La procureure générale de la cour d’appel de Paris a
annoncé faire de cet axe une de ses « priorités » pour l’année
à venir. En parallèle, la France a jusqu’au 21 mai 2026 pour transposer la
directive européenne relative à la protection de l’environnement par le droit
pénal, qui instaure des sanctions minimales et de nouvelles infractions.
La lutte contre la criminalité environnementale, bientôt
une priorité pour la cour d’appel de Paris ? C’est en tout cas ce qu’a
affirmé la procureure générale Suzanne Le Quéau, le 4 septembre dernier, dans
un entretien-bilan publié par le ministère de la Justice. Questionnée sur l’année
écoulée et sur les objectifs de l’année à venir, la magistrate a indiqué que le
sujet faisait partie des deux contentieux, avec la criminalité organisée, qui lui
« tiennent à cœur ».
De quoi « réjoui[r] fortement » l’Association
Française des Magistrats pour la Justice Environnementale (AFMJE) qui a indiqué, dans
un communiqué de presse du 12 septembre, « prendre acte » de
cette déclaration. Le réseau, par l’intermédiaire de son président, le
magistrat Jean-Philippe Rivaud, l’assure : les « évolutions de la
criminalité et les enjeux relatifs à la protection de l’environnement » constituent
« l’un des plus grands enjeux du monde contemporain ».
« Les trafics en matière environnementale sont animés
par des réseaux relevant de la criminalité organisée, dont certains de type mafieux,
qui financent les groupes de combats armés, dont le terrorisme. Cette
criminalité de haut spectre porte donc une atteinte très grave à la situation
sécuritaire, à l’ordre public environnemental, mais aussi économique et
financier, puisqu’elle induit des schémas de corruption et de blanchiment
d’argent corrélatifs », pointe notamment l’AFMJE.
En passant au rang des urgences, la lutte contre ces
activités illégales qui portent atteinte à l’environnement dans l’intérêt d’individus
ou d’entreprises (commerce illégal d'espèces, déversement de substances toxiques, etc.) pourra ainsi être « décliné[e] à l’échelle de la
compétence territoriale élargie du parquet de Paris, rattaché à la Juridiction nationale
de lutte contre la criminalité organisée», souligne-t-elle par ailleurs. Créée
en 2020, la Junalco traite plusieurs dizaines de dossiers complexes de très
haute criminalité organisée.
La criminalité environnementale croît de 5 à 7 % par an
D’après des estimations d’Interpol et du Programme des
Nations Unies pour l'environnement, la criminalité environnementale, qui enregistre
une croissance comprise entre 5 et 7 % par an, serait la quatrième
activité criminelle la plus importante au niveau mondial, après le trafic de
stupéfiants, le trafic d’armes et la traite des êtres humains. Elle rapporterait même entre 110 et 281
milliards de dollars par an.
En France, alors que le contentieux de l’environnement oscillait,
en 2019, entre 0,5 % et 1 % des affaires traitées par les juridictions pénales,
selon une étude d’impact de l’Inspection générale de la justice, la loi du 24
décembre 2020 avait permis la création, dans le ressort de chaque cour d’appel,
d’un pôle régional spécialisé en matière d’atteintes à l’environnement attaché
à un tribunal judiciaire. Des pôles toutefois à la peine aujourd’hui, par
manque de moyens et de magistrats entièrement affectés à l’étude de ces
dossiers, comme le relatait un article de franceinfo paru en novembre
dernier.
Reste que la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 a durci les sanctions pénales en cas d'atteinte à l'environnement et
créé trois nouveaux délits : un délit de mise en danger de l’environnement, un
délit de pollution des milieux et un délit d'écocide pour les cas les plus
graves. Par ailleurs, un plan d’action conjoint 2022 – 2026 dans le domaine de
la lutte contre la criminalité environnementale entre la France et l’ONUDC a
été signé en février 2022. Mais face à des avancées jugées trop timides dans l’Hexagone
comme chez nos voisins, les législations sont progressivement amenées à être harmonisées
au niveau européen.
Le 11 avril dernier, le Parlement européen et le Conseil
de l’UE ont ainsi adopté la directive
n°2024/1203 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal.
Destinée à remplacer celle de 2008, elle instaure des sanctions minimales, mais
aussi des amendes dont le montant est proportionné à la gravité du comportement
et à la situation financière de la personne morale concernée. Son article 3 institue
quant à lui un socle minimal de 20 infractions (contre neuf auparavant) que les
États membres de l’UE devront intégrer dans leur arsenal juridique, parmi
lesquelles le rejet illégal de substances polluantes par les navires ou encore
la production, l’exploitation et le rejet de gaz à effet de serre fluorés.
Le texte, qui loupe cependant le coche de l’intégration
du crime d’écocide - très attendu par un certain nombre d’observateurs -, devra
être transposé en droit interne d’ici le 21 mai 2026. L'élaboration d'une « stratégie nationale de
lutte contre les infractions pénales environnementales » qu'il met à la charge des États pourra quant à elle attendre jusqu'au 21
mai 2027.
Bérengère
Margaritelli