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La fugue, espace de mise en danger

La fugue, espace de mise en danger
Publié le 23/05/2020 à 11:00

Le 16 octobre 2019, Droit d’enfance, fondation qui gère notamment le 116 000 Enfants Disparus, organisait son colloque annuel sur le thème de la fugue. Cette journée de travail regroupait gendarmes, juges, psychologues, encadrants et membres d’association qui ont pu évoquer leurs expériences.

 


I. État actuel de la fugue et des conduites associées


Le sujet des fugues ne reçoit pas l’attention dont il a besoin, et les fugueurs sont souvent mal compris, précise Aagje Ieven, secrétaire générale de Missing Children Europe (Enfants Disparus Europe). Cette organisation offre un réseau de numéros, dans 32 pays européens. Il s’agit de numéros d’assistance pour les enfants disparus, accessibles depuis partout en Europe. Ils aboutissent directement aux services nationaux en charge du problème. Les interlocuteurs sont des membres de Missing Children Europe (MCE), d’ONG ou encore de la police. Toutes les deux minutes, un enfant est porté disparu en Europe. L’organisme se fixe pour mission de protéger les enfants de toute violence, maltraitance et négligence, génératrices récurrentes de disparitions. Elle agit dans quatre domaines : ligne d’assistance, fugue, enfant en migration et enlèvement parental international. MCE se livre à quelques recherches, beaucoup de formations, de plaidoyers européens et de sensibilisation.


Le réseau d’assistance a la capacité de traiter 90 000 appels par an sur les 160 000 reçus. Missing Children Europe suit en permanence 8 000 à 9 000 cas dont presque 60 % sont des fugues. Les enfants fuient volontairement, poussés à quitter le domicile ou l’institution où ils ont été placés. L’âge moyen du fugueur européen est de 16 ans.


S’agissant des enfants en migration, beaucoup de violences et d’abus sont soupçonnés, mais peu de témoignages parviennent, car les migrants craignent les autorités et ne se confient pas. Plus la disparition est longue, plus les recherches deviennent difficiles et plus les risques augmentent. 36 % des fugueurs sont confrontés à des éléments de violence avant leur départ ou après : abus, négligence ou exploitation. La violence apparaît tant comme cause que comme conséquence.


En France, le service du 119, service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger (SNATED), appartient au groupement d’intérêt public de l’enfance en danger (GIPED) qui compte également l’observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE). Créé par la loi du 10 juillet 1989, le SNATED a fêté ses trente ans en 2019. Ses missions sont définies par l’article L. 226-6 du Code de l’action sociale et des familles.


• Sa mission principale est la prévention. Le 119 reçoit beaucoup de demandes de soutien, de conseils, d’orientation. Tous les appels dits « d’aide immédiate » donnent lieu à un écrit qui reste dans le service.


• Le service reçoit par ailleurs des informations préoccupantes qui sont transmises à la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) dans tous les départements. Il alerte sur la situation d’un enfant en danger ou en risque de danger, et sollicite une évaluation du contexte faite par des professionnels. Un appel traité sur deux concerne une information préoccupante. En moyenne, les écoutants répondent à 93 appels par jour.


• La mission de recueil des connaissances permet d’analyser les chiffres, en particulier sur les fugues.


• La mission d’information a par exemple fait rendre obligatoire l’affichage dans tous les lieux accueillant des mineurs.


Joignable partout en France, gratuit depuis tout type de téléphone (statut d’urgence), le service fonctionne en permanence. Toutes les informations reçues par le 119, tous les éléments transmis ainsi que les membres du SNATED sont soumis au secret professionnel. Aucun appelant n’a à craindre que son identité soit révélée. Toutefois, en cas de judiciarisation, c’est-à-dire si l’information préoccupante devient un signalement, alors, bien entendu, les informations sont communiquées. La confidentialité, élément essentiel, libère la parole. L’équipe se compose de trois coordonnateurs encadrant et de 40 écoutants, psychologues cliniciens, professionnels sociaux ou juristes qui travaillent à temps partiel sur des créanaux de 4 à 6 heures.


Les situations de fugue au 119


La fugue fait partie des éléments récurrents recueillis au 119. Elle peut être retenue qu’elle soit en cours, passée ou future. Elle constitue de toute façon un épisode notable dans le parcours de l’enfant et témoigne d’un comportement du mineur mettant en danger sa santé, sa sécurité et sa moralité. La fugue est systématiquement examinée dans un contexte global et nécessite une double temporalité : mise à l’abri immédiate puis compréhension de la situation. Sur le plan des chiffres, la fugue est envisagée sous l’angle de l’autorité parentale. Il s’agit d’un départ du lieu de résidence sans l’accord de l’adulte en charge de l’enfant. Pour le 119, les mineurs mis à la porte n’entrent donc pas dans la catégorie des fugueurs. En un an, 803 appels pour des situations de fugue sont recensés concernant 851 mineurs distincts, soit au moins deux fois par jour. Ces appels prioritaires réclament une technicité particulière pour récupérer les informations primordiales et pour rassurer l’appelant.


Bien sûr, la fuite peut se produire à toute heure du jour et de la nuit, mais un pic d’appels est constaté à partir de 17h, autrement dit à la sortie des cours. Les enfants ont entre 6 et 17 ans. L’âge moyen du fugueur en France est de 14 ans et sept mois. Les chiffres indiquent qu’il s’agit plutôt les filles, alors que statistiquement, ce sont les garçons qui se mettent en danger. Concernant l’environnement familial, dans la majorité des affaires, le mineur réside chez sa mère puis chez ses deux parents et enfin chez son père divorcé ou séparé dans un cas sur deux.

 


L’environnement de la fugue


Au 119, apparaissent par ordre décroissant les causes de fugues suivantes : à 31,6 % la violence psychologique (brimades, dévalorisations), puis la maltraitance physique, présente dans tous les appels pour fugue, et enfin la négligence des besoins fondamentaux de l’enfant. Les violences physiques, les coups reçus peuvent inciter à la fuite, mais c’est surtout le risque d’être exposé à des violences qui provoque le plus souvent la fugue, la peur de représailles après une bêtise ou une mauvaise note.


Exemple : Sergio contacte le service. II a fugué. Il refuse de rentrer chez lui. Il a peur que son père l’expédie au pays. Son père l’a menacé de le renvoyer s’il rentre car il ne supporte pas ses mauvais résultats scolaires. Or il vient d’avoir une mauvaise note. Sergio n’arrive pas à suivre. Il a des résultats médiocres. Il se sent nul et il a honte. Son père lui crie souvent dessus à cause de ça. Il dit aussi avoir des idées suicidaires parce qu’il ne sert à rien. Sergio se trouve à la porte de Saint-Cloud, manteau bleu foncé, jean, sac à dos. Une patrouille de police tente de le joindre mais Sergio ne répond pas. Elle laisse un message lui disant de ne pas hésiter à rappeler.


Majoritairement, la fugue exprime un ras-le-bol du mineur qui ne supporte plus le traitement qui lui est infligé et ne croit pas à une amélioration possible. Si le mineur est défini comme insignifiant, sans importance à la maison, alors, pour lui, disparaître ne change pas grand-chose.


Les violences conjugales déclenchent assez peu les fugues et n’en concernent finalement « que » 2,46 %. Les auteurs de violence font partie de la famille proche. Dans plus de 90 % des cas, il s’agit des parents. Comprendre le contexte permet de le reléguer aux professionnels alertés. Dans certains cas, le mineur ne rentre pas pour fuir le danger. Dans d’autres, il cherche à provoquer une réaction de la part des titulaires de l’autorité parentale. L’écoutant du 119 essaye de percevoir les motivations pour favoriser une réponse adaptée. La gestion d’une situation de fugue peut se concrétiser en mise à l’abri immédiate ou en délivrance de conseils à l’appelant. La réponse fournie dépend du moment de la fugue et de la personne qui appelle. Pour 24,6 %, ce sont les mineurs qui attendent une intervention pour eux-mêmes. Pour 32 %, ce sont les parents. Eux ne demandent pas une intervention, ils sollicitent plutôt des conseils et du soutien. Le 119 accompagne les parents démunis.


La prostitution


Arthur Melon, secrétaire général de l’ACPE (Agir contre la prostitution des enfants), rappelle qu’aujourd’hui, il n’y a pas de définition légale de la prostitution. Chacun peut avoir une interprétation personnelle. La définition jurisprudentielle fournie par la Cour de cassation date de 1996 ; c’est assez ancien. La prostitution consiste à se prêter, moyennant rémunération, à des contacts physiques de quelque nature qu’ils soient afin de satisfaire les besoins sexuels d’autrui. Trois critères importent donc du point de vue jurisprudentiel pour caractériser la prostitution. Le premier critère est le contact physique. Le deuxième critère est la contrepartie, la rémunération qui peut être de toute nature. Le troisième critère est de satisfaire les désirs sexuels d’autrui intentionnellement. Il faut bien distinguer les actes pédocriminels, qui peuvent donner lieu à une contrepartie, des actes volontaires d’un mineur qui se prostitue de lui-même.


En France, la prostitution est autorisée pour les personnes majeures depuis 2002. La loi relative à l’autorité parentale énonce en revanche que la prostitution des mineurs est interdite sur tout le territoire de la République. Même si un enfant le veut, s’il se prétend consentant, ou objecte qu’il dispose de son corps, il n’a pas le droit de se livrer à la prostitution. Dans la loi de 2002, tout mineur qui se livre à la prostitution, même occasionnellement, est réputé en danger, et relève de la protection du juge des enfants au titre de la procédure d’assistance éducative. Il n’est pas considéré comme délinquant. La connaissance d’une situation prostitutionnelle de mineur justifie un signalement pour que le juge des enfants se prononce sur l’opportunité de mettre en place une mesure d’assistance éducative.


Dans le néo proxénétisme, aussi appelé proxénétisme de cité, des enfants français, nés en France, scolarisés en France, tombent dans des réseaux de proxénétisme ou suivent des conduites qui relèvent de la prostitution de façon plus ou moins autonome. Les professionnels de terrain observent qu’il s’agit majoritairement de filles (80 %). La prostitution des mineurs concerne toutes les catégories sociales, car la stimulation n’est pas d’ordre pécuniaire mais psychologique. On observe que les enfants impliqués sont de plus en plus jeunes.


La fugue est un des plus gros invariants de toutes situations prostitutionnelles. Un comportement prostitutionnel peut entraîner une fuite parce qu’il est compliqué de se prostituer dans le domicile familial. Inversement, dans un épisode de fugue, l’enfant peut se retrouver sous l’influence d’un petit réseau difficile à repérer. Dans ce type de réseau, les téléphones changent tout le temps, les proxénètes font preuve d’une violence extrême et utilisent des moyens de coercition permanents. Viols, menaces, séquestration rythment le quotidien. Autre fléau, les lover boys sont des petits copains qui utilisent leur emprise affective pour faire chanter l’adolescente et l’enjoindre à se prostituer. La dimension de carence affective ou la volonté de s’intégrer à un groupe est extrêmement forte dans ces cas. Les adolescents concernés présentent une vulnérabilité psychologique, des fragilités, un besoin de valorisation, d’estime de soi, etc. Dans la plupart des affaires, ils ont connu des violences sexuelles dans l’enfance ou dans l’adolescence. Quelque fois la situation est imputable à une déception amoureuse ou à un épisode traumatique.




II. L’action des services judiciaires dans une disparition de mineur


Critères d’évaluation


Pour Denis Mottier, chef d’escadron de la section prévention de la délinquance, bureau de la sécurité publique à la direction générale de la gendarmerie nationale, il existe un paradoxe. Les forces de sécurité de l’État et les pouvoirs publics ne font pas assez peur à une certaine partie de la population qui cherche à nuire, et fait simultanément trop peur à une autre partie de la population, les enfants et leur famille, qui ne vient dans les commissariats et brigades signaler ce qui doit l’être. Heureusement, les associations forment l’interface qui permet à la fois de toucher cette population et de comprendre ses problèmes.


Tout le monde parle de fugue. Les services de police, de gendarmerie et la justice parlent de disparitions inquiétantes. Au sens des policiers, un mineur en fugue a quitté son lieu de vie habituel, domicile ou institutions, et s’est soustrait à l’autorité de la ou des personnes qui en ont la garde. Si les services de sécurité de l’État et la justice parlent de « disparition inquiétante » c’est parce qu’elle correspond à une disposition d’un article du Code de procédure pénale. Quoi qu’il en soit, toute disparition de mineur ou fugue est considérée comme inquiétante par nature.


L’évènement qui enclenche l’évaluation des critères de la fugue est l’alerte disparition. Les premiers éléments collectés dans son cadre permettent d’orienter immédiatement les recherches et les actions réalisées par les forces de sécurité. Elle découle d’un appel au 17 de la part d’un tiers ou d’une association.


Les renseignements utiles à l’enquête et à l’initiation de toute la procédure de recherche sont une description vestimentaire, la connaissance des lieux habituellement fréquentés, des amis, petits amis, de la famille, de l’école. Le facteur temps compte. La réussite ou non de la mission repose au départ sur les informations rassemblées. Les forces de sécurité envisagent toujours le pire dans le cadre des recherches pour disparition inquiétante. Elles engagent énormément de moyens et livrent un combat contre la montre.


Le travail judiciaire commence par une audition de l’adulte ou de la personne qui signale la disparition. La première phase de l’alerte se concrétise par une patrouille sur le terrain et une diffusion de l’ensemble des éléments descriptifs recensés (message sms, photo, explication de la situation…). Ensuite, l’opération se déroule par cercles concentriques depuis le dernier lieu où est apparu le mineur. Le périmètre s’étend en fonction du temps et des éléments nouveaux découverts. Le parquet est informé des mesures prises sous l’autorité du substitut du procureur.


Chaque cas est unique. Les facteurs à considérer sont nombreux et complexes. L’âge en fait partie. Un enfant de 5 ans et un adolescent de plus de 17 ans multirécidiviste ne se comporte, pas de la même façon pendant leur fugue. L’enfant de 5 ans ne va pas faire 10 km au même rythme qu’un adolescent de 17 ans, il ne va pas pouvoir utiliser de moyens, ni prendre en compte l’environnement de la même manière, etc.


Un enquêteur a des réflexes différents suivant la situation. Pour un enfant de 5 ans, il va tout de suite se concentrer sur les points d’eau, les endroits de chute possible, ceux où il a pu s’égarer. Il va réfléchir aux possibilités d’enlèvement.


Il va aussi se renseigner et voir si le mineur a été placé, si des éléments déclencheurs (dispute avec les parents, déception amoureuse, violences…) ont précédé le départ. Il faut également s’intéresser à la maladie, la prise de médicaments, la dépression, le handicap, les difficultés d’expression et éventuellement se tourner vers les associations. Par exemple, un enfant atteint d’autisme peut être impressionné par l’uniforme. Une association améliorera la prise de contact avec la victime ou sa famille.


Jour/nuit, été/hiver, l’environnement, les conditions et l’heure de la disparition comptent. C’est parfois une question de survie notamment à la campagne ou à la montagne.


On le voit, les critères d’évaluation conditionnent les moyens et l’ensemble du dispositif alloués à la recherche. Toute affaire de disparition inquiétante donne des pouvoirs colossaux aux enquêteurs qui sont enrichis de moyens humains et techniques énormes. Protéger les enfants est une mission prioritaire.


La gestion de l’information n’est pas à négliger non plus. Hors des services de sécurité, se trouve un écosystème, la famille de la victime, qu’il faut rassurer. Un échange régulier est instauré avec l’adulte qui a signalé la fugue afin de revenir sur les éléments utiles. Au-delà du rôle judiciaire et d’investigation, la gendarmerie/police accueille et accompagne les proches. Dans ce registre, le lien et la coordination avec l’ensemble du tissu associatif est primordial. Les familles sont aiguillées vers le « 116 000 » pour la prise en compte de la partie pédagogique et psychologique pendant tout le déroulement des recherches.


Les fugues constituent un espace de mise en danger au carrefour de nombre de problématiques de la société : alcool, prostitution, drogue, radicalisation, délinquance, etc. Les forces de sécurité de l’État, police, gendarmerie, justice, traitent ces sujets avec l’appui des associations. Les fugues ne sont jamais anodines et finissent quelque fois dramatiquement. Pour le chef d’escadron, elles apparaissent comme « un cri exprimant une souffrance».


Le parquet


Le parquet des mineurs assume un rôle de direction d’enquêtes pénales avec les services de police et de gendarmerie, et un rôle de protection de l’enfance (assistance éducative). Pauline Biais, substitut du procureur de la République, DIFAJE (Division de la famille et de la jeunesse) du tribunal de grande instance de Bobigny explique : « La nuit dernière, le TGI de Bobigny a reçu huit appels pour des disparitions inquiétantes. Le parquet de Bobigny applique une politique pénale précise qui distingue les disparitions inquiétantes et les fugues “simples”. La quantité de mineurs en errance sur le 93 et le peu de moyens disponibles au niveau de la justice et des services de police imposent de prioriser certains cas de disparition. Sur les huit appels, quatre correspondaient à des disparitions inquiétantes impliquant des enfants de moins de 14 ans.


La priorisation tient compte de l’âge du mineur, de ses récidives, de son état de santé, du risque suicidaire, de sa personnalité… et amène à spécifier la fugue comme “simple” ou inquiétante. Dans le cas “simple”, il s’agit d’un fugueur habituel qui maintient un contact avec un adulte. Les services de police font un avis au bout de 24 heures de disparition. Dans les cas inquiétants, l’avis est immédiat. »


Certains actes d’enquête exigent d’être diligentés dans les plus brefs délais. Hormis les inscriptions aux fichiers et l’audition de la personne qui vient déclarer le mineur en fugue, le parquet dispose au besoin de pouvoirs plus intrusifs pendant huit jours, notamment afin de déterminer les causes de la disparition : perquisition, fouille de la chambre de l’adolescent, intervention de la brigade canine, réquisitions téléphoniques, géolocalisation, surveillance des objets traçables.


Plus tard, le retour de fugue donne nécessairement lieu à une audition du mineur et de ses parents civilement responsables. Elle permet d’entendre ce qu’il s’est passé pendant la fugue, si des infractions ont été commises ou subies.


À cette occasion, le fugueur peut dénoncer des abus dont il a été victime pendant son errance ou avant, ayant entraîné sa fuite. Si c’est le cas, le parquet ouvre une procédure incidente. Suite aux éléments révélés par l’audition, le magistrat peut demander à la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) une évaluation de l’environnement de l’enfant ou communiquer la procédure au juge des enfants s’il est déjà saisi. Il est également possible de se tourner vers le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) qui coordonne des groupes de suivi de mineurs. C’est un levier utile pour essayer de raccrocher un élève dé-scolarisé fugueur à un projet avec les associations de quartiers ou les animateurs de la mairie.


Prévenir les fugues semble encore assez compliqué. Pourtant, les personnes civilement responsables déclarent a posteriori qu’elles avaient remarqué tel élément inquiétant ou bien le proviseur réalise que cela fait deux semaines que l’enfant ne fréquente plus son établissement. Pour la substitut, les adultes « loupent » trop de choses, trop souvent. « Le surveillant qui voit une jeune fille arriver tous les matins avec un nouveau sac à main depuis deux semaines, déposée par un inconnu dans une super voiture devrait réagir. Sans parler de délation, un signalement de ce type d’indices à la CRIP ou aux services de police est important. Notre système de repérage mériterait de s’améliorer. »


Souvent un retour de fugue fournit les premiers éléments qui démontrent que l’adolescent se prostitue. L’individu affirme être à son compte, gérer seul et se trouver très bien ainsi. En général, la personne fugue à nouveau. Face à ce cercle vicieux, le parquet de Bobigny, comme celui de Paris, organise, avec des associations, un protocole d’éloignement, semble-t-il prometteur.


 


La protection judiciaire de la jeunesse (PJJ)


La PJJ a pour mission principale l’action éducative dans un cadre pénal. Elle éduque, protège et insère le mineur en conflit avec la loi dans un objectif de lutte contre la récidive et d’inclusion durable dans la société. Elle aide également à la décision les magistrats de la jeunesse grâce à son action d’investigation et de propositions éducatives. Enfin, elle conçoit les normes et les cadres d’organisation de la justice des mineurs, y compris en protection de l’enfance. La prise en charge des mineurs délinquants se situe dans le champ de la protection de l’enfance. Elle englobe un public de 13 à 21 ans et est assurée par des établissements, des services du secteur public et du secteur associatif habilité.


La protection judiciaire de la jeunesse met en œuvre des décisions judiciaires qui lui sont confiées pour 53 % des cas dans le cadre de mesures de milieux ouverts, pour 4 % dans celui de mesures de placement, pour 43 % dans celui de mesures d’investigation. En 2017, plus de 140  000 jeunes étaient suivis annuellement, dont 85 000 au pénal.


La PJJ a développé une note nationale d’instruction disponible au Bulletin officiel du ministère de la Justice en date du 4 mai 2015. Elle s’applique en matière d’absence non autorisée d’un mineur placé dans un établissement du secteur public ou du secteur associatif habilité. La fugue, sans définition précise, nous renvoie à l’idée principale de mise en danger du jeune. Or, dans le cadre pénal, des contraintes et des conséquences jouent. Elles ont des effets instantanés qui pèsent sur la poursuite d’un parcours judiciaire. La notion d’absence non autorisée a été développée pour les mesures de placement. Les enjeux de l’absence non autorisée sont différents en fonction de la situation judiciaire du mineur. Celle-ci varie du non-respect des horaires d’entrée-sortie d’un établissement de placement à l’évasion, dans le cas d’un aménagement de peine. La note vise à développer des pratiques professionnelles qui tiennent compte de la situation spécifique du jeune et du sens de son passage à l’acte.


Concernant la prévention, la PJJ, inspirée par les principes de la charte d’Ottawa, estime que la santé et le bien-être sont des facteurs de réussite dans la prise en charge éducative. Elle place ses sujets au cœur de ses actions et invite chaque professionnel à s’intéresser à l’impact de l’environnement du jeune sur son bien-être. L’absence non autorisée doit être interrogée par rapport aux organisations et aux besoins singuliers de chaque jeune accueilli. Le développement de la protection passe par la lutte contre les maltraitances en institution. Les modalités de prise en charge doivent être adaptées aux spécificités individuelles. La majorité des adolescents accueillis sont des garçons en conflit avec la loi, à la recherche d’autorité et qui ont un passé en protection de l’enfance. L’enjeu est de favoriser la mise en place d’un cadre institutionnel bien traitant, contenant, sécurisant, collectivement partagé par les professionnels et les jeunes.


Dans le régime général de l’absence non autorisée, que se passe-t-il  ? Pour commencer, sa constatation est signalée. Il est important que le cadre des horaires de l’établissement soit bien défini par son règlement. En effet, l’absence du mineur est considérée comme étant non autorisée dès lors que ce dernier sort de ce cadre horaire ou lorsque l’absence n’est pas prévue. Ensuite, le professionnel qui suit le jeune s’enquiert téléphoniquement auprès de lui du motif de son absence et maintient le lien. Les vérifications téléphoniques s’élargissent de façon pragmatique aux fréquentations de l’adolescent, aux éventuels problèmes de transport, etc. Techniquement, s’il n’y a pas de retour avant l’heure du dîner, la police ou la gendarmerie est prévenue. Une fiche synthétique du mineur avec sa photo, ses lieux habituels peut être transmise, accompagnée d’une évaluation de la situation formulée par l’adulte référent de l’établissement d’accueil. La dimension psychologique est totalement déterminante dans une fugue. Pour le retour, les agents recueillent la parole de l’enfant à chaud avant qu’il ne se referme sur lui-même.


 


 


C2M


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