Ces constatations sont le résultat de l’étude
2023 « Diversité et Inclusion au sein du CAC40 » du directeur
de l’Observatoire SKEMA de la féminisation des entreprises, livrée le 20
février dernier. Entre inégalités, non-respect de la loi Rixain et un plafond
de verre qui s’épaissit, on fait le point.
Fraîchement livrée, l’étude du
directeur de l’Observatoire SKEMA de la féminisation des entreprises, qui porte
sur la parité des femmes au sein des entreprises, et plus précisément dans les
comités exécutifs, a de quoi consterner. Le constat est bien loin des espérances
puisque cette enquête, réalisée à partir des rapports annuels 2022 des
entreprises du CAC40, révèle que les consignes de la loi Rixain ne sont pas
toujours respectées – si ce n’est pas du tout – au sein des entreprises du
CAC40.
Pour rappel, ce texte du 24
décembre 2021 vise à accélérer l’égalité économique et professionnelle en
créant une « répartition équilibrée de chaque sexe parmi les cadres
dirigeants et les membres des instances dirigeantes » ; des obligations
qui concernent toutes les entreprises d’au moins 1 000 salariés.
Aussi, et bien que loi Rixain
impose aux entreprises d’inclure 30 % de femmes d’ici 2027 dans leurs
comités exécutifs (comex), beaucoup d’entreprises sont encore loin du compte,
certaines d’entre elles s’établissant même à l’étranger, échappant de surcroit
à la loi Copé-Zimmermann.
C’est le cas d’Airbus et
Stellantis qui comptent respectivement 25 % et 27 % de femmes dans
leur conseil d’administration là où la loi Copé-Zimmermann impose un quota de
40 % de femmes dans les conseils. En se domiciliant aux Pays-Bas, ces
« évadés sociaux », comme les nomme le rédacteur de l’étude, évitent
ainsi les obligations de la loi et sont « libres » de ne pas
respecter les quotas.
4 entreprises du CAC40 n’ont
aucune femme dans leur comex
Pour les entreprises qui
restent domiciliées en France, les chiffres sont peu réjouissants. De fait, les
femmes occupent seulement 3,75 % des 80 postes de président et/ou de
directeur général dans les entreprises du CAC40 ; c’est tout de même un
peu plus qu’en 2021 où 2,5 % de ces postes étaient occupés par des femmes.
Toutefois, aucune femme n’est PDG de l’une de ces entreprises, deux femmes sont
présidentes d’un conseil d’administration, et une seule est directrice générale,
indiquent les chiffres de janvier 2022.
De plus, sur les 562 postes
d’administrateurs des entreprises du CAC 40, 254 sont occupés par des femmes
(+3 % par rapport à 2021), soit un peu moins de la moitié (45,20%). En
revanche, sur les 541 postes des comités exécutifs des entreprises du CAC40,
les femmes occupent que 129 de ces postes (+27 % par rapport à 2021
toutefois), soit 23,84 %, là où la proportion d’hommes demeure stable.
Par ailleurs, quatre
entreprises du CAC40 ne compte aucune femme au sein de leur comité exécutif, à
savoir ArcelorMittal, Bouygues, EssilorLuxottica et Stellantis, cette dernière n’étant
guère inquiétée puisque domiciliée à l’étranger.
Un plafond de verre qui
s’épaissit
L’absence ou la faible
présence de femmes dans les comités exécutifs est représentative du « double
plafond de verre » au sein des entreprises du CAC40, souligne l’étude.
Ce plafond est calculé selon le ratio de femmes cadres et de femmes présentes
dans les comex.
Ainsi, toutes entreprises du
CAC40 confondues, les femmes représentent 39,05 % des effectifs. Parmi
elles, seulement 22,95 % de femmes cadres sont membres de comités
exécutifs (contre 19,59 % en 2021) alors qu’elles représentent 35,46% de
la population cadre, « vivier traditionnel de recrutement des
dirigeants » indique l’étude. Le « double plafond de
verre » entre la population cadre et le comité exécutif s’établit
alors à 12,51 ; ce sont 3,2 femmes présentent dans les comex sur 13,5
membres.
L’index d’inégalité permettant
de calculer le plafond de verre a révélé qu’Essilor Luxottica est l’entreprise
au plafond le plus épais (51,70), puisqu’elle n’a aucune femme au sein de son comex
et 51,7 % de cadres féminines, suivie de près par LVMH (51,67), Hermès
(37,78) et Vivendi (32,95).
En revanche, des entreprises
comme Air Liquide possèdent un plafond de verre très fin, avec un indice de
2,43, soit 28,57 % des 31 % de femmes cadres dans le Comex.
Toutefois, l’enquête montre que les quotas
sont parfois difficiles à atteindre, certaines entreprises rapportant
rencontrer des difficultés pour recruter des femmes selon les domaines. Pour
exemple, les sociétés comme Vinci, TotalEnergies, Thalès ou encore Alstom indiquent
peiner à recruter des femmes, au contraire de Danone, Sanofi, Vivendi ou Hermès.
Cependant, chez ces deux dernières où le recrutement des hommes est plus
compliqué, elles atteignent un index d’inégalité plutôt fort…
Les bons élèves affichent une meilleure rentabilité
opérationnelle
En 2022, l’étude rapporte que 12 entreprises
(+50 % par rapport à 2021) avaient en revanche au moins 30 % de
femmes dans leur comex, dont BNPParibas,
Carrefour, Crédit Agricole, ou encore L’Oréal.
À l’instar de Legrand, Eurofins Scientific et
Unibail-Rodamco, Dassault montre même une surreprésentation des femmes au Comex
par rapport à sa population de femmes cadres (38,46 % pour 21,2 % de
femmes cadres). À noter toutefois que la part plus importante de femmes dans
les comex n’est pas due à un remplacement.
Et cette féminisation a du bon, car au-delà de
la parité hommes/femmes au sein d’un comex ou conseil d’administration, la
présence de femmes tout court a des effets positifs. En effet, et de manière
générale selon l’étude, plus le pourcentage de femmes dans la population de
cadres, dans les effectifs est dans le comex est important, plus la rentabilité
opérationnelle ainsi que la qualité de la responsabilité environnementale et
sociétale de l’entreprise sont élevées et meilleures.
Ainsi sur
l’année 2021, la
rentabilité opérationnelle des dix entreprises du CAC40 dont l’encadrement est
le plus féminisé (LVMH,
Hermès, Kering) est
47,97 % supérieure à celle des dix entreprises dont l’encadrement est le
moins féminisé (20,36 %
contre 13,76 %) ; la responsabilité sociétale est 60,87 % supérieure à celle des dix entreprises dont
l’encadrement est le moins féminisé (21,91 contre 13,62) ; et
la responsabilité environnementale est
53,10 % supérieure aux moins féminisées (14,07 contre 9,19).
Même observation dans les Comex où la rentabilité opérationnelle des dix entreprises dont le comex
est le plus féminisé
(Legrand, Dassault, la Société générale) est 64,24 % supérieure à celle
des dix dont le comex est le moins féminisé (21,17 % contre 12,89 %). La responsabilité sociétale est 42,75 % supérieure (19,3 contre 13,52), et la responsabilité environnementale des dix entreprises dont le
comex est le plus féminisé est 41,68% supérieure à celle des dix entreprises dont le comex est
le moins féminisé (13,19 contre 9,31).
De manière générale, la majorité des
entreprises augmentent petit à petit les quotas d’une année sur l’autre, mais
le chemin pour atteindre ceux fixés par la loi Rixain pour mars 2027 est encore
long et prend – peut-être un peu trop – son temps. C’est toutefois en bonne
voie !
Allison Vaslin