La mise en œuvre des nouvelles technologies fait partie intégrante
de la feuille de route de l’INPI, avec comme objectifs d’accroître l’efficience
interne et d’améliorer l’expérience utilisateur. L’exploitation de ces
technologies prometteuses permet en effet de développer des outils
facilitateurs dans les missions quotidiennes des services métier, leur
permettant de se concentrer sur des tâches à forte valeur ajoutée.
Pour accélérer
ce type de projet, l’INPI a mis en place un laboratoire dédié aux nouvelles
technologies, et cible principalement l’intelligence artificielle, notamment
l’apprentissage automatique. Ce dernier consiste à déduire des modèles de
prédiction à partir d’expériences passées décrites par les données, avec comme
objectifs l’automatisation de tâches répétitives ou l’aide à la décision. Il
s’agit par exemple de se baser sur des classifications thématiques passées de
documents textes ou images, disponibles en bases de données, pour entraîner un
modèle qui classifiera efficacement les nouvelles occurrences. La disponibilité
de données exploitables en quantité et en qualité est en effet primordiale pour
l’entraînement de modèles précis.
Les domaines
d’application dans le cadre de la propriété industrielle sont nombreux et
couvrent différents sujets d’intérêt. La classification de textes tels que les
demandes de brevets, la classification d’images, tels que les marques
figuratives, ou l’aide à l’examen, lors du traitement des inscriptions par
exemple, sont des cas concrets où l’apprentissage automatique permet le
développement d’outils performants.
Plusieurs
projets autour de ces sujets ont été menés ou sont en cours de réalisation, en
étroite collaboration avec les services métier concernés, dont quelques-uns
sont présentés dans la suite de cet article à titre illustratif.
La
classification de brevets
Le premier projet réalisé avec succès, et avec application de
l’intelligence artificielle, a ciblé la pré-classification des brevets. Il
consiste dans la mise en place d’un outil facilitant l’affectation des demandes
de brevet, en fonction du domaine technologique, aux différents pôles en charge
de leur examen. Auparavant, ceux-ci étaient répartis manuellement par les chefs
de services. L’outil développé en interne a permis d’automatiser en grande
partie cette répartition. L’objectif final est un gain de temps pour les
managers, estimé à une vingtaine d’heures par semaine au total, qui peuvent
alors se consacrer à des tâches à plus forte valeur ajoutée. Aujourd’hui, cet
outil, basé sur le traitement de texte et l’apprentissage automatique, a un
taux de réussite satisfaisant, autour de 80 %, et une prochaine mise
à jour du modèle de pré-classification utilisé vise à améliorer sensiblement ce
taux.
Dans un deuxième temps, et afin de faciliter le travail des examinateurs
cette fois-ci, le périmètre du projet a été étendu au développement d’un outil
d’aide à la classification selon la classification internationale des brevets1.
Celle-ci est gérée par l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle
et vise à décrire, de manière hiérarchique et très fine, le domaine
technologique du brevet en question avec plus de 60 000 subdivisions ! L’automatisation de cette tâche
est donc très ardue, car un nombre très élevé de classes doit être considéré,
ce qui implique un apprentissage multi-label extrême (à très large échelle).
L’entraînement et l’évaluation de plusieurs modèles récents adaptés à ce type
de classification sont en cours, et les premiers résultats sont prometteurs.
La classification de marques figuratives
Un autre
projet en cours de réalisation dans le domaine de la classification
automatique, mais pour les images cette fois-ci, concerne les marques figuratives
et s’appuie sur une solution du marché. L’outil en cours de déploiement permet
d’assister l’attribution des classes aux logos qui accompagnent les dépôts de
marques. Ces classes sont issues de la classification de Vienne2,
qui est également gérée par l’organisation mondiale de la propriété
intellectuelle. Elle permet de décrire précisément les éléments figuratifs
accompagnants un dépôt de marque, et ainsi de simplifier les recherches et
comparaisons de logos. Des bénéfices importants sont attendus suite à la mise
en œuvre de ce projet car il permettra d’internaliser l’activité de
classification en mobilisant un minimum de ressources et en simplifiant
grandement les flux de publication avec réduction des délais.
Aide à l’examen des demandes d’inscription
La
digitalisation des procédures liées aux titres de propriété industrielle
implique le traitement de nombreux documents numériques. Ceux-ci peuvent être
structurés, issus de formulaires, ou non structurés. Pour ce second cas, il
peut s’agir de documents fournis par le client et annexés à la procédure comme
preuve (des contrats, par exemple). Ces documents doivent ensuite être traités
pour vérifier la présence de certains éléments obligatoires et extraire les
données utiles à la procédure. Un axe de travail actuel vise l’automatisation
de ces tâches de structuration, vérification et extraction d’informations à
partir de documents sous divers formats.
Une première
réalisation dans ce domaine a permis le développement d’un outil d’aide à
l’examen des inscriptions sur les titres de propriété industrielle, et qui
indique avec précision la présence et la localisation des informations
essentielles dans le contrat joint à toute demande (numéros de brevets, numéros
de marques, noms et adresses…). Cet outil est un bon exemple d’automatisation
de tâches fastidieuses permettant aux examinateurs de se focaliser sur des
activités plus avancées où leur expertise est nécessaire.
L’INPI a
adopté une démarche ambitieuse de mise en œuvre des technologies numériques. Ce
développement a initialement pour objectif l’accroissement de l’efficience
interne, notamment au sein des services d’examen. À moyen terme, la mise en
œuvre des nouvelles technologies visera plus largement à faciliter les
démarches dans l’ensemble du cycle de vie des titres de propriété industrielle
et notamment le dépôt, l’examen et la publication ; elle pourra aussi
viser le développement de nouveaux services. Enfin, les nouvelles missions de
l’INPI relatives aux formalités des entreprises offriront des opportunités pour
la mise en œuvre de ces nouvelles technologies, ainsi qu’une source
supplémentaire très riche de données.
NOTES :
1) https://www.wipo.int/classifications/ipc/fr/
2) https://www.wipo.int/classifications/vienna/fr/
Samir Ghamri Doudane,
responsable du Lab INPI