendant un état d’urgence ; il s’agit d’une question de
principe démocratique et aussi d’une condition nécessaire à la confiance des
citoyens en leurs dirigeants sans laquelle les mesures nécessaires ne peuvent
être mises en œuvre avec succès ».
Dans un document du 7 avril 2020 suivi d’un communiqué du 8 avril 2020, le secrétaire général
du Conseil de l’Europe a fait parvenir aux 47 États membres « une boîte à
outils » pour que les États ne « sapent
pas notre véritable but à long terme, à savoir préserver les valeurs
fondamentales de l’Europe que sont la démocratie, l’état de droit et les droits
de l’homme ».
En particulier les réticences du secrétaire général
portaient sur les opérations de traçages numériques pour lutter contre
l’épidémie dont il soulignait que cette méthode « avait d’énormes conséquences sur la vie privée et nécessiterait une
règlementation rigoureuse pour garantir le respect des droits de l’homme et de
l’état de droit ».
Cette boîte à outils2, qui a pour but de
faire respecter la démocratie, l’Etat de droit et les droits de l’Homme dans le
cadre de la crise sanitaire de Covid-19, rappelle
les conditions dans lesquelles la dérogation de l’article 15 peut s’appliquer et souligne que, dans tous les cas,
les principes de l’Etat de droit doivent être respectés, y compris en situation
d’urgence. Il s’agit du principe de légalité, de la durée limitée du régime de
l’état d’urgence, du caractère proportionné et nécessaire des mesures d’urgence
qui doivent devenir caduques dès la fin de l’état d’urgence. Ce texte évoque
également l’absence de toute réforme législative fondamentale durant la période
considérée et le maintien d’un contrôle de l’action sur l’exécutif. À ceci
s’ajoute l’application obligatoire des normes pertinentes en matière de droits
de l’Homme, à savoir le droit à la vie (article 2), l’interdiction de la torture et des peines ou traitements, inhumains ou
dégradants (article 3), le
droit à l’accès aux soins (article 11 de la
charte sociale européenne révisée), le droit à la liberté et à la sécurité,
ainsi qu’un procès équitable (articles 5 et 6).
La possibilité d’un confinement obligatoire est admise avec pour contrepartie l’obligation
de contrôler que ces mesures qui s’apparentent à une privation de liberté sont
strictement nécessaires. S’agissant du droit au respect de la vie privée, de la
liberté de conscience, de la liberté d’expression, de la liberté de réunion et
d’association, les restrictions sont susceptibles d’être justifiées en temps de
crise et les sanctions pénales sévères sont préoccupantes « et doivent faire l’objet d’un contrôle
strict ».
Il est proposé un juste équilibre entre prévention et
sanction.
Il est rappelé que la pandémie ne peut pas servir de
prétexte pour réduire au silence les lanceurs d’alertes ou les opposants
politiques, et un paragraphe assez long précise les conditions dans lesquelles
le recours à l’utilisation de technologies modernes d’intrusion dans la vie
privée (localisation, intelligence artificielle, reconnaissance faciale,
applications de médias sociaux) doit être non seulement contrôlé, mais mis en
balance avec le nécessaire respect de la vie privée ; l’accent est mis sur le
risque de discrimination, en violation de l’article 14 de la Convention et de l’article 1 protocole n° 12, article 2 de la charte sociale européenne et sur la protection
des victimes dans le cadre des tentatives frauduleuses de campagnes d’hameçonnage
et la diffusion de maliciels par le biais de sites web communiquant des
informations ou conseils fiables sur la Covid-19 permettant d’infecter les ordinateurs, d’extraire les données, les codes d’utilisation
et d’obtenir des paiements frauduleux.
S’agissant de la France, celle-ci avait invoqué
l’article 15 au moment des attentats terroristes à Paris qui se
sont produits en novembre 2015. Cette déclaration, qui date du 24 novembre
2015, a pris fin le 1er
novembre 2017 par une
nouvelle déclaration faite à la Convention. En revanche, aucune notification n’a
été faite pour la Covid-19, position également adoptée par l’Allemagne, de
l’Italie, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni.
La question de savoir si les conditions de recours à
l’article 15 étaient
ou non réunies est très discutée en doctrine ; certains comme le professeur
Sudre3, estiment que la France a dérogé de facto à la Convention
européenne en s’abstenant d’informer le Secrétaire général qu’elle exerçait son
droit de dérogation de l’article 15, d’autres, au contraire, comme le
professeur Renoux4, adoptent la position inverse au motif que les
mesures prises doivent se concevoir en tant que restrictions et non pas en tant
que dérogation par rapport à la liberté de circulation. Dans l’affaire Oliveira
c. Pays-Bas5, la Cour européenne des droits de l’Homme a estimé, sur
la base de l’arrêt n° 30-329/96, paragraphes 61 à 64, que la
Cour contrôle si, en situation d’urgence, des mesures moins intrusives auraient
été suffisamment efficaces. Il est certain que le contentieux aura à se
prononcer en particulier si les mesures de suivi par les téléphones portables
sont mises en œuvre, en particulier compte tenu du recul actuel de la pandémie.
D’ores et déjà, par un arrêt rendu le 26 mai 2020, la
Cour de cassation6 a jugé
que l’article 16 de l’ordonnance
du 23 mars 2020, prolongeant
sans intervention judiciaire tout titre de détention venant à expiration,
n’était pas compatible avec l’article 5 de la
Convention européenne des droits de l’Homme et que la prolongation n’était régulière
que si la juridiction qui aurait été compétente pour prolonger la détention
s’était prononcée sur le bien-fondé du maintien de la détention dans le cadre
d’un débat contradictoire tenu selon les modalités prévues à l’article 19 de cette ordonnance.
Ce délai, qui court à compter de la date d’expiration
du titre ayant été prolongé de plein droit, ne peut être supérieur à un mois en
matière délictuelle et trois mois en matière criminelle, ainsi qu’en cas
d’appel de la condamnation prononcée en première instance.
Il résulte donc de ce qui précède que, de manière
évidente, des atteintes intenses aux principes fondamentaux de la Convention
européenne des droits de l’Homme ont été portées du fait de la Covid-19,
mettant ainsi entre parenthèses les engagements de la France. La question du
bien-fondé de ces mesures, d’autant plus que l’article 15 n’a pas été invoqué par la France, reste très
certainement ouverte en ce qui concerne au moins certaines d’entre elles, et en
particulier les sanctions, les mesures de procédure pénale et les mesures
intrusives de suivi si elles sont mises en œuvre.
II. Le volet européen
Le droit européen constitue bien évidemment une somme
d’engagements, de contraintes et d’avantages consentis, et ce, dans l’intérêt
commun.
La Commission européenne a accepté un certain nombre
d’amodiations aux règles fondamentales tant en matière de concurrence et aides
publiques qu’en matière budgétaire l’objectif était d’assurer une plus grande
souplesse aux règles budgétaires de l’Union européenne et aux règles mises en
œuvre des aides d’État et, d’autre part, a mis en place des initiatives
d’investissements pour aider l’activité économique et protéger les technologies
et actifs européens.
A. Les
assouplissements juridiques
Les mesures prises concernent les aides d’État, le
droit de la commande publique, les pratiques anticoncurrentielles et la liberté
de circulation.
S’agissant tout d’abord des aides d’État, deux
communications sont intervenues, la première le 20 mars 2020 relative
à l’encadrement temporaire des mesures d’aides d’État visant à soutenir
l’économie dans le contexte actuel de la flambée de la Covid-197 et une deuxième modifiant la précédente en date du 4
avril 2020 (modification
de l’encadrement temporaire des mesures d’aides d’État visant à soutenir
l’économie dans le contexte actuel de la flambée de la Covid-19)8.
Après avoir rappelé la nécessité d’une étroite
coordination européenne des mesures d’aides nationales, la Commission reconnait
la nécessité de mesures d’aides d’États appropriées.
D’abord, certaines mesures qui n’entrent pas dans le
champ d’application du contrôle des aides d’Etat peuvent être mises en place :
il s’agit des mesures applicables à toutes les entreprises comme les
subventions salariales, la suspension du paiement de l’impôt sur les sociétés
et de la TVA ou des cotisations sociales, et un soutien financier direct aux
consommateurs en cas d’annulations de services ou de billets qui ne sont pas
remboursés par les opérateurs concernés.
De même, des mesures de soutien conformes au règlement
général d’exemption par catégories9 sont possibles sans intervention de la commission.
Sur la base de l’article 107, paragraphe 3.c du TFUE, les États peuvent notifier à la Commission des
régimes d’aides visant à répondre à des besoins de liquidité pressants et
soutenir des entreprises confrontées à des difficultés financières dues ou
aggravées par la Covid-19.
L’article 107,
paragraphe 2.b permet aux États membres d’indemniser les entreprises dans des
secteurs particulièrement touchés ; des aides d’État temporaires, jugées
compatibles avec le marché intérieur et se fondant sur l’article 103, paragraphe 3, b sont également possibles et
peuvent être autorisées très rapidement après leur notification par l’Etat
membre concerné.
Des mesures d’aides d’État temporaires peuvent prendre
la forme de subventions directes, d’avancements de l’URSSAF ou d’avantages
fiscaux à condition :
• que l’aide n’excède pas 800 000 euros par entreprise
sous forme de subventions directes, d’avances remboursables, d’avantages
fiscaux ou d’avantages en termes de paiements ;
• qu’elle soit octroyée à des entreprises qui
n’étaient pas en difficulté au 31 décembre 2019 ;
• qu’elle soit octroyée au plus tard le 31 décembre
2020 avec des conditions particulières
s’il s’agit d’entreprises liées aux domaines de la transformation et de la
commercialisation des produits agricoles.
S’agissant de l’agriculture et de la pêche, des
conditions spécifiques sont mises : limitation des aides à 120 000 euros par
entreprise non visées à l’article 1er,
paragraphe 1.AK du règlement UE 717 2014 de la Commission.
Suivent une série de règles concernant les garanties
sur les prêts, les taux d’intérêt bonifiés pour les prêts, les garanties de
prêts acheminés par des établissements de crédits ou d’autres établissements
financiers.
Enfin, des règles particulières sont fixées pour
l’assurance-crédit à l’exportation à long terme.
La seconde communication, qui date du 4 avril 2020, modifie la précédente, précisant que les reports de
paiements d’impôts, taxes et cotisations de Sécurité sociale, s’ils
s’appliquent à l’ensemble de l’économie, ne relèvent pas du contrôle des aides
d’État.
La contribution aux coûts salariaux, s’ils
s’appliquent à l’ensemble de l’économie, ne relève pas du contrôle des aides
d’État.
Les mesures prises par les Etats membres pour assurer
la sécurité et éviter les licenciements massifs sont admissibles.
Les modifications portent sur l’encadrement temporaire
des mesures d’aides d’État pour encourager l’aide à la recherche et au
développement tant sur la Covid-19 que
pour soutenir les infrastructures d’essais et de développement qui contribuent à
la conception des produits utiles dans la lutte contre la Covid-19 ainsi que la fabrication des produits nécessaires pour
faire face à la flambée épidémique.
Un certain nombre de règles fixées précédemment sont
modifiées, en particulier en ce qui concerne les primes, les marges.
Sur la base de ces dispositions, les systèmes mis en
place en France ont été autorisés dans les 48 heures suivant l’entrée en
vigueur de l’encadrement temporaire.
Une seconde décision a autorisé le régime français de
fonds de solidarité délivrée le 30 mars et, enfin, le régime de la garantie
française pour les PME, dont les activités d’exportation de la pandémie, a été
autorisé.
B Les règles
anti-trust
S’agissant des entreprises elles-mêmes, un site
Internet a été ouvert le 30 mars pour aider les entreprises à collaborer de
manière licite et une communication a été publiée le 8 avril pour mettre en
place un service temporaire pour l’appréciation des questions d’entente et
d’abus de position dominante liée à la coopération entre entreprises à la
réponse d’une situation d’urgence découlant de l’actuelle épidémie de la
Covid-19.
La coopération entre entreprises est autorisée
notamment pour la fourniture et la distribution adéquates des produits et
services essentiels rares pendant l’épidémie de la Covid-19, comme les
médicaments ou des équipements médicaux.
Les règles anti-trust sont revues, en particulier dans
le secteur de la santé, soumettant les échanges d’informations commercialement
sensibles à une coordination pour tel ou tel médicament et organisant
l’autorisation donnée voire l’encouragement à la coopération co-concurrentielle.
Ainsi, un titre de compatibilité a été accordé par la
Commission sur le fondement de ce texte le 8 avril, rendu public le 28 avril,
concernant les médicaments hospitaliers critiques pour des patients infectés
par la Covid-19. Elle l’a été à Médecine Force Europe, cette organisation
acceptant de mettre en place des garanties :
• caractère ouvert de la coopération à tout fabricant
pharmaceutique désirant y participer,
établissement et conservation des procès-verbaux de
réunions,
• communication à la Commission et à l’Agence
européenne des Médicaments ainsi qu’aux systèmes nationaux de santé en
particulier.
Plus précisément, le point 12 de la communication autorise un certain nombre de tâches
comme la coordination du transport, le convoi d’un train, le recensement des
médicaments essentiels, l’allégement des informations relatives à la production
et à la capacité sans échange d’informations concernant une entreprise
particulière, l’élaboration d’un modèle permettant de prévoir la demande au
niveau de l’État membre et de recenser des déficits d’approvisionnement, enfin
le partage des informations « abrégées ».
Ainsi, les règles anti-trust habituelles ont été
largement allégées en ce qui concerne en particulier le réseau de la santé.
C. Les règles
concernant les marchés publics
Une communication de la Commission du 1er
avril 202010 précise
l’orientation de la Commission européenne sur l’utilisation des marchés publics
dans la situation d’urgence liée à la crise de la Covid-19.
En premier lieu, à titre de rappel, la Commission
énumère les options que peuvent envisager les acteurs publics, à savoir :
• réduire les délais pour accélérer les procédures
ouvertes et restreintes en cas d’urgence ;
• recourir à une procédure négociée sans publication,
et même attribution directe à un opérateur économique présélectionné ;
• recherche de solutions de substitution et
collaboration avec le marché.
Interagir avec le marché pour stimuler l’offre est
souhaitable à la fois pour répondre à l’urgence sanitaire et pour permettre d’activer
la machine économique.
La Commission propose le recours à des outils
numériques innovants (par exemple pour réutiliser les masques de protection
après nettoyage, pour innover sur la manière de protéger le personnel médical,
etc.) en encourageant la collaboration également avec des écosystèmes de
l’innovation et des réseaux d’entrepreneurs.
S’agissant des procédures et des délais, la Commission
rappelle que les délais peuvent être raccourcis à 15 jours minimum pour une
procédure ouverte et pour une procédure restreinte (1re étape) et 10
jours pour la procédure restreinte, soit 25 jours au total au lieu de 60.
Enfin, en cas d’urgence impérieuse, la procédure
négociée sans publication d’un avis de marché est possible dans la mesure
strictement nécessaire lorsqu’il y a une nécessité impérieuse qui n’est pas
imputable au pouvoir adjudicataire (article 32, paragraphe 2 de la directive 2014/24/UE).
Par ailleurs, le professeur de La Rosa11 reconnaît non seulement que les orientations de la
Commission ont été parfaitement entendues, mais qu’elles ont même été largement
appliquées : mutualisation des achats, utilisation des centrales d’achats par
les collectivités territoriales, recours à des procédures d’achats conjoints
(25 États se sont associés à quatre appels d’offres de la Commission pour
obtenir du matériel médical démontrant une véritable capacité stratégique de
l’Union européenne pour affirmer sa « souveraineté économique »).
Enfin, une coopération publique permettant à plusieurs
acheteurs d’attribuer un marché sans publicité des mises en concurrences à une
entité juridiquement distincte, mais contrôlée d’un point de vue organique et
matériel a été utilisée notamment par la France dans la région Grand-Est. Le
professeur de La Rosa estime même qu’un dispositif type SEM, qui pourtant
comporte une participation privée, s’il n’est pas parfaitement en règle avec
les obligations de l’entité « in house
» se verrait difficilement contesté par le juge.
D. Les
assouplissements budgétaires
Les engagements des différents États membres en ce qui
concerne le respect des critères de Maastricht et la sévérité des règles
régissant la BCE et le comportement budgétaire de la Commission ont également
subi de sérieuses amodiations.
Aux souplesses offertes au niveau des règles de droit
stricto sensu, il convient d’ajouter les initiatives prises par la Commission
européenne pour aider à l’emploi et l’économie durant toute cette période avec
une première initiative lancée le 2 avril,
d’une assistance financière d’un montant de 100 milliards d’euros sous forme de
prêts octroyés aux États membres à des conditions favorables, à laquelle s’est
ajouté un financement de 8 milliards pour les PME et le déblocage d’1 milliard
d’euros titre du fonds européen pour les investissements tract stratégiques
servant de garantie au fonds européen d’investissement pour encourager les
banques à aider les PME par des liquidités. Vont s’ajouter probablement les 754
milliards d’euros dont il est désormais question pour relancer l’activité
économique en Europe et soutenir les Etats en difficulté.
Cela signifie très clairement que la Covid-19 conduit les institutions européennes à repenser les mécanismes
de fonctionnement budgétaire et financier de l’Union.
Ainsi, globalement, la France a pu respecter les engagements
qui étaient les siens dans la mesure où précisément ses engagements ont été
bouleversés par les institutions européennes, pour tenir compte de la Covid-19.
La question qui est désormais posée est celle de
savoir comment sur le moyen et le long terme, en particulier au niveau
communautaire, les engagements pris par les Etats membres entre eux et à
l’égard de l’Union vont évoluer pour intégrer les instruments de relance sans
mettre en péril l’euro et les institutions communes.
Corinne
Lepage,
Avocate
à la Cour,
CEO
Huglo Lepage Avocats
1) Laurent Pettiti, « Faut-il notifier l’état
d’urgence sanitaire au Conseil de l’Europe », Dalloz actualité 26 mars
2020.
2) Conseil de l’Europe, Respecter la démocratie,
l’état de droit et les droits de l’homme dans le cadre de la crise sanitaire du
Covid-19 : une boîte à outils pour les États membres, Document
d’information SG/IN 9 (2020) 11), 7 avril 2020, 10 p.
3) Frédéric Sudre, La mise en quarantaine de la
Convention européenne des droits de l’Homme, Le Club des juristes, 20 avril
2020, en ligne :
https://www.leclubdesjuristes.com/blog-du-coronavirus/que-dit-le-droit/la-mise-en-quarantaine-de-la-convention-europeenne-des-droits-de-lhomme/.
4) Thierry Renoux, Pas de mise en quarantaine de la
Convention européenne des droits de l’Homme, Le Club des juristes, 24 avril
2020, en ligne :
https://www.leclubdesjuristes.com/blog-du-coronavirus/que-dit-le-droit/pas-de-mise-en-quarantaine-de-la-convention-europeenne-des-droits-de-lhomme/.
5) CEDH, 4 juin 2002, Oliveira c. Pays-Bas,
n° 33129/96, §§ 61-64 : http://hudoc.echr.coe.int/app/conversion/pdf/?library=ECHR&id=001-65051&filename=001-65051.pdf.
6) C. cass, crim., n°974, 26 mai 2020, req. N°
2081.910.
7) Commission européenne, Encadrement temporaire des
mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de
la flambée de Covid-19, 20 mars 2020, (220/C91 I/01).
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52020XC0320(03)&from=FR.
8) Commission européenne, Modification de
l’encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie
dans le contexte actuel de la flambée de Covid-19, 4 avril 2020, (2020/C 112
I/01) : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52020XC0404(01)&from=FR.
9) Règlement UE n° 651-2014 de la Commission du
17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché
intérieur en application des articles 107 et 108 du traité (JO L187 du
26 juin 2014, page 1).
10) Commission européenne, Orientations de la
Commission européenne sur l’utilisation des marchés publics dans la situation
d’urgence liée à la crise de la Covid-19, 1er avril 2020, (2020/C
108 I/01) : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52020XC0401(05)&from=FR.
11) Stéphane de La Rosa, La crise sanitaire du
Covid-19 et la transformation du droit de la commande publique une perspective
européenne, 29 avril 2020, Le Club des juristes : https://www.leclubdesjuristes.com/blog-du-coronavirus/que-dit-le-droit/la-crise-sanitaire-du-covid-19-et-la-transformation-du-droit-de-la-commande-publique-une-perspective-europeenne-sadapter-a-lurgence/.