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Le cadre juridique de l’hydrogène décarboné

Le cadre juridique de l’hydrogène décarboné
Publié le 03/10/2022 à 16:53

L’hydrogène décarboné fait l’objet d’un cadre juridique en cours de déploiement depuis plusieurs années, tant en termes de planification que de règlementation.

L’hydrogène est aujourd’hui largement produit à partir d’énergies fossiles (charbon, gaz naturel, pétrole...) via des procédés fortement émetteurs de gaz à effet de serre. Mais il peut également être produit par électrolyse de l’eau, à partir d’électricité décarbonée ou renouvelable. L’hydrogène est alors dit « décarboné », car ni sa production ni son utilisation n’émettent de CO2.

L’objectif est d’inscrire l’hydrogène décarboné comme fondement d’un cercle économique et environnemental vertueux. L’hydrogène décarboné représente ainsi un enjeu à la fois scientifique, technologique, environnemental et économique.

L’hydrogène décarboné doit permettre de servir les objectifs que la France s’est fixés en matière de développement des énergies renouvelables et de réduction des émissions de gaz à effet de serre et des polluants, tout en étant compétitif. Il s’agit de créer et structurer un écosystème industriel de pointe qui soit compétitif à l’international.

 


 

Le plan de déploiement de l’hydrogène pour la transition énergétique

Le plan hydrogène présenté dès 2018 par Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire, a pour objectif d’accompagner l’innovation et les premiers déploiements industriels de l’hydrogène décarboné, pour être prêt à en faire un pilier de la transition énergétique à moyen terme. Il fixe ainsi des objectifs de développement de l'hydrogène dans la transition énergétique.

Le plan hydrogène part du constat que l’hydrogène est actuellement utilisé en raison de ses propriétés chimiques dans l’industrie pétrolière, et dans l’industrie chimique (consommation française de l’ordre de 900 000 tonnes par an qui engendre de l’ordre de 9 millions de tonnes de COpar an). Cette molécule présente cependant un intérêt énergétique majeur qui n’est pas exploité aujourd’hui. L’hydrogène peut être utilisé pour la production d’énergie sur le réseau, ou dans les transports, et c’est une solution pour le stockage de l’énergie, notamment de l’électricité, ce qui sera le défi des systèmes énergétiques du 21e siècle.

En outre, grâce aux progrès de la technologie de l’électrolyse, il peut être produit de façon décarbonée, économique, et contribuer aux objectifs que la France s’est fixés, en particulier pour la poursuite de la transition énergétique vers la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Le plan repose sur les forces de la filière française, particulièrement présente dans la production d’hydrogène, et cherche avant tout à « verdir » les usages industriels existants de l’hydrogène, en commençant par les usages les plus proches de la rentabilité économique. En capitalisant sur ces développements, il sera alors possible de développer les nouveaux usages, liés à la mobilité, d’abord autour de flottes captives, puis de stockage de l’énergie renouvelable dans le réseau de gaz, lorsque le besoin apparaîtra.

Ce plan nourrira la stratégie du gouvernement en matière d’hydrogène qui aura vocation à se traduire en particulier dans la Programmation Pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour la période 2019-2028, et dans les PPE qui seront réalisées pour chacune des zones non interconnectées au réseau métropolitain.

La feuille de route hydrogène se structure ainsi autour des trois axes suivants :

AXE 1 : Production d’hydrogène par électrolyse pour l’industrie, phase d’amorçage du plan français. Le plan français propose de démarrer la courbe d’apprentissage de la filière électrolyse sur la production de l’hydrogène à usage industriel en mettant en place des dispositifs de soutien public au déploiement, qui viendront en complément des soutiens déjà existants sur la R&D et l’innovation.

AXE 2 : Une valorisation par des usages de la mobilité en complémentarité des filières batterie.

AXE 3 : Un élément de stabilisation des réseaux énergétiques sur le moyen-long terme. À un horizon plus lointain (>2035), l’hydrogène sera un élément de stabilisation des réseaux énergétiques. Outre les expérimentations d’injection d’hydrogène dans les réseaux de gaz à accélérer, des premières expérimentations et premiers déploiements de services au réseau électrique pourront être lancés dans les zones non interconnectées (ZNI) dont le contexte différent rend cette technologie potentiellement plus intéressante plus rapidement.

Le soutien apporté par l’État à la filière, ces dernières années, a ainsi été important :

le programme d’investissements d’avenir (PIA) a mobilisé plus de 100 millions d'euros en soutenant la mise en œuvre de démonstrateurs et la prise de participation dans des entreprises à fort potentiel ;

l'agence nationale de la recherche (ANR) a soutenu la recherche publique en mobilisant plus de 110 millions d'euros sur les dix dernières années ;

Bpifrance a accompagné de nombreuses start-up ou des PME dans leurs projets d’innovation et de développement technologiques ;

l’Ademe a soutenu le déploiement de la mobilité hydrogène en apportant 80 millions d'euros ;

la Banque des Territoires a soutenu des projets de déploiements portés par les collectivités.

 

 


La stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France

Dans le cadre du plan de relance « France Relance », la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, et le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, Bruno Le Maire, ont présenté, en septembre 2020 la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France.

La stratégie pour le développement de l’hydrogène décarboné constitue un axe prioritaire d’investissement pour la France, compte tenu :

des enjeux environnementaux : l’hydrogène est pourvoyeur de nombreuses solutions pour décarboner l’industrie et les transports ;

des enjeux économiques : l’hydrogène offre l’opportunité de créer une filière et un écosystème industriels créateurs d’emplois ;

des enjeux de souveraineté énergétique : pour réduire notre dépendance vis-à-vis des importations d’hydrocarbures ;

des enjeux d’indépendance technologique : pour valoriser les atouts dont dispose la France dans la compétition mondiale.

Dotée d’une enveloppe significative de 2 milliards d’euros dans le cadre du plan de relance, la stratégie pour le développement de l’hydrogène décarboné s’étend au-delà de la période 2020-2022 et fixe une trajectoire qui court jusqu’en 2030 avec au total 7 milliards d’euros de soutien public.


La stratégie fixe ainsi trois priorités.


Première priorité : décarboner l’industrie en faisant émerger une filière française de l’électrolyse

Faire émerger une filière française de l’électrolyse : la stratégie retient l’électrolyse qui apparaît comme le plus prometteur des procédés, sur lequel la France dispose déjà d’industriels à fort potentiel. Le marché de la production d’hydrogène décarboné par électrolyse doit évoluer vers des projets de plus grande taille et de plus importante capacité. La France se fixe ainsi un objectif de 6,5 GW d’électrolyseurs installés en 2030.

Décarboner l'industrie en remplaçant l'hydrogène carboné : l’objectif est de remplacer les procédés de production à partir de combustibles fossiles pour décarboner cet hydrogène. C’est un des axes de la programmation pluriannuelle de l’énergie.

 

 

Deuxième priorité : développer une mobilité lourde à l’hydrogène décarboné

Développer une offre de mobilité lourde à l’hydrogène : particulièrement adaptées aux véhicules lourds, les technologies de l’hydrogène offrent une capacité de stockage complémentaire à celle des batteries électriques. L’hydrogène répond aux besoins de fortes puissances motrices ou aux besoins de longue autonomie, notamment pour les flottes captives parcourant de longues distances à flux tendus. Le déploiement de l’hydrogène sur ce segment répond à l’objectif de décarbonation de ces mobilités dites « lourdes ».

Développer des projets territoriaux d’envergure en incitant à mutualiser les usages : pour accélérer le déploiement des mobilités professionnelles à l’hydrogène sur le territoire national, la stratégie propose la mutualisation de la demande, à la fois dans le secteur industriel et dans celui de la mobilité, à l’échelle des territoires. Il s'agit de faire émerger des partenariats forts entre collectivités et industriels afin de synchroniser au mieux l’émergence de l’offre et le développement des usages.

 

 

Troisième priorité : soutenir la recherche, l’innovation et le développement de compétences afin de favoriser les usages de demain

Soutenir la recherche et l’innovation : pour accélérer la préparation de la future génération des usages de l’hydrogène, la stratégie propose un ensemble d’outils qui permettront de poursuivre l’effort de R&D dans le domaine de l’hydrogène et rester à la pointe au niveau international, la France possédant une recherche de premier plan dans ce domaine, de soutenir l’innovation en faveur de l’industrialisation de nouvelles technologies.

Développer les compétences : la stratégie mise sur le renforcement des compétences, afin de soutenir le développement des usages de l’hydrogène sur le territoire. L’enjeu est de former à la spécificité du gaz hydrogène et de ses utilisations, aux composants et aux modalités d’intervention.

En janvier 2021, l’installation du nouveau Conseil national de l’hydrogène a été annoncée, afin d’assurer la mise en œuvre de la Stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné. Ce nouveau conseil devra structurer les échanges entre l’État et les parties prenantes (en particulier les filières industrielles) de la mise en œuvre de la stratégie, et identifier les éventuels freins.

 

 








La loi Climat et Énergie et l’ordonnance n° 2021-167 relative à l’hydrogène

La loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (dite « Énergie-Climat ») a complété l’article L. 100-4 du Code de l’énergie de la politique énergétique nationale avec un objectif relatif à l’hydrogène, à savoir « développer l'hydrogène bas-carbone et renouvelable et ses usages industriel, énergétique et pour la mobilité, avec la perspective d'atteindre environ 20 à 40 % des consommations totales d'hydrogène et d'hydrogène industriel à l'horizon 2030 ».

En outre, la loi Énergie-Climat habilite le gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure dans le domaine de la loi aux fins de :

définir la terminologie des différents types d'hydrogènes en fonction de la source d'énergie utilisée pour sa production ;

permettre la production, le transport, le stockage et la traçabilité de l'hydrogène ;

définir un cadre de soutien applicable à l'hydrogène produit à partir d'énergie renouvelable ou par électrolyse de l'eau à l'aide d'électricité bas-carbone.

Ainsi, l’ordonnance n° 2021-167 du 18 février 2021 vient compléter le Code de l’énergie par un livre VIII dédié à l’hydrogène. Ce texte doit être complété par le pouvoir réglementaire par l’adoption de différents décrets et arrêtés.



Définitions des différents types d’hydrogènes

L’ordonnance définit les différents types d'hydrogènes qui font l'objet de régimes particuliers, hydrogène renouvelable, bas-carbone ou carboné.

L’« hydrogène » est désigné comme le gaz composé, dans une proportion déterminée par arrêté du ministre chargé de l'énergie, de molécules de dihydrogène, obtenu après mise en œuvre d'un procédé industriel.

L'hydrogène « renouvelable » est l'hydrogène produit soit par électrolyse en utilisant de l'électricité issue de sources d'énergies renouvelables, soit par toute une autre technologie utilisant exclusivement une ou plusieurs de ces mêmes sources d'énergies renouvelables et n'entrant pas en conflit avec d'autres usages permettant leur valorisation directe. Dans tous les cas, son procédé de production émet, par kilogramme d'hydrogène produit, une quantité d'équivalents dioxyde de carbone inférieure ou égale à un seuil.

L'hydrogène « bas-carbone » est l'hydrogène dont le procédé de production engendre des émissions inférieures ou égales au seuil retenu pour la qualification d'hydrogène renouvelable, sans pouvoir, pour autant, recevoir cette dernière qualification, faute d'en remplir les autres critères.

L'hydrogène « carboné » est l'hydrogène qui n'est ni renouvelable, ni bas-carbone.

 

 

Systèmes de traçabilité pour attester de l’origine de l’hydrogène

L’ordonnance prévoit deux systèmes de traçabilité de l'hydrogène pour que son caractère bas-carbone ou renouvelable puisse être connu de l'acheteur ou que cet acheteur sache que l'achat de la garantie constitue un soutien effectif à une filière vertueuse :

une « garantie d’origine » pour l’hydrogène renouvelable ou bas carbone susceptible d’être mélangé à d’autres gaz entre l’étape de production et l’étape de consommation ;

une « garantie de traçabilité » dès lors que l’hydrogène n’est pas mélangé à un autre type d’hydrogène ou à un autre gaz entre l’étape de production et celle de consommation et que la garantie émise est cédée en même temps que l’hydrogène produit.

Les garanties d'origine et de traçabilité seront gérées par un organisme indépendant, sur le modèle de celui qui existe déjà pour les garanties d'origine de l'électricité renouvelable.

Ce système doit pouvoir accueillir les garanties délivrées par nos voisins européens conformément à la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables.

 

 

Le cadre du soutien public à l’hydrogène renouvelable et bas-carbone par électrolyse de l’eau

L'ordonnance prévoit également la mise en place d'un mécanisme de soutien exclusivement pour les filières de production d'hydrogène renouvelable ou bas-carbone par électrolyse de l'eau.

Le mécanisme de soutien pourra prendre deux formes distinctes : une aide au fonctionnement ou une combinaison d’une aide financière à l’investissement et d’une aide au fonctionnement.

Le soutien sera accordé à l’issue d’une procédure de mise en concurrence, organisée selon les principes de transparence d’égalité de traitement, décomposée en une phase de sélection préalable des candidats éligibles et d’une phase de désignation qui reposera sur des critères de rentabilité économique tels que le prix de l’hydrogène produit mais aussi des critères environnement tels que le bilan de GES du fonctionnement de l’installation et de sa contribution aux objectifs définis par la loi énergie-climat.

L’aide sera formalisée par contrat conclu entre le bénéficiaire et l’État. Ce contrat précise le montant de l'aide accordée, qu'il s'agisse d'une aide au fonctionnement ou d'une aide à l'investissement et au fonctionnement. Il détermine, notamment, les modalités de versement de l'aide, leur durée, le rythme des versements et les conditions auxquelles elle est subordonnée. Il comporte les engagements du bénéficiaire, en termes économiques et environnementaux, sur la même période. La durée maximale du contrat prévoyant une aide au fonctionnement ne peut dépasser vingt années. Le niveau de l'aide au fonctionnement accordée ne peut conduire à ce que la rémunération totale des capitaux immobilisés, résultant du cumul de toutes les recettes prévisionnelles de l'installation et des aides financières ou fiscales dont elle bénéficie, excède un niveau de rémunération raisonnable des capitaux, compte tenu des risques inhérents aux activités sur lesquelles porte l'aide.

 

 

Injection de l’hydrogène dans les réseaux

L'ordonnance introduit plusieurs dispositions relatives à l'injection d'hydrogène dans les réseaux de gaz naturel. L'ordonnance prévoit, d'une part, qu’en cas d'injection, les gestionnaires des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel doivent mettre en œuvre les dispositions nécessaires pour assurer le bon fonctionnement et l'équilibrage des réseaux, la continuité du service d'acheminement et de livraison du gaz naturel et la sécurité des biens et des personnes. D'autre part, l’ordonnance prévoit la mise en place d'un dispositif de garanties d'origine du gaz renouvelable injecté dans le réseau de gaz naturel, auquel serait éligible l'hydrogène renouvelable injecté dans le réseau de gaz naturel.

 

 

Modifications mineures de la législation en vigueur

Cette ordonnance prévoit deux modifications mineures de la législation en vigueur. D'une part, une modification du Code minier visant à étendre le régime légal applicable au stockage souterrain à l'hydrogène. D'autre part, une extension des pouvoirs d'enquête et de contrôle prévus par le Code de l'énergie (et applicables à l'électricité et au gaz) à l'hydrogène.

 

 

La loi Climat et Résilience

Les articles 87 et 88 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite loi « Climat et Résilience »), précisent le cadre juridique de la production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone.

D’abord, la production d’hydrogène renouvelable et bas-carbone intègre la liste des objectifs et priorités de la politique énergétique nationale, définis à l’article L. 100-1 A du Code de l’énergie. Cet article prévoit l’adoption, avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, d’une « loi de programmation quinquennale » qui déterminera les objectifs et fixera les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l'urgence écologique et climatique. Cette loi devra mettre en cohérence l’ensemble des documents de planification de la politique énergétique de la France.

Ensuite, le législateur simplifie la procédure d’occupation du domaine public de l’État par les installations de production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone par électrolyse de l'eau. En effet, le développement d’un projet de production d'hydrogène renouvelable ou d'hydrogène bas-carbone sur le domaine public nécessite en principe deux mises en concurrence :

une mise en concurrence au titre de l’article L. 2122-1-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP). Depuis l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017, l’attribution d’un titre permettant à son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine public en vue d'une exploitation économique, doit faire l’objet d’une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d'impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester, librement organisée par l'autorité compétente, sauf exception ;

une mise en concurrence destinée à sélectionner les projets qui feront l’objet d’un soutien financier public au titre de l’article L. 812-2 du Code de l’énergie.

Ces deux mises en concurrence successives occasionnent des délais incompressibles tout en présentant une incohérence dans leurs objectifs (maximisation du niveau du loyer à verser pour l’occupation du domaine public d’un côté et réduire la dépense publique de l’autre). La loi Climat et Résilience ajoute une exception (article L. 2122-1-3-1 du CGPPP) et permet à l’autorité compétente de renoncer à effectuer une mise en concurrence au titre du L. 2122-1-1 du CGPPP pour les projets de production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone par électrolyse de l'eau, dès lors qu’ils font l’objet d’une mise en concurrence pour attribuer un soutien financier public. L’autorité compétente conserve la faculté d’organiser une procédure de mise en concurrence si elle le souhaite, et doit en toute hypothèse imposer des conditions au projet via un cahier des charges.

Par ailleurs, le législateur complète le Code général des collectivités territoriales (CGCT) pour permettre l’intervention des collectivités territoriales dans les projets de production de l’hydrogène renouvelable ou bas-carbone.

La loi Climat et Résilience complète l’article L. 2224-32 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), qui autorise les communes et les EPCI, sur leur territoire, à aménager et exploiter une nouvelle installation produisant de l’énergie (hydroélectricité, énergies renouvelables ou valorisation énergétique des déchets ménagers). La loi ajoute à cette liste des compétences des communes l’aménagement et l’exploitation d’une nouvelle installation de production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone. Le législateur autorise également les communes et les EPCI à déléguer cette compétence à un tiers.

En principe, sauf exceptions légales ou sauf autorisation prévue par décret en Conseil d'État, les collectivités territoriales et leurs groupements ne peuvent pas prendre de participations directes au capital d'une société commerciale ou de tout autre organisme à but lucratif (art. L. 2253-1 et suivants ; art. L. 3231-6 et suivants ; art. L. 4211-1 et L. 4253-3 et suivants). La loi Climat et Résilience complète la dérogation issue de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), en permettant aux collectivités territoriales et leurs groupements de participer au capital d'une société commerciale (SA ou d'une SAS) dont l'objet social est la production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone, par des installations situées sur leur territoire ou des territoires limitrophes. Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent consentir à ces sociétés des avances en compte courant aux prix du marché et dans les conditions prévues pour les sociétés d’économie mixte.

Enfin, le législateur confirme par ailleurs sa volonté d’accélérer le développement du stockage de l’hydrogène. L’article 81, 3°d) de la loi Climat et Résilience autorise en effet le gouvernement à moderniser le droit minier par ordonnance, en « précisant les régimes légaux de stockages souterrains et des mines afin, notamment, de définir les modalités de leur extension à d’autres substances, comme l’hydrogène ».

  



Un enjeu européen

La stratégie hydrogène pour l’Union européenne

La stratégie nationale s’inscrit dans une logique européenne. La Commission européenne a publié en juillet 2020 sa stratégie hydrogène pour l’Union européenne : l’Europe consacre ainsi l’hydrogène comme une technologie clé pour atteindre ses objectifs climatiques et la création d’emplois industriels.

À cette occasion, la Commission européenne a créé la Clean Hydrogen Alliance, qui permettra d’organiser et coordonner les travaux collectifs des États membres et des différents industriels sur cette thématique.

La forte implication de la France dans la Clean Hydrogen Alliance doit permettre de garantir la bonne articulation entre la stratégie française et les travaux menés au niveau européen. La France sera mobilisée, aux côtés de ses partenaires européens et de la Clean Hydrogen Alliance, pour l’instruction et la construction d’un Projet important d’intérêt européen commun (PIIEC), qui permet de financer conjointement la création d’une chaîne de valeur à l’échelle européenne sur l’hydrogène, à l’instar des projets qui ont été financés dans le cadre du « plan batteries ». Des échanges rapprochés avec l’Allemagne permettront notamment d’identifier des projets communs à porter dans le cadre de ce PIIEC. La France sera également impliquée dans les travaux permettant de lever différents verrous (règlementaires, normatifs, financiers) afin de favoriser l’émergence d’une chaîne de valeur européenne durable et résiliente.

La stratégie française mobilisera également les outils financiers développés par la Commission européenne dans le cadre du plan de relance, notamment Next Generation EU.



Le cadre règlementaire européen pour l’hydrogène renouvelable

La Commission européenne a lancé en mai 2022 des consultations sur le cadre règlementaire de l’hydrogène renouvelable, dans le cadre de la directive (UE) 2018/2001 (dite directive RED II) relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (EnR) :

une proposition de règlement établissant les obligations pour l’électricité d’origine renouvelable à utiliser pour produire les carburants d’origine renouvelable ;

une proposition de règlement établissant une méthodologie pour évaluer les réductions d’émissions de gaz à effet de serre des carburants liquides et gazeux renouvelables et des carburants à base de carbone recyclé.

Selon le communiqué de la Commission européenne, la première proposition porte sur les carburants renouvelables d’origine non-biologique. Ainsi, elle fixe les critères applicables aux produits entrant dans la catégorie « hydrogène renouvelable ». Cette dernière est importante pour atteindre les objectifs en matière d’énergies renouvelables dans le secteur des transports. La deuxième proposition porte sur la méthodologie pour les économies de GES. Elle propose un schéma détaillé pour calculer les émissions sur le cycle de vie de l’hydrogène renouvelable, ainsi que des carburants à base de carbone recyclé. Ceci pour atteindre le seuil de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixé dans la directive sur les énergies renouvelables.

Une fois adoptés, ces documents compléteront la proposition globale de la Commission relative à un cadre réglementaire pour l’hydrogène renouvelable.

L’hydrogène permet de soutenir les objectifs de décarbonisation de l’UE. Ceux-ci sont renforcés par l’objectif de REPowerEU de supprimer progressivement la dépendance de l’UE à l’égard des importations de gaz russe. Ainsi, ces actes délégués visent à permettre à l’UE d’atteindre ses ambitions et de stimuler les investissements dans l’hydrogène.

Toutefois, la production d’hydrogène pourrait inciter à la production d’électricité à partir de sources fossiles. Par conséquent, cela compromettrait les avantages de l’hydrogène pour le climat, tout comme son rôle dans le renforcement de la sécurité énergétique de l’UE. C’est pourquoi la Commission fixe également des exigences qui garantiront que l’augmentation de la production d’hydrogène renouvelable s’accompagne d’une augmentation correspondante de la production d’électricité renouvelable.

L’hydrogène a été identifié comme un élément important de la solution pour les secteurs difficiles à décarboniser. Cela concerne l’aviation, la marine et certains secteurs industriels. Dans le plan REPowerEU, la Commission présente le concept d’accélérateur d’hydrogène afin de déployer cette nouvelle technologie encore plus rapidement. Ainsi, la Commission dévoile des actions visant à accroître la demande et l’offre encore plus rapidement et plus fortement que dans la stratégie 2020 pour l’hydrogène.

En outre, l’ambition de REPowerEU est de produire 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable dans l’UE d’ici à 2030. Ceci en augmentant les 5,6 millions de tonnes déjà prévues dans les propositions du cadre de l’UE pour décarboniser les marchés du gaz publiées en décembre 2021. De plus, l’Union souhaite importer 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable de pays tiers.

 

 

 

Pauline Maurus,

Avocate,

Cabinet Huglo Lepage Avocats




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