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La mer, patrimoine commun en danger

La mer, patrimoine commun en danger
Publié le 18/05/2022 à 17:21

« L’eau fait partie du patrimoine commun de la Nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général. » C’est ce qu’affirme l’article L. 210-1 du Code de l’environnement, qui ajoute que « les écosystèmes aquatiques et les écosystèmes marins constituent des éléments essentiels du patrimoine de la Nation ».

Les océans sont donc indéniablement « des espaces contestés et des biens communs en danger ». C’est d’ailleurs ce qu’a rappelé le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, lors du « One Ocean Summit », qui s’est tenu à Brest du 9 au 11 février derniers, réunissant une quarantaine de chefs d’État et de gouvernement.

À cette occasion, les différents participants ont fait part de leur détermination à préserver les océans en contribuant aux « Engagements de Brest pour l’Océan », aux côtés du secrétaire général de lOrganisation des Nations unies, de la directrice générale de l’UNESCO et du secrétaire général de l’Organisation maritime internationale.

Si la question de la pollution de l’eau n’est malheureusement pas nouvelle, qu’il s’agisse de la pollution de puits, de retenues d’eau, de rivières ou de la mer, et que ces pollutions soient chimiques, du fait de métaux lourds ou du plastique, il n’en demeure pas moins qu’elle reste actuelle, et qu’elle alerte plus que jamais.

 

 

La pollution chimique de la mer : 50 ans de pollutions

Comme le souligne un rapport d’avril 2021 sur les polluants aquatiques dans les océans et les pêcheries, « les polluants chimiques ont un impact sur les chaînes alimentaires océaniques et aquatiques depuis des décennies et les conséquences s’aggravent. La littérature scientifique documente la pollution d’origine humaine dans les écosystèmes aquatiques depuis les années 1970. Selon les estimations jusqu’à 80 % de la pollution chimique marine provient de la terre ferme et la situation s’aggrave. La gestion des sources ponctuelle de polluants n’a pas réussi à protéger les écosystèmes aquatiques contre les sources diffuses partout dans le monde. L’aquaculture atteint également ses limites en raison de l’impact des polluants, l’intensification entraînant déjà une détérioration dans certaines zones et les contaminants1. »

 

 

Le mercure

A titre dillustrationle mercure, qui pollue largement mers et océans, provient essentiellement des rejets de l’industrie (exploitation minière, combustion de déchets…) et se retrouve, dans le milieu aquatique, essentiellement sous la forme de méthylmercure, contaminant certains poissons, principalement la dorade, l’espadon, le marlin, le grenadier, le bar, le requin et le thon.

Et Lars-Eric Heimbürger-Boavidachercheur CNRS à l’Institut méditerranéen d’océanologie à Aix-Marseille-Université, d’en conclure que « Nous sommes tous exposés au mercure lorsque nous consommons du poisson, qui est pourtant une bonne source de protéines et d’acides gras (…) C’est une réelle préoccupation de santé publique ! »

Sur le plan international, la Convention de Minamata sur le mercure (2013) a pour objectif « non seulement d’améliorer la santé des populations dans le monde entier, mais aussi d’accélérer le passage à une économie plus juste et plus verte. Les populations peuvent bénéficier de technologies qui offrent des solutions performantes et plus sûres leur permettant de bâtir un avenir stable et durable. » Dès lors, elle vise à « protéger la santé humaine et l’environnement contre les émissions et rejets anthropiques de mercure et de composés du mercure. »

Sur le plan européen, le règlement du 17 mai 2017 relatif au mercure rappelle bien quant à lui que « (…) le mercure est une substance très toxique qui représente une menace majeure à l’échelle mondiale pour la santé humaine, notamment sous la forme de méthylmercure présent dans le poisson et les fruits de mer, les écosystèmes et la faune et la flore sauvages. En raison de la nature transfrontière de la pollution due au mercure, 40 % à 80 % des dépôts totaux de mercure dans l’Union proviennent de l’extérieur de ses frontières. Une action est dès lors justifiée à l’échelon local, régional, national et international2. » Partant, ce règlement a notamment pour vocation de fixer les mesures et conditions applicables à lutilisation, au stockage et au commerce du mercure, des composés du mercure et des mélanges à base de mercure, ainsi qu'à la fabrication, à lutilisation et au commerce des produits contenant du mercure ajouté et à la gestion des déchets de mercure afin de garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et de lenvironnement contre les émissions et rejets anthropiques de mercure et de composés du mercure.

Au-delà de la pollution au mercure, force est de constater que l’agriculture intensive et les produits ménagers détergents sont également des sources de pollution maritime à part entière, qui ne peuvent qu’inviter ardemment à repenser les modes de consommation.

 

 

L’agriculture intensive, facteur indéniable de pollution de l’eau et de la mer

L’agriculture intensive est en effet une des causes majeures de pollution de la mer, essentiellement (mais pas uniquement) du fait des nitrates ou des pesticides.

 

 

Les nitrates

Sur le plan européen, et depuis le 12 décembre 1991, la directive dite « nitrates3 » est venue organiser la protection des eaux contre la pollution par les nitrates sur les milieux naturels, fixant deux objectifs principaux qui sont la réduction de la pollution des eaux par les nitrates et la prévention de lextension des zones de pollutionSur ce fondement, les États membres doivent notamment :

• désigner des zones vulnérables ;

• établir des programmes dactions obligatoires pour ces zones et en assurer un suivi effectif  ;

• effectuer un suivi de la concentration de nitrates dans les eaux douces et les eaux de surface au sein de stations de prélèvement  ;

• établir, tous les quatre ans, un rapport circonstancié sur la mise en œuvre de la directive  ;

• accompagner les agriculteurs en leur donnant accès à des formations et à des informations, en leur proposant un guide des bonnes pratiques.

La Commission européenne fournit un rapport tous les quatre ans sur la base des informations nationales quelle reçoit ; le dernier rapport date de 2018.

Dans ce document, au titre de l’introduction, la Commission rappelait notamment que : « (…) La directive sur les nitrates contribue à remédier au phénomène des flux d’azote et de phosphore dans la biosphère et les océans, qui a été défini par la communauté scientifique comme constituant l’une des neuf limites planétaires. En outre, les flux de ces éléments nutritifs conjugués à la perte de biodiversité sont deux limites planétaires qui ont déjà été franchies. »

L’enjeu est donc majeur. Partant, les États membres doivent notamment désigner des zones vulnérables. Et sur ce point, le dernier rapport relève notamment que la France n’a pas joué le jeu et qu’une procédure d’infraction a été engagée contre la France et contre sept autres pays.

La Commission conclut notamment que « Les données sur les concentrations de nitrates montrent que la qualité des eaux douces et souterraines s’est légèrement améliorée en 2012-2015 par rapport à la période de référence précédente (2008-2011). Dans le même temps, la situation varie au sein du territoire de l’Union : pour certains États membres, les programmes d’action donnent de bons résultats et pour d’autres, des mesures supplémentaires visant à réduire et prévenir la pollution sont nécessaires. Globalement et malgré certaines avancées, la surcharge en éléments nutritifs d’origine agricole représente encore l’une des pressions les plus importantes sur le milieu aquatique.

Il convient d’y remédier afin d’atteindre le bon statut écologique des eaux, tel qu’établi par la directive-cadre sur l’eau. Tout comme pour la période de référence précédente, aucune conclusion ne peut être tirée quant à l’évolution de l’état trophique en raison du manque de données et des différences dans les méthodologies appliquées par les États membres pour évaluer l’eutrophisation. La Commission estime que l’utilisation d’une méthodologie commune pour évaluer l’eutrophisation serait nécessaire pour une application plus harmonisée de la législation sur l’eau. Il est toutefois possible de conclure que les problèmes de l’eutrophisation subsistent dans de nombreuses régions, notamment dans la mer Baltique », lieu de pêche incontournable, donnant lieu depuis plusieurs années à des réductions de pêche en vue de la reconstitution des stocks de poissons.







En droit interne, et non sans peine, la directive « nitrates » a été transposée en droit français. En 2012, la France a été condamnée une première fois pour mauvaise transposition de la directive. Comme indiqué plus haut, une autre procédure d’infraction a été diligentée contre la France. Décidemment, la France n’a pas toujours été un bon élève quand il s’agit de la protection de l’eau et des nitrates.

Pourtant, la question est malheureusement bien connue sur notre territoire, et notamment en Bretagne, qui reste la région de France la plus concernée par la problématique des nitrates, avec notamment 100 % de sa surface classée en zone vulnérable et huit baies particulièrement affectées par les algues vertes. D’après des informations publiques, communiquées par le préfet de la Région Bretagne, 90 % des nitrates recensés dans les « baies algues vertes » étaient d’origine agricole.

Ces données expliquent très certainement le rapport extrêmement critique rendu l’été dernier par la Cour des comptes sur le phénomène des algues vertes en Bretagne, allant jusqu’à pointer un impact « limité » de la politique menée par les acteurs publics pour lutter contre leur prolifération.

Et la Cour des comptes d’en conclure notamment que « l’évaluation de la politique publique de lutte contre la prolifération des algues vertes montre combien cette politique, axée sur la prévention des fuites d’azote d’origine agricole, a besoin de temps et de constance dans les actions menées. Or, les plans déployés depuis dix ans ont trop souvent manqué d’une telle continuité. Il est donc nécessaire de tout faire pour donner de la stabilité et de la visibilité aux exploitants agricoles ainsi qu’aux élus locaux et aux techniciens des maîtres d’ouvrage des baies, pour ne pas les démobiliser et tirer pleinement parti de leurs efforts sur le terrain. La réussite de cette politique dépend de cette mobilisation des acteurs, mais elle requiert de la part des responsables publics une action forte et déterminée pour mettre en œuvre les recommandations et les pistes d’action identifiées au terme de cette évaluation4. »

Pourtant, face à la dégradation de la qualité des eaux et à la prolifération d’algues vertes, tristement célèbres depuis le décès d’un employé de la société Nicol Environnement qui, le jour de son décès, avait transporté plusieurs dizaines de tonnes d’algues vertes, et depuis que le tribunal administratif de Rennes a sanctionné l’État français pour ses carences dans la prévention et la lutte contre les algues vertes, le condamnant notamment à verser 556 509 euros à Saint-Brieuc Armor Agglomération, le même tribunal, se prononçant par une décision en date du 4 juin 2021, a laissé quatre mois au préfet de Bretagne pour prendre de nouvelles mesures réglementaires. C’est dans ce contexte qu’a été pris, le 18 novembre dernier (soit au-delà du délai de quatre mois laissé par le tribunal), un arrêté modificatif de l’arrêté du 2 août 2018 établissant le programme d’actions régional en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole.

Pour ce qui est de la Bretagne, le plan de lutte contre les algues vertes (PLAV) 2022-2027 est en préparation, et le 7e programme d’action régional « nitrates » (PAR7) mené par le préfet est en cours et couvrira la période 2022-2026. C’est dans ces conditions qu’une concertation s’est déroulée du 27 octobre au 10 décembre dernier, sous l’égide d’une garante désignée par la Commission nationale du débat public. Autant dire que ce 7e programme est extrêmement attendu, a fortiori eu égard au rapport accablant dressé par la Cour des comptes sur le sujet l’été dernier.

Sur le plan national, le programme d’actions national (PAN) nitrates est également en cours : il aurait été finalisé par le gouvernement et la prochaine étape devrait alors être la consultation du public.

Aussi et d’une manière générale, les pouvoirs publics français ont encore du travail pour mener une action cohérente et efficace en matière de pollution de l’eau (et de la mer) par les nitrates.

 



Lire aussi : Le droit face au développement des énergies marines renouvelables



 

Les pesticides

La question des pesticides, et particulièrement du glyphosate, fait l’objet de bien des débats depuis ces dernières années, aussi bien sur terre qu’en mer, et aussi bien en France qu’à l’échelle européenne et même mondiale.

En droit interne, la loi du 6 février 2014, modifiée par une loi du 22 juillet 2015 prévoyait, à compter du 1er janvier 2017, l’interdiction de l’usage des produits phytosanitaires par les personnes publiques (État, collectivités territoriales…), puis par les particuliers, à compter du 1er janvier 2019.

Toutefois, la réglementation demeurait incomplète en ce qu’elle n’interdisait pas l’utilisation de ces pesticides à d’autres catégories de personnes comme les entreprises de gestion des espaces verts qui continuent à utiliser des pesticides (traitement des cours et jardins de copropriétés, voies ferrées …). Concernant les agriculteurs, la réglementation demeurait lacunaire en ce qu’elle ne prévoyait pas de distances de sécurité suffisantes entre les zones d’épandages et les populations voisines, et que lorsque le gouvernement français s’est enfin décidé à prévoir des distances (ridicules) de sécurité, aucun contrôle ni aucune sanction n’étaient prévus. Autant dire qu’une mesure sans contrôle ni sanction n’en est évidemment pas une.

Désormais, un arrêté du 15 janvier 2021, qui s’appliquera au 1er juillet prochain, pose des mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques dans les propriétés privées, les lieux fréquentés par le public et dans les lieux à usage collectif. L’utilisation des pesticides sera désormais interdite dans de nombreux endroits jusqu’à maintenant oubliés par la réglementation, et notamment les propriétés privées à usage d’habitation, y compris leurs espaces extérieurs et leurs espaces d’agrément, les hôtels et les auberges collectives, les parcs d’attraction, ou encore les aérodromes, à l’exception des zones sur lesquelles le traitement est nécessaire pour des motifs de sécurité aéronautique ou de sûreté aéroportuaire (on ne perçoit pas ici en quoi un autre mode de traitement de ces zones ne pourrait pas être utilisé…).

Et si l’on peine à réglementer la question de l’utilisation des pesticides, notamment par les agriculteurs, la cacophonie est tout à fait similaire sur l’épineuse question de l’autorisation de mise sur le marché de tels produits.

En effet, si les autorités françaises s’entêtent à autoriser la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques dont la dangerosité justifiait pourtant de mener en amont différentes études actuellement inexistantes, le juge administratif s’est quant à lui emparé du problème. Malgré tout et à la lumière du principe de précaution, en 2019, le juge administratif a annulé les autorisations de mise sur le marché français des produits phytopharmaceutiques « Transform » et  « Closer » en prenant le soin de rappeler la jurisprudence européenne en matière dapplication du principe de précaution5. Car en effet, dès qu’il demeure un doute sur la toxicité d’un produit, alors le principe de précaution commande d’en suspendre a minima l’utilisation et l’autorisation de mise sur le marché.

Sauf que pour ce qui concerne les pesticides, en réalité, nous ne sommes plus sur le terrain du doute. La toxicité et ses effets néfastes sur l’environnement et sur la santé sont avérés.

Une étude de 2021 réalisée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), établissement public à caractère scientifique et technologique français spécialisé dans la recherche médicale, intitulée « Pesticides et effets sur la santé », affirme : « Le glyphosate et son métabolite l’AMPA sont des contaminants retrouvés dans les produits alimentaires, des produits agricoles bruts ou des produits transformés. » Cette étude  ne manque pas de relever les risques sanitaires potentiellement associés à lexposition professionnelle ou environnementale au glyphosate dont le lymphome non-hodgkinien ou le lymphome de Hodgkin, les dommages génotoxiques, les pathologies respiratoires, laugmentation du risque dhypothyroïdie retenue chez les hommes applicateurs de pesticides, et bien dautres.

Pour autant, les réglementations ne sont pas suffisantes et les modes de consommation, justifiant une agriculture intensive, doivent urgemment être repensés, pour préserver certes l’environnement et les ressources, mais également pour assurer un droit à la santé pour tous.

Or, terre et mer sont polluées de ces substances dont on peine à se défaire. Car nous le savons depuis longtemps, « (…) du fait de l’emploi généralisé des pesticides, la plupart des populations humaines sont exposées de façon chronique à de faibles concentrations de ces substances par l’intermédiaire des aliments et de l’eau6. » Mais se pose alors plusieurs questions, et notamment : quid de la contamination de la pêche par ces pesticides, ou encore quid de la qualité des eaux de baignade ? Il semble évident que sur ce point, la réglementation doit évoluer et que des surveillances de la qualité des eaux de mer et de baignade doivent être organisées.

 

 

Pollution et produits ménagers

L’agriculture intensive n’est pas la seule source de pollution maritime. L’utilisation de produits ménagers (chimiques) est également une source de pollution des mers et océans.

Il arrive parfois, à la mer, d’apercevoir à la surface de l’eau une mousse de couleur marron, ressemblant à de l’écume, mais étant tout à fait autre chose : il s’agirait d’une substance contenant des tensioactifs, des agents dégraissants qui proviendraient des produits ménagers.

Plus précisément, et d’après l’ADEME, la moitié des phosphates rejetés dans les eaux françaises proviennent des produits d’entretien, favorisant la prolifération d’algues, réelle menace pour la biodiversité aquatique.

C’est dans ce contexte de développement des produits ménagers et de leur impact sur l’environnement au sens large, et dans la mer en particulier, qu’un ensemble de dispositions ont été prises au niveau européen et notamment le règlement (UE) n° 259/2012 relatif à l’utilisation de phosphates et d’autres composés du phosphore dans les détergents textiles et les détergents pour lave-vaisselle, le règlement (UE) n° 528/2012 relatif aux produits biocides, ou encore la directive 2001/95/CE relative à la sécurité générale des produits.

Cependant, la réglementation n’est pas encore suffisante, et surtout, comme pour les pesticides, la question est celle de l’autorisation de mise sur le marché de tels produits. En France, et selon les chiffres du ministère de la Transition écologique, les Français achètent plus d’un milliard de produits ménagers par an. Un chiffre d’autant plus hallucinant que les consommateurs ne savent même pas réellement ce qu’ils achètent, ni le degré de toxicité des produits manipulés et rejetés dans l’eau ou dans l’air.

Nul doute que l’utilisation des produits d’entretien est à encadrer encore davantage afin d’en limiter l’impact dans l’air et dans la mer, et que les méthodes d’entretien sont à repenser urgemment.

 

 

La pollution marine aux hydrocarbures : le fléau des marées noires

Les effets d’une pollution aux hydrocarbures sur le milieu marin sont à la fois physiques (étouffement des habitats et engluements) et toxiques (contamination chimique). Même si la gravité de la contamination est soumise à des variables (types d’hydrocarbures concernés, météo, lieu), la faune et la flore en sont indéniablement affectées.

Une distinction est à opérer selon qu’il s’agit d’une pollution aux hydrocarbures lourds, dont les conséquences avant tout physiques entraînent un étouffement des organismes, ou d’une pollution aux hydrocarbures légers, pouvant également être toxiques pour les écosystèmes7.

Ce sont chaque année près de 350 000 tonnes d’hydrocarbures qui sont déversés dans les mers, en plus d’1,5 million de tonnes de produits pétroliers8. Nous avons tous en tête des photos de plages polluées d’huile noire et d’animaux marins échoués. De même, les noms « Amoco Cadiz », « Torrey Canyon » ou encore « Erika », pour ne citer qu’eux, nous sont familiers. Ils correspondent effectivement à des affaires environnementales de pollutions marines aux hydrocarbures particulièrement complexes qui ont permis un renforcement du droit de l’environnement aux fins de réprimer efficacement ces atteintes.

L’affaire de l’Amoco Cadiz renvoie à la marée noire la plus importante connue par la Bretagne9. L’échouage du navire pétrolier libérien sur les côtes bretonnes a eu lieu le 16 mars 1978. La marée noire qui en a résulté a touché près de 400 kilomètres de côtes. À l’époque de l’affaire, il n’existait que la Convention de 1969 relative à la responsabilité civile pour les hydrocarbures. En outre, les voies judiciaires envisageables à l’époque n’offraient pas d’opportunité satisfaisante. Cette affaire a donné lieu à deux procès à Chicago, l’un en 1978, l’autre en 1992. Elle a marqué une grande victoire pour le droit de l’environnement, puisqu’elle a été la seule à aboutir et a institué la responsabilité personnelle des dirigeants sociaux poursuivis pour des infractions environnementales.








Le déversement et la pollution par hydrocarbures sont sanctionnés par des normes internationales, européennes, nationales et régionales. Le droit pénal réprimant la pollution par hydrocarbures s’est développé au gré des catastrophes pétrolières. D’ailleurs, la pollution par hydrocarbures a été la première à faire l’objet d’une réglementation internationale prévoyant des sanctions pénales. Le droit national réprime aussi bien le rejet intentionnel que non-intentionnel d’hydrocarbures en mer. Diverses conventions, sans qu’il soit possible de les lister de façon exhaustive10, prévoient en outre les mesures pouvant être prises en cas d’atteinte :

 la Convention internationale sur l’intervention en haute mer en cas d’accident entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures de 1969 permet aux États parties de prendre toute mesure nécessaire pour prévenir, atténuer, ou éliminer les dangers graves de pollution par hydrocarbures ;

• la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (Marpol) de 1973 vise toute pollution causée par les navires, que cela provienne de produits chimiques, d’hydrocarbures ou de déchets, prévoyant entre autres une réduction significative des quantités d’hydrocarbures pouvant être rejetées à la mer par des navires et allant jusqu’à interdire les rejets dans certaines zones ;

• la Convention de Barcelone pour la protection de la Méditerranée de 1976 prévoit un mécanisme de coopération entre États pour réduire les dommages résultant d’une pollution en Méditerranée ;

• la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, dite convention de Montego Bay de 1982 confirme l’engagement des États à prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin par les navires.

Il convient également d’évoquer les trois « Paquets Erika » des 21 mars 2000, 6 décembre 2000 et 23 avril 2009, qui sont la conséquence directe de la catastrophe de l’Erika survenue le 12 décembre 1999. Le navire-citerne Erika battant pavillon maltais s’est échoué au sud de la pointe de Penmarch en Bretagne en raison d’une défaillance de sa structure, ce qui a occasionné une pollution marine dont la société Total a été reconnue coupable11. Cette affaire a également été l’occasion de reconnaître le préjudice écologique, et donc aboutir à un changement de la loi civile. Ces paquets ont créé une Agence européenne pour la sécurité maritime afin d’aider la Commission à élaborer une législation européenne relative à la sécurité maritime et la prévention de la pollution. À la suite du naufrage de l’Erika, des juridictions spécialisées ont été créées pour connaître des infractions en matière de pollution générée par des rejets de navires.

Le Code de l’environnement a, une première fois, été mis à jour par la loi n° 83-583 du 5 juillet 1983 réprimant la pollution par les navires. L’objectif était évidemment de sanctionner les infractions à la Convention Marpol. Cette loi a été abrogée, et depuis lors, la loi n° 2021-1308 du 8 octobre 2021 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances est venue compléter le Code de l’environnement.

Ainsi, la pollution des mers et des océans aux hydrocarbures est encadrée et réprimée par un arsenal de normes juridiques. Et le sujet concerne d’autant plus la France, qui, en plus de disposer de centaines de kilomètres de littoral, est une ouverture clé sur la Méditerranée. Chaque jour, des centaines de milliers de navires se croisent sur cette mer historique, qui demeure aujourd’hui une des voies maritimes les plus fréquentées du monde.

Créé le 11 décembre 1976, le Centre régional de lutte contre la pollution par les hydrocarbures (ROCC), devenu le Centre régional Méditerranéen pour l’intervention d’urgence contre la pollution marine accidentelle (REMPEC) depuis 1989, ne cesse de fonctionner. D’ailleurs, une Stratégie régionale pour la prévention et la lutte contre la pollution marine provenant des navires (2016-2021) a été adoptée en 2015. À titre d’illustration, si, comme nous l’avons vu plus avant, les rejets d’exploitation en mer par les navires sont réglementés, essentiellement en vertu de la Convention Marpol, de nombreux navires procèdent encore à des rejets illicites. Ils doivent être poursuivis et sanctionnés. Avec l’adoption du Protocole Prévention et situations critiques en 2002, le REMPEC s’ingénie à développer des systèmes de surveillance et de contrôle de la pollution marine dans la région. Il est bien évident que le fléau de la pollution maritime aux hydrocarbures ne sera significativement réduit que si les contrôles de rejets illicites se multiplient, que la technologie relative aux moyens de contrôle avance, et si des sanctions extrêmement dissuasives sont prévues (et appliquées).

 

 

La pollution plastique maritime : vers la multiplication des continents plastiques

La pollution plastique de nos océans est un véritable fléau d’une incroyable ampleur. Chaque année, ce sont environ 8 millions de tonnes de plastiques qui sont rejetées dans les eaux terrestres avant d’arriver, pour la grande majorité, dans les mers et les océans. Ce chiffre, révélé par la Fondation Ellen MacArthur, correspond à l’équivalent d’un camion poubelle déchargé en mer toutes les minutes12.

WWF a publié un rapport le 8 février 2022 relatif à l’impact de la pollution plastique en mer dans lequel elle affirme : « Cette contamination atteint toutes les parties des océans, de la surface aux grands fonds marins, des pôles aux côtes des îles les plus isolées, du plus petit plancton à la plus grosse baleine13. »  

Les plastiques à usage unique, interdits au sein de l’Union européenne par une directive en application depuis le 3 juillet 2021, représentent à eux seuls entre 60 et 95 % de la pollution marine14. Ces plastiques se dégradent ensuite lentement jusqu’à devenir des « nanoplastiques ». Par conséquent, même si plus aucun plastique n’arrivait dorénavant dans l’océan, la quantité de nanoplastiques continuerait à augmenter, et serait multipliée par deux d’ici à 2050. Or, loin de ce scénario « idéal », WWF prévoit que les déchets plastiques dans l’océan devraient être multipliés par quatre !

En outre, il convient de mettre un terme à une idée reçue : aucun plastique n’est parfaitement biodégradable. Le plastique reste dans l’océan pendant des centaines d’années. D’ici à 2040, le poids des déchets plastiques rejetés dans la mer sera équivalent au poids de 3 millions de baleines bleues, soit 600 millions de tonnes. Ainsi, les plastiques supplantent peu à peu les poissons dans les océans.

Afin d’agir contre cette pollution, le Parlement européen a adopté une résolution le 24 mars 2021 dans laquelle il appelle à adopter des mesures drastiques.

Les députés européens soulignent que les microplastiques et les nanoplastiques sont une menace tant pour la biodiversité que pour la santé humaine et le secteur de la pêche. Ils proposent différentes mesures, dont l’accélération du développement de l’économie circulaire, l’optimisation du recyclage des déchets marins et la suppression des emballages en polystyrène expansé.

Il s’agira de lutter contre le phénomène des « engins fantômes » perdus ou abandonnés en mer grâce à une cartographie. Il faut développer des navires de pêche respectueux de l’environnement.

Il est également nécessaire que les États membres adoptent la directive sur le marquage des engins de pêche de l’ONU. Le principe pollueur-payeur verra son application renforcée par la responsabilité élargie des producteurs : les coûts de collecte des filets perdus dans les océans seront supportés par les fabricants et non par les pêcheurs. Enfin, les députés européens appellent à améliorer la recherche scientifique autours des répercussions des déchets marins sur les écosystèmes.

Ainsi, nul ne peut fermer les yeux sur les conséquences désastreuses de cette accumulation de plastiques dans nos mers et nos océans. Cette pollution, en plus d’être responsable de la destruction des écosystèmes marins, a des conséquences sur la santé humaine car nous sommes également amenés à ingérer du plastique. Enfin, la pollution plastique représente un coût considérable, tant pour les collectivités qui ont la charge de nettoyer les plages, que pour le secteur de la pêche, fortement affecté lui aussi.

 


Les impacts sur la biodiversité et les écosystèmes marins

Environ 18 tonnes de plastique sont déversées chaque minute dans les mers et les océans. À l’heure actuelle, cela a déjà porté atteinte à près de 88 % des espèces marines15. De nombreuses photos ont circulé dans les médias pour nous alerter sur les conséquences de cette pollution plastique sur la faune marine. Le citoyen a donc pu voir, entre autres, des tortues avec des cotons-tiges dans le nez ou des baleines avec l’estomac rempli de plastique, et s’en émouvoir.

Aujourd’hui, nul ne peut dire qu’il ignore totalement l’impact direct des rejets plastiques sur la biodiversité : les étouffements, les gyres océaniques, les vagues de déchets arrivant sur les plages, ou encore les captures d’animaux marins dans les filets échoués au fond de l’eau. Ces captures par enchevêtrement ont été enregistrées chez plus de 270 espèces, tant des mammifères, que des oiseaux, des poissons ou encore des reptiles.

D’où que proviennent ces déchets, ils polluent les écosystèmes côtiers, comme les mangroves, les récifs coralliens et les herbiers, avant d’être emmenés au large. Selon les estimations, seul 1 % des déchets plastiques reste à la surface de l’eau. Les autres coulent et s’attaquent aux fonds marins. Ces déchets sont facilement déplacés par les courants océaniques, les marées et les vents, et ils se retrouvent partout : dans les sédiments, les colonnes d’eau et à la surface de l’eau.

Toutes les espèces sur Terre ont vu leur environnement naturel modifié par nos déchets, de la banquise Arctique à la fosse des Mariannes. Géographiquement, aucune zone ne semble avoir été totalement épargnée. La Méditerranée est par ailleurs tellement confrontée à cette pollution qu’elle a atteint ses limites de quantité absorbable. Qu’advient-il alors des déchets non absorbés ? Ils finissent, pour beaucoup, par être ingérés par les animaux. De nombreux tests scientifiques ont été réalisés à ce sujet. En 2021, sur 555 espèces testées, 386 avaient ingéré du plastique ! Les experts estiment que près de 90 % des oiseaux marins et 52 % des tortues, sans compter les poissons, seraient touchés. Cette ingestion de plastique peut évidemment bloquer le système digestif et provoquer la mort, mais également impacter la reproduction de la faune aquatique. Des études ont été réalisées au sujet des mollusques filtrant l’eau de mer pour se nourrir, et ont établi que l’ingestion de plastique pouvait causer de grandes modifications biologiques de l’animal. Ainsi, les capacités reproductives sont elles aussi affectées.

Ces déchets peuvent aussi être des vecteurs pour le développement des espèces marines envahissantes, ce qui affecte considérablement les écosystèmes. Les fragments de plastiques permettent à certaines espèces de s’accrocher pour être transportées au large. Elles prennent ensuite la place des espèces déjà présentes et se reproduisent. Or, tout écosystème est fragile et l’introduction d’une nouvelle espèce présente un risque de déséquilibre et d’impact sur la faune marine. Cela a par exemple été observé avec une sorte d’araignée d’eau qui s’est reproduite à l’aide des déchets plastiques présents en surface.

Selon une étude16, une augmentation de la quantité de plastique en surface entrainerait immanquablement une explosion du nombre de ces araignées. Or, celles-ci se nourrissent d’œufs de poissons et de phytoplanctons.

Par conséquent, comme le résume Eirik Lindebjerg17, responsable du dossier plastique chez WWF, « nous atteignons un point de saturation pour les écosystèmes marins qui fait peser une menace non seulement sur des espèces données, mais affecte tout l’écosystème. (...) Ce que nous montrons dans ce rapport c’est qu’il y a une limite à la pollution que peuvent absorber nos écosystèmes. »

Mais la biodiversité marine n’est pas la seule victime de la pollution plastique, la santé humaine n’est pas épargnée.

 

 

Les impacts sur la santé humaine : nous mangeons ce que nous polluons

D’après une étude réalisée par l’université australienne de Newcastle18, un être humain ingèrerait jusqu’à 5 grammes de plastique par semaine, ce qui correspond à la quantité de plastique contenue dans une carte bancaire ! Ce rapport explicite les voies par lesquelles ce plastique pénètre notre organisme : par l’air que nous respirons, les aliments que nous mangeons et l’eau que nous buvons.

L’être humain est une victime de la pollution aux microplastiques, qui sont des particules de moins de 5 mm de diamètre. Les microplastiques primaires sont des plastiques libérés directement dans l’environnement sous la forme d’infimes particules. A contrario, les microplastiques secondaires proviennent de la dégradation des déchets plastiques plus imposants.

Ces microplastiques se trouvent partout. Différentes études mettent en évidence une liste de boissons et d’aliments contenant des particules de plastique : les fruits de mer, le sel, la bière et l’eau sont concernés. La contamination de l’organisme s’opère prioritairement par l’eau potable car du plastique se trouve dans toutes les eaux (du robinet ou en bouteille, souterraine ou de surface). Toutefois, toutes les régions du monde ne sont pas touchées à la même échelle par la contamination des eaux : l’eau américaine contient deux fois plus de particules plastiques que l’eau européenne19. Les fruits de mer représentent quant à eux jusqu’à 0,5 gramme de plastique par semaine. Concernant notre alimentation, WWF révèle qu’un cinquième des sardines en conserve et un tiers des cabillauds issus de la mer du Nord contiendraient des microplastiques.

Les microplastiques se trouvent aussi dans l’air que nous respirons, bien que cela soit presque négligeable en comparaison de ce que nous ingérons dans le cadre de notre alimentation. Toutefois, l’exposition aux microplastiques présents dans l’air varie en fonction du mode de vie et de la qualité de l’air local. Des microplastiques ont été trouvés par les scientifiques au sommet des Pyrénées et dans le sud de la France ; peu d’espaces échappent donc aux microplastiques20.

Les effets de l’ingestion de microplastiques sur la santé humaine ne sont pas encore connus avec précision, mais de nombreuses études sont consacrées à ce sujet. Cependant, nous savons déjà que l’inhalation de microplastiques peut inflammer les voies respiratoires. En outre, des tests réalisés in vitro ont démontré que cela présentait des risques pour les poumons, le cerveau et le foie21.

La présence des additifs et des pigments dans les résidus plastiques favoriserait le développement de cancers et aurait un impact sur la fertilité22. En outre, comme l’explique le rapport de WWF et de l’université de Newcastle, « les microplastiques en suspension dans l’air peuvent également transporter des polluants provenant du milieu environnant. En milieu urbain, ils peuvent transporter des HAP (molécules présentes dans le charbon et le goudron) et des métaux ».

Par conséquent, si l’on ne connait pas encore avec exactitudes les risques que ces ingestions et inhalation de plastiques représenteront pour la santé humaine, différentes études laissent à penser que cela n’est pas anodin et constituera dans les années à venir un véritable problème de santé publique.

Last but not least, la pollution marine occasionne des coûts très importants, tant pour les collectivités chargées de nettoyer les plages que pour le secteur de la pêche.

 

 

Les impacts sur l’économie

Dans beaucoup de situations, la prévention s’avère bien moins coûteuse que la réparation. La pollution plastique ne fait évidemment pas exception à la règle. Nettoyer les océans est une opération extrêmement coûteuse et délicate. Il serait bien moins cher d’agir en amont pour éviter un tel déversement de déchets dans la mer. Il conviendrait d’agir en développant les infrastructures de gestion de déchets car ce ne sont pas moins de 87 % des déchets mal gérés qui se retrouvent ensuite dans la nature.

Le coût de la pollution marine provoquée par les plastiques sur les écosystèmes, le tourisme et la pêche est évalué au minimum à 13 milliards de dollars chaque année selon l’ONU. Tout d’abord, cette pollution représente un coût écosystémique important. Des études ont souligné que la dégradation des écosystèmes marins par la pollution plastique représenterait un coût de 3 100 milliards de dollars. À titre de comparaison, le coût environnemental associé aux émissions de COreprésente environ 171 milliards de dollars23.

Ensuite, les finances des collectivités locales pâtissent largement de cette pollution. Le coût du nettoyage des incivilités sur les plages est conséquent et pèse lourdement sur le budget local toute l’année24. Frédéric Gerbier, directeur général des services de la commune de Valras-Plage, souligne que le nettoyage des plages de la commune, autrefois assuré par un service rattaché à la préfecture maritime, avec des engins départementaux, est désormais pris en charge par la commune en régie. Cela occasionne des coûts de carburants et de paiements des salaires des saisonniers qui s’en occupent, sans compter les coûts d’amortissement du matériel. À Saint-Jean de Luz se dresse le même constat : le nettoyage des 2 300 mde plages nécessite d’importantes dépenses de personnels et de matériels, notamment pour financer l’utilisation des bateaux permettant de récupérer les déchets en mer. Que le nettoyage soit assuré en régie par la collectivité ou délégué à une entreprise privée, cela engendre des surcoûts considérables.

C’est pourquoi, en plus d’évidentes préoccupations écologiques, une charte d’engagement intitulée « Plages sans déchet plastique, pour des communes littorales éco-exemplaires » a publié  par le ministère de la Transition écologique pour diminuer ces coûts. Constituée en 15 points, elle s’inscrit dans le cadre du projet zéro plastique pour 202525. René Heuzet, fondateur d’Un Océan de vie, affirme : « C’est une très bonne chose d’avoir mis en place cette charte. Cela montre une prise de conscience de la part des élus, et c’est déjà un bout de chemin parcouru. Il faut maintenant voir jusqu’où on peut aller. » Le texte charte se décompose en trois parties : l’une consacrée à la sensibilisation du public, une autre consacrée à la prévention, et une dernière consacrée au ramassage « raisonné » grâce à l’aide des citoyens. Les villes et communes signataires de cette charte bénéficieront du label « plage sans plastique ». Toutefois, il s’agit évidemment d’une charte non contraignante, ce qui en limite nécessairement la portée.

Le secteur de la pêche est également affecté : ce dernier perdrait entre 1 et 5 % de ses revenus à cause de la pollution des mers26. En effet, les pêcheurs remontent régulièrement, en plus du poisson, bon nombre de déchets plastiques dans leurs filets de pêches. Cela a nécessairement un impact sur leur activité.

La Méditerranée est encore une fois un bon exemple de ce que la pollution peut faire à ce secteur. En effet, 80 % de la pêche provient de la pêche artisanale effectuée le long des côtes. Or, la pollution, en plus d’autres facteurs, entraine une forte raréfaction des ressources en poisson.

Par conséquent, comme l’exprime parfaitement Pierre Cannet, Directeur du plaidoyer du WWF France : « La pollution plastique est en train d’étouffer nos océans. Ce sont 600 000 tonnes de déchets déversés chaque année en Méditerranée ! Et chaque kilo de plastique nous coûte aujourd’hui 10 fois plus cher à gérer qu’à fabriquer. Face à ce coût caché du plastique, il est urgent d’enrayer cette crise de la pollution plastique, pour la nature et pour la société. Or cette crise est encore hors des écrans radars de gouvernance27. »

Pour lutter contre ce fléau aux conséquences multiples, il faut mettre en place des politiques systémiques à échelle mondiale. Les réformes législatives isolées de chaque pays ne sont, semble-t-il, pas assez efficaces ; une action globale doit être pensée à échelle planétaire pour enrayer le phénomène et nettoyer nos mers et océans.

 


1) Matt Landos, Marianna Lloyd Smith et Joanna Immig, « Polluants aquatiques dans les océans et les pêcheries », avril 2021.

2) Règlement (UE) 2017/852 du parlement européen et du conseil du 17 mai 2017 relatif au mercure et abrogeant le règlement (CE) n° 1102/2008.

3) Directive 91/676/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles.

4) Rapport de la Cour des comptes et de la Chambre régionale des comptes, « Évaluation de la politique publique de lutte contre la prolifération des algues vertes en bretagne (2010-2019) », juillet 2021.

5) TA Nice, 29 novembre 2019, n° 1704687, 1704689, 1705145 et 1705146, Association Générations Futures et autres.

6) Les pesticides dans les milieux marins tropicaux : tableau de la situation, F.P. Carvalho et R.J. Hance, AIEA BULLETIN, 2/1993.

7) Les effets des pollutions aux hydrocarbures sur l’environnement marin, Eurosorb, 27 août 2018.

8) La pollution des océans, sur www.conservation-nature.fr

9) Nos batailles pour l’environnement, 50 procès, 50 ans de combats, Corinne Lepage et Christian Huglo, Actes Sud, 2021.

10) Pollution marine par hydrocarbures, fasc. 1148, Henri R. Najjar, 3 juillet 2018.

11) CA de Paris, 30 mars 2010, 08/02278 – Cour de cassation, chambre criminelle, 25 septembre 2012, Commune de Batz-sur-Mer et autres contre Total, 10-82 938.

12) Voir Contre le plastique en mer, sur www.gouvernement.fr

13) Impacts of plastic pollution in the oceans on marine species, biodiversity and ecosystems, WWF, 8 février 2022.

14) Reporterre, Les océans étouffent sous le plastique, par Gaspard d’Allens, 9 février 2022.

15) Ibid.

16) Étude Goldstein et collaborateurs, 2012, Biology letters.

17) Pour le WWF, il faut s’attaquer d’urgence à la pollution plastique marine, France Info, 8 février 2022.

18) WWF avec l’université de Newcastle, De la nature aux humains : jusqu’où iront les plastiques ? Revue des études existantes sur l’ingestion de plastique par les humains, 2019.

19) Mary Kosuth, Sherri A. Mason, Elizabeth V. Wattenberg, Anthropogenic contamination of tap water, beer, and sea salt, 2018?(https://journals. plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal. pone.0194970). Re´sultats base´s sur 159?e´chantillons contenant des microplastiques d’une taille > 100?um. 

20) S. Allen et al, Atmospheric transport and deposition of microplastics in a remote mountain catchment, Nature Geoscience, 2019.

21) GESAMP. Sources, fate and effects of microplastics in the marine environment: part two of a global assessment. Joint Group of Experts on the Scientific Aspects of Marine Environmental Protection, 2015.

22) Melzer, David, et al, Association of urinary bisphenol a concentration with heart disease : evidence from NHANES 2003/06, PloS one 5.1, 2010.

23) Les coûts environnementaux des plastiques dépassent largement leur valeur marchande, selon le WWF, Philippe Collet, Actu-environnement, 8 septembre 2021.

24) Sur la plage, la lourde facture des incivilités, Pascale Tessier, La Gazette des communes, 29 septembre 2021.

25) Des plages sans plastique, c’est possible ? Juliette de Guyenro, Géo, 13 août 2019.

26) Contre les déchets en mer, l’ancienne navigatrice Catherine Chabaud mobilise le Parlement européen, Ouest-France, 25 mars 2021.

27) Dans un nouveau rapport, le WWF révèle que le coût réel du plastique est 10 fois plus élevé que son coût de production, www.wwf.fr 6 septembre 2021.

 

 

Margaux Berthelard,

Juriste documentaliste,

Cabinet Huglo Lepage Avocats

 

Madeleine Babès,

Avocate à la Cour,

Cabinet Huglo Lepage Avocats

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