Le 7 octobre dernier, la vice-bâtonnière de
l’Ordre du barreau de Paris, Maître Nathalie Roret, a été nommée, en conseil
des ministres, 17e directeur de l’École nationale de la
magistrature. Elle succède à ce poste à Olivier Leurent, désormais président du
tribunal judiciaire de Marseille.
Une chose est
sûre, le nouveau ministre de la Justice, Éric Dupond Moretti, n’a pas peur de bousculer les codes. Suite à la
nomination de l’ancien directeur de l’École nationale de la magistrature (ENM),
Olivier Leurent, à la présidence du tribunal judiciaire de Marseille, il a
fallu désigner un remplaçant. Et c’est une remplaçante que l’ancien avocat
pénaliste, désormais garde des Sceaux, a proposée au président de la République
le 21 septembre dernier, en la personne de Nathalie Roret, avocate et
vice-bâtonnière du barreau de Paris. Une proposition qui, deux mois seulement après la prise de fonction d’Éric Dupond-Moretti, n’a pas manqué de faire réagir les magistrats.
En effet, la
nomination de Nathalie Roret à la tête de la prestigieuse
école est inédite à deux titres : d’une part, c’est la
première fois qu’une femme prend la direction de l’ENM ; d’autre part, jusqu’ici, seul un magistrat
avait été nommé à ce poste.
Alors que
le garde des Sceaux fait déjà face à la fronde de la profession – laquelle
dénonce, dans le cadre d’une enquête menée par le Parquet national financier,
un conflit d’intérêts du ministre de la Justice dans l’affaire dite des «
fadettes » –, cette décision fait grincer des dents
l’Union syndicale des magistrats.
Toutefois,
en réaction à cette annonce, l’ENM a rappelé dans un
communiqué le lien qui relie avocats et magistrats : « la
formation des magistrats privilégie et entretient au quotidien les échanges
interprofessionnels avec l’ensemble de leurs partenaires, au premier rang
desquels les avocats ».
« JE VEUX RAPPELER QUE CETTE
ECOLE N’EST PAS L’ECOLE DES MAGISTRATS, MAIS CELLE DE LA MAGISTRATURE »
Expliquant son choix le 21 septembre
dernier, le ministre de la Justice s’est appuyé, lors de son annonce, sur les
propos du « grand directeur » qu’a
été Olivier Leurent. Fraîchement nommé à la tête de l’ENM, celui-ci avait
déclaré : « l’avocat n’est pas
l’adversaire du magistrat, mais un partenaire qui concourt à l’œuvre de justice
». Car pour le ministre aussi, « Une justice de
qualité ne peut être rendue sans le concours des avocats ». « Je veux rap peler que cette école n’est pas l’école des
magistrats, mais celle de la magistrature », a-t-il martelé dans son discours.
Alors que
l’ancien avocat avait annoncé, dans son ouvrage Le dictionnaire de ma vie
paru en 2018, plaider pour la suppression de l’école au profit d’une formation
commune entre avocats et magistrats, ce dernier prône l’ouverture de l’ENM : « J’ai dit lors de mon
installation que je n’aurai
pas le temps
d’opérer une refonte totale, mais je ne renonce certainement pas à ouvrir
davantage cette école », a-t-il déclaré. Le locataire de la place Vendôme
entend donc proposer des pistes d’amélioration dans l’intérêt national, et a
ainsi annoncé vouloir « rompre avec des traditions surannées », « rompre
avec la tentation du vase clos et de l’entre-soi », en renforçant
l’apprentissage chez les futurs magistrats « d’une vraie culture du
contradictoire ». C’est désormais à Nathalie Roret, « une femme d’exception »,
a souligné le garde des Sceaux, et avocate, donc, que
revient cette lourde tâche.
QUI EST NATHALIE RORET ?
Nathalie Roret a
prêté serment en décembre 1989. Spécialisée en droit pénal, « notamment sur les questions de conformité
et responsabilité pénale en droit des affaires et en matière de santé publique,
d’environnement et de cybercriminalité », précise l’ENM sur son site, elle
est formée aux modes alternatifs de règlement des différends. D’abord
collaboratrice puis associée, elle a créé sa structure en 2020. En plus de sa
fonction d’avocat, elle intervient aussi régulièrement en qualité de médiateur.
Élue vice-bâtonnière de l’Ordre du barreau de Paris fin
2019 aux côtés du bâtonnier Olivier Cousi, Maître Nathalie Roret a été membre
du Conseil de l’Ordre (2010-2012) et du Conseil national des barreaux
(2015-2017). Elle est par ailleurs membre du Comité d’éthique du barreau de
Paris, du conseil d’administration du Fonds de
garantie des victimes du terrorisme et autres infractions, ainsi que du conseil
d’orientation de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP).
« La richesse de son
parcours, son appétence pour l’enseignement, son engagement aux côtés du
justiciable notamment dans le domaine de la médiation, sont les garants des
qualités qu’elle exprimera à la tête de cette école », a déclaré le
ministre de la Justice le 21 septembre. Ce dernier compte désormais sur elle
pour « mettre en œuvre, avec le conseil
d’administration, les nouvelles orientations de l’école ». Pour rappel,
l’ENM accueille environ 500 élèves magistrats en formation initiale et a
contribué à former en 2020 plus de 10 000 personnes (juges consulaires, magistrats exerçant à titre temporaire,
conseillers prud’hommes, conciliateurs, délégués du procureur, assesseurs des pôles sociaux…).
Se disant « très
honorée » par sa nomination, Nathalie Roret a, de son côté, annoncé sur
Twitter, le 8 octobre dernier, avoir «
hâte de rejoindre les équipes de l’ENM afin de contribuer, ensemble, à l’œuvre
de justice ».
Constance Périn