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La pandémie de Coronavirus (Covid-19) : quels impacts sur les contrats en droit français ? Force majeure ? Imprévision ?

La pandémie de Coronavirus (Covid-19) : quels impacts sur les contrats en droit français ? Force majeure ? Imprévision ?
Publié le 25/03/2020 à 11:04

Dans le contexte actuel de pandémie de Coronavirus-Covid19, quelles sont les solutions offertes par le droit français pour se protéger contre des inexécutions contractuelles, ou à l’inverse pour justifier des manquements causés par cette pandémie ?



La force majeure et l’imprévision peuvent être invoquées en droit français, mais dans des conditions spécifiques ; en outre, les parties à un contrat régi par le droit français sont libres de prévoir les conditions dans lesquelles la force majeure et/ou l’imprévision peuvent être invoquées, ce qui signifie qu’il n’y a pas de solution uniforme et que chaque contrat doit être vérifié au cas par cas.


 


La force majeure


L’article 1218 du Code civil définit la force majeure comme un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat, dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées et qui empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. Toutefois, les parties ont toute latitude pour aménager contractuellement cette définition (liste limitative ou non d’événements expressément prévus par les parties comme étant des événements de force majeure).


De manière générale, et si les épidémies et pandémies ne sont pas expressément prévues dans les contrats, deux critères majeurs sont déterminants :


l’imprévisibilité de l’événement, qui est évaluée au moment de la conclusion du contrat ;


l’irrésistibilité, c’est-à-dire l’impossibilité d’éviter les effets de cet événement par la mise en place de mesures appropriées.


Ces critères sont appréciés au cas par cas par les tribunaux en fonction des circonstances de chaque espèce.


Dans le cadre de précédentes épidémies, la jurisprudence s’est fondée sur les critères suivants pour écarter la force majeure :


épidémie largement annoncée et prévue (grippe H1N1) ;


maladie surmontable qui pouvait être soulagée par des antalgiques (Chikungunya) ;


maladie insuffisamment certaine ou grave (la peste).


Si l’échelle et la vitesse de propagation du Coronavirus-Covid19, les mesures strictes et sans précédent prises par les gouvernements, la déclaration du gouvernement français d’appliquer la qualification de force majeure à l’épidémie de Coronavirus-Covid19 en matière de marchés publics et la récente qualification de « pandémie » annoncée par l’OMS peuvent constituer des arguments de nature à caractériser l’imprévisibilité de cette pandémie, encore faudra-t-il démontrer son irrésistibilité et donc l’impossibilité de mettre en place des mesures alternatives telles que, par exemple, la mise en place de sources d’approvisionnement alternatives.


Si la force majeure est caractérisée, une distinction est à opérer selon que :


l’empêchement en résultant est temporaire, auquel cas l’exécution du contrat sera suspendue ;


l’empêchement en résultant est définitif, auquel cas l’une ou les parties pourront provoquer la résolution de plein droit du contrat et être libérées de leurs obligations.


De la même façon que la définition de la force majeure peut être aménagée conventionnellement par les parties, ses effets et ses conséquences peuvent également être prévus au contrat ; d’où la nécessité de vérifier le contrat avant d’appliquer la règle générale.


 


L’imprévision


Il est également envisageable de se prévaloir du régime de l’imprévision prévu à l’article 1195 du Code civil, qui permet de demander la renégociation du contrat lors de la survenance de circonstances qui étaient imprévisibles lors de sa conclusion, et qui rendent son exécution excessivement onéreuse pour une partie, alors qu’elle n’a pas accepté d’en assumer le risque.


Toutefois, comme pour la force majeure, il convient de vérifier dans un premier temps le contrat ou les conditions générales en cause : les circonstances imprévisibles peuvent être définies ou adaptées contractuellement, et le régime de l’imprévision peut même être écarté par le contrat.


En résumé, il est important de vérifier les clauses des contrats qui ont été conclus avant la pandémie de Coronavirus-Covid19, concernant :


la force majeure, afin de vérifier que :


- les épidémies et les pandémies sont précisément qualifiées d’événement de force majeure ; dans le cas contraire, l’appréciation se fera au regard des critères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité détaillés ci-dessus ;


- les effets et les conséquences d’un tel événement de force majeure sont prévus ; dans le cas contraire, le contrat sera suspendu ou résilié, en fonction de la durée de l’empêchement ;


l’imprévision, afin de vérifier que la faculté de renégociation dans de tels cas n’a pas été exclue ou encadrée par le contrat.


En l’absence de contrat, les dispositions du Code civil relatives à la force majeure (article 1218 du Code civil) et à l’imprévision (article 1195 du Code civil) s’appliquent, comme décrit ci-avant.


 


Anne Dumas-L’Hoir,

Associée en charge du département contrats et contentieux,

Sekri Valentin Zerrouk, Avocats à la cour


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