L’hydrogène décarboné fait l’objet d’un cadre juridique en
cours de déploiement depuis plusieurs années, tant en termes de planification
que de règlementation.
L’hydrogène est aujourd’hui largement
produit à partir d’énergies fossiles (charbon, gaz naturel, pétrole...) via des
procédés fortement émetteurs de gaz à effet de serre. Mais il peut également
être produit par électrolyse de l’eau, à partir d’électricité décarbonée ou
renouvelable. L’hydrogène est alors dit « décarboné », car ni sa
production ni son utilisation n’émettent de CO2.
L’objectif est d’inscrire l’hydrogène
décarboné comme fondement d’un cercle économique et environnemental vertueux.
L’hydrogène décarboné représente ainsi un enjeu à la fois scientifique,
technologique, environnemental et économique.
L’hydrogène décarboné doit permettre
de servir les objectifs que la France s’est fixés en matière de développement
des énergies renouvelables et de réduction des émissions de gaz à effet de
serre et des polluants, tout en étant compétitif. Il s’agit de créer et
structurer un écosystème industriel de pointe qui soit compétitif à
l’international.
Le plan de déploiement de
l’hydrogène pour la transition énergétique
Le plan hydrogène présenté dès
2018 par Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la Transition écologique
et solidaire, a pour objectif d’accompagner l’innovation et les premiers
déploiements industriels de l’hydrogène décarboné, pour être prêt à en faire un
pilier de la transition énergétique à moyen terme. Il fixe ainsi des objectifs
de développement de l'hydrogène dans la transition énergétique.
Le plan hydrogène part du constat que
l’hydrogène est actuellement utilisé en raison de ses propriétés chimiques dans
l’industrie pétrolière, et dans l’industrie chimique (consommation française de
l’ordre de 900 000 tonnes par an qui engendre de l’ordre de 9 millions de
tonnes de CO2 par an). Cette molécule présente
cependant un intérêt énergétique majeur qui n’est pas exploité aujourd’hui.
L’hydrogène peut être utilisé pour la production d’énergie sur le réseau, ou
dans les transports, et c’est une solution pour le stockage de l’énergie,
notamment de l’électricité, ce qui sera le défi des systèmes énergétiques du 21e siècle.
En outre, grâce aux progrès de la
technologie de l’électrolyse, il peut être produit de façon décarbonée,
économique, et contribuer aux objectifs que la France s’est fixés, en
particulier pour la poursuite de la transition énergétique vers la neutralité
carbone à l’horizon 2050.
Le plan repose sur les forces de la
filière française, particulièrement présente dans la production d’hydrogène, et
cherche avant tout à « verdir » les usages industriels existants de
l’hydrogène, en commençant par les usages les plus proches de la rentabilité
économique. En capitalisant sur ces développements, il sera alors possible de
développer les nouveaux usages, liés à la mobilité, d’abord autour de flottes
captives, puis de stockage de l’énergie renouvelable dans le réseau de gaz,
lorsque le besoin apparaîtra.
Ce plan nourrira la stratégie du
gouvernement en matière d’hydrogène qui aura vocation à se traduire en
particulier dans la Programmation Pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour la
période 2019-2028, et dans les PPE qui seront réalisées pour chacune des zones
non interconnectées au réseau métropolitain.
La feuille de route hydrogène se
structure ainsi autour des trois axes suivants :
AXE 1 : Production d’hydrogène par
électrolyse pour l’industrie, phase d’amorçage du plan français. Le plan
français propose de démarrer la courbe d’apprentissage de la filière
électrolyse sur la production de l’hydrogène à usage industriel en mettant en
place des dispositifs de soutien public au déploiement, qui viendront en
complément des soutiens déjà existants sur la R&D et l’innovation.
AXE 2 : Une valorisation par des usages de
la mobilité en complémentarité des filières batterie.
AXE 3 : Un élément de stabilisation des
réseaux énergétiques sur le moyen-long terme. À un horizon plus lointain
(>2035), l’hydrogène sera un élément de stabilisation des réseaux
énergétiques. Outre les expérimentations d’injection d’hydrogène dans les
réseaux de gaz à accélérer, des premières expérimentations et premiers
déploiements de services au réseau électrique pourront être lancés dans les
zones non interconnectées (ZNI) dont le contexte différent rend cette
technologie potentiellement plus intéressante plus rapidement.
Le soutien apporté par l’État à la
filière, ces dernières années, a ainsi été important :
• le programme d’investissements
d’avenir (PIA) a mobilisé plus de 100 millions d'euros en soutenant la mise en
œuvre de démonstrateurs et la prise de participation dans des entreprises à
fort potentiel ;
• l'agence nationale de la recherche
(ANR) a soutenu la recherche publique en mobilisant plus de 110 millions
d'euros sur les dix dernières années ;
• Bpifrance a accompagné de nombreuses
start-up ou des PME dans leurs projets d’innovation et de développement
technologiques ;
• l’Ademe a soutenu le déploiement de
la mobilité hydrogène en apportant 80 millions d'euros ;
• la Banque des Territoires a soutenu
des projets de déploiements portés par les collectivités.
La stratégie nationale pour le
développement de l’hydrogène décarboné en France
Dans le cadre du plan de relance
« France Relance », la ministre de la Transition écologique, Barbara
Pompili, et le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, Bruno Le
Maire, ont présenté, en septembre 2020 la stratégie nationale pour le développement
de l’hydrogène décarboné en France.
La stratégie pour le développement de
l’hydrogène décarboné constitue un axe prioritaire d’investissement pour la
France, compte tenu :
• des enjeux environnementaux :
l’hydrogène est pourvoyeur de nombreuses solutions pour décarboner l’industrie
et les transports ;
• des enjeux économiques :
l’hydrogène offre l’opportunité de créer une filière et un écosystème
industriels créateurs d’emplois ;
• des enjeux de souveraineté énergétique :
pour réduire notre dépendance vis-à-vis des importations d’hydrocarbures ;
• des enjeux d’indépendance
technologique : pour valoriser les atouts dont dispose la France dans la
compétition mondiale.
Dotée d’une enveloppe significative
de 2 milliards d’euros dans le cadre du plan de relance, la stratégie pour le
développement de l’hydrogène décarboné s’étend au-delà de la période
2020-2022 et fixe une trajectoire qui court jusqu’en 2030 avec au total
7 milliards d’euros de soutien public.
La stratégie fixe ainsi trois
priorités.
Première priorité : décarboner
l’industrie en faisant émerger une filière française de l’électrolyse
• Faire émerger une filière française
de l’électrolyse : la stratégie retient l’électrolyse
qui apparaît comme le plus prometteur des procédés, sur lequel la France
dispose déjà d’industriels à fort potentiel. Le marché de la production
d’hydrogène décarboné par électrolyse doit évoluer vers des projets de plus
grande taille et de plus importante capacité. La France se fixe ainsi un
objectif de 6,5 GW d’électrolyseurs installés en 2030.
• Décarboner l'industrie en remplaçant
l'hydrogène carboné : l’objectif est de remplacer les procédés de production à
partir de combustibles fossiles pour décarboner cet hydrogène. C’est un des
axes de la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Deuxième priorité : développer
une mobilité lourde à l’hydrogène décarboné
• Développer une offre de mobilité
lourde à l’hydrogène : particulièrement adaptées aux véhicules lourds, les technologies
de l’hydrogène offrent une capacité de stockage complémentaire à celle des
batteries électriques. L’hydrogène répond aux besoins de fortes puissances
motrices ou aux besoins de longue autonomie, notamment pour les flottes
captives parcourant de longues distances à flux tendus. Le déploiement de
l’hydrogène sur ce segment répond à l’objectif de décarbonation de ces
mobilités dites « lourdes ».
• Développer des projets territoriaux
d’envergure en incitant à mutualiser les usages : pour accélérer le déploiement des
mobilités professionnelles à l’hydrogène sur le territoire national, la
stratégie propose la mutualisation de la demande, à la fois dans le secteur
industriel et dans celui de la mobilité, à l’échelle des territoires. Il s'agit
de faire émerger des partenariats forts entre collectivités et industriels afin
de synchroniser au mieux l’émergence de l’offre et le développement des usages.
Troisième priorité : soutenir
la recherche, l’innovation et le développement de compétences afin de favoriser
les usages de demain
• Soutenir la recherche et
l’innovation :
pour accélérer la préparation de la future génération des usages de
l’hydrogène, la stratégie propose un ensemble d’outils qui permettront de
poursuivre l’effort de R&D dans le domaine de l’hydrogène et rester à la
pointe au niveau international, la France possédant une recherche de premier
plan dans ce domaine, de soutenir l’innovation en faveur de l’industrialisation
de nouvelles technologies.
• Développer les compétences : la stratégie mise sur le
renforcement des compétences, afin de soutenir le développement des usages de
l’hydrogène sur le territoire. L’enjeu est de former à la spécificité du gaz
hydrogène et de ses utilisations, aux composants et aux modalités
d’intervention.
En janvier 2021, l’installation du
nouveau Conseil national de l’hydrogène a été annoncée, afin d’assurer la mise
en œuvre de la Stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène
décarboné. Ce nouveau conseil devra structurer les échanges entre l’État et les
parties prenantes (en particulier les filières industrielles) de la mise en
œuvre de la stratégie, et identifier les éventuels freins.
La loi Climat et Énergie et
l’ordonnance n° 2021-167 relative à l’hydrogène
La loi n° 2019-1147 du
8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (dite
« Énergie-Climat ») a complété l’article L. 100-4 du Code de
l’énergie de la politique énergétique nationale avec un objectif relatif à
l’hydrogène, à savoir « développer l'hydrogène bas-carbone et
renouvelable et ses usages industriel, énergétique et pour la mobilité, avec la
perspective d'atteindre environ 20 à 40 % des consommations totales
d'hydrogène et d'hydrogène industriel à l'horizon 2030 ».
En outre, la loi Énergie-Climat
habilite le gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure dans le domaine
de la loi aux fins de :
• définir la terminologie des
différents types d'hydrogènes en fonction de la source d'énergie utilisée pour
sa production ;
• permettre la production, le
transport, le stockage et la traçabilité de l'hydrogène ;
• définir un cadre de soutien
applicable à l'hydrogène produit à partir d'énergie renouvelable ou par
électrolyse de l'eau à l'aide d'électricité bas-carbone.
Ainsi, l’ordonnance
n° 2021-167 du 18 février 2021 vient compléter le Code de l’énergie par un
livre VIII dédié à l’hydrogène. Ce texte doit être complété par le pouvoir
réglementaire par l’adoption de différents décrets et arrêtés.
Définitions des différents types
d’hydrogènes
L’ordonnance définit les différents
types d'hydrogènes qui font l'objet de régimes particuliers, hydrogène
renouvelable, bas-carbone ou carboné.
L’« hydrogène » est désigné
comme le gaz composé, dans une proportion déterminée par arrêté du ministre
chargé de l'énergie, de molécules de dihydrogène, obtenu après mise en œuvre
d'un procédé industriel.
L'hydrogène
« renouvelable » est l'hydrogène produit soit par électrolyse en
utilisant de l'électricité issue de sources d'énergies renouvelables, soit par
toute une autre technologie utilisant exclusivement une ou plusieurs de ces
mêmes sources d'énergies renouvelables et n'entrant pas en conflit avec
d'autres usages permettant leur valorisation directe. Dans tous les cas, son
procédé de production émet, par kilogramme d'hydrogène produit, une quantité
d'équivalents dioxyde de carbone inférieure ou égale à un seuil.
L'hydrogène « bas-carbone »
est l'hydrogène dont le procédé de production engendre des émissions
inférieures ou égales au seuil retenu pour la qualification d'hydrogène
renouvelable, sans pouvoir, pour autant, recevoir cette dernière qualification,
faute d'en remplir les autres critères.
L'hydrogène « carboné » est
l'hydrogène qui n'est ni renouvelable, ni bas-carbone.
Systèmes de traçabilité pour attester
de l’origine de l’hydrogène
L’ordonnance prévoit deux systèmes de
traçabilité de l'hydrogène pour que son caractère bas-carbone ou renouvelable
puisse être connu de l'acheteur ou que cet acheteur sache que l'achat de la
garantie constitue un soutien effectif à une filière vertueuse :
• une « garantie d’origine »
pour l’hydrogène renouvelable ou bas carbone susceptible d’être mélangé à
d’autres gaz entre l’étape de production et l’étape de consommation ;
• une « garantie de
traçabilité » dès lors que l’hydrogène n’est pas mélangé à un autre type
d’hydrogène ou à un autre gaz entre l’étape de production et celle de
consommation et que la garantie émise est cédée en même temps que l’hydrogène
produit.
Les garanties d'origine et de
traçabilité seront gérées par un organisme indépendant, sur le modèle de celui
qui existe déjà pour les garanties d'origine de l'électricité renouvelable.
Ce système doit pouvoir accueillir les
garanties délivrées par nos voisins européens conformément à la directive (UE)
2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la
promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources
renouvelables.
Le cadre du soutien public à
l’hydrogène renouvelable et bas-carbone par électrolyse de l’eau
L'ordonnance prévoit également la
mise en place d'un mécanisme de soutien exclusivement pour les filières de
production d'hydrogène renouvelable ou bas-carbone par électrolyse de l'eau.
Le mécanisme de soutien pourra
prendre deux formes distinctes : une aide au fonctionnement ou une combinaison
d’une aide financière à l’investissement et d’une aide au fonctionnement.
Le soutien sera accordé à l’issue
d’une procédure de mise en concurrence, organisée selon les principes de
transparence d’égalité de traitement, décomposée en une phase de sélection
préalable des candidats éligibles et d’une phase de désignation qui reposera
sur des critères de rentabilité économique tels que le prix de l’hydrogène
produit mais aussi des critères environnement tels que le bilan de GES du
fonctionnement de l’installation et de sa contribution aux objectifs définis
par la loi énergie-climat.
L’aide sera formalisée par contrat
conclu entre le bénéficiaire et l’État. Ce contrat précise le montant de l'aide
accordée, qu'il s'agisse d'une aide au fonctionnement ou d'une aide à
l'investissement et au fonctionnement. Il détermine, notamment, les modalités
de versement de l'aide, leur durée, le rythme des versements et les conditions
auxquelles elle est subordonnée. Il comporte les engagements du bénéficiaire,
en termes économiques et environnementaux, sur la même période. La durée
maximale du contrat prévoyant une aide au fonctionnement ne peut dépasser vingt
années. Le niveau de l'aide au fonctionnement accordée ne peut conduire à ce
que la rémunération totale des capitaux immobilisés, résultant du cumul de
toutes les recettes prévisionnelles de l'installation et des aides financières
ou fiscales dont elle bénéficie, excède un niveau de rémunération raisonnable
des capitaux, compte tenu des risques inhérents aux activités sur lesquelles
porte l'aide.
Injection de l’hydrogène dans les
réseaux
L'ordonnance introduit plusieurs
dispositions relatives à l'injection d'hydrogène dans les réseaux de gaz
naturel. L'ordonnance prévoit, d'une part, qu’en cas d'injection, les gestionnaires
des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel doivent mettre en
œuvre les dispositions nécessaires pour assurer le bon fonctionnement et
l'équilibrage des réseaux, la continuité du service d'acheminement et de
livraison du gaz naturel et la sécurité des biens et des personnes. D'autre
part, l’ordonnance prévoit la mise en place d'un dispositif de garanties
d'origine du gaz renouvelable injecté dans le réseau de gaz naturel, auquel
serait éligible l'hydrogène renouvelable injecté dans le réseau de gaz naturel.
Modifications mineures de la législation en vigueur
Cette ordonnance prévoit deux
modifications mineures de la législation en vigueur. D'une part, une
modification du Code minier visant à étendre le régime légal applicable au stockage
souterrain à l'hydrogène. D'autre part, une extension des pouvoirs d'enquête et
de contrôle prévus par le Code de l'énergie (et applicables à l'électricité et
au gaz) à l'hydrogène.
La loi Climat et Résilience
Les articles 87 et 88 de la loi
n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement
climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite loi « Climat et
Résilience »), précisent le cadre juridique de la production d’hydrogène
renouvelable ou bas-carbone.
D’abord, la production d’hydrogène
renouvelable et bas-carbone intègre la liste des objectifs et priorités de la
politique énergétique nationale, définis à l’article L. 100-1 A du Code de
l’énergie. Cet article prévoit l’adoption, avant le 1er juillet
2023, puis tous les cinq ans, d’une « loi de programmation
quinquennale » qui déterminera les objectifs et fixera les priorités
d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l'urgence
écologique et climatique. Cette loi devra mettre en cohérence l’ensemble des
documents de planification de la politique énergétique de la France.
Ensuite, le législateur simplifie la
procédure d’occupation du domaine public de l’État par les installations de
production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone par électrolyse de l'eau. En
effet, le développement d’un projet de production d'hydrogène renouvelable ou
d'hydrogène bas-carbone sur le domaine public nécessite en principe deux mises
en concurrence :
• une mise en concurrence au titre de
l’article L. 2122-1-1 du Code général de la propriété des personnes publiques
(CGPPP). Depuis l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017, l’attribution
d’un titre permettant à son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine public
en vue d'une exploitation économique, doit faire l’objet d’une procédure de
sélection préalable présentant toutes les garanties d'impartialité et de
transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats
potentiels de se manifester, librement organisée par l'autorité compétente,
sauf exception ;
• une mise en concurrence destinée à
sélectionner les projets qui feront l’objet d’un soutien financier public au
titre de l’article L. 812-2 du Code de l’énergie.
Ces deux mises en concurrence
successives occasionnent des délais incompressibles tout en présentant une
incohérence dans leurs objectifs (maximisation du niveau du loyer à verser pour
l’occupation du domaine public d’un côté et réduire la dépense publique de
l’autre). La loi Climat et Résilience ajoute une exception (article L. 2122-1-3-1 du
CGPPP) et permet à l’autorité compétente de renoncer à effectuer une mise en
concurrence au titre du L. 2122-1-1 du CGPPP pour les projets de production
d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone par électrolyse de l'eau, dès lors
qu’ils font l’objet d’une mise en concurrence pour attribuer un soutien
financier public. L’autorité compétente conserve la faculté d’organiser une
procédure de mise en concurrence si elle le souhaite, et doit en toute
hypothèse imposer des conditions au projet via un cahier des charges.
Par ailleurs, le législateur complète
le Code général des collectivités territoriales (CGCT) pour permettre
l’intervention des collectivités territoriales dans les projets de production
de l’hydrogène renouvelable ou bas-carbone.
La loi Climat et Résilience complète
l’article L. 2224-32 du Code général des collectivités territoriales
(CGCT), qui autorise les communes et les EPCI, sur leur territoire, à aménager
et exploiter une nouvelle installation produisant de l’énergie (hydroélectricité,
énergies renouvelables ou valorisation énergétique des déchets ménagers). La
loi ajoute à cette liste des compétences des communes l’aménagement et
l’exploitation d’une nouvelle installation de production d’hydrogène
renouvelable ou bas-carbone. Le législateur autorise également les communes et
les EPCI à déléguer cette compétence à un tiers.
En principe, sauf exceptions légales
ou sauf autorisation prévue par décret en Conseil d'État, les collectivités
territoriales et leurs groupements ne peuvent pas prendre de participations
directes au capital d'une société commerciale ou de tout autre organisme à but
lucratif (art. L. 2253-1 et suivants ; art. L. 3231-6 et
suivants ; art. L. 4211-1 et L. 4253-3 et suivants). La loi
Climat et Résilience complète la dérogation issue de la loi n° 2015-992 du
17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte
(LTECV), en permettant aux collectivités territoriales et leurs groupements de
participer au capital d'une société commerciale (SA ou d'une SAS) dont l'objet
social est la production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone, par des
installations situées sur leur territoire ou des territoires limitrophes. Les
collectivités territoriales et leurs groupements peuvent consentir à ces sociétés
des avances en compte courant aux prix du marché et dans les conditions prévues
pour les sociétés d’économie mixte.
Enfin, le législateur confirme par
ailleurs sa volonté d’accélérer le développement du stockage de l’hydrogène.
L’article 81, 3°d) de la loi Climat et Résilience autorise en effet le
gouvernement à moderniser le droit minier par ordonnance, en « précisant les régimes légaux de stockages
souterrains et des mines afin, notamment, de définir les modalités de leur
extension à d’autres substances, comme l’hydrogène ».
Un enjeu européen
La stratégie hydrogène pour l’Union
européenne
La stratégie nationale s’inscrit dans
une logique européenne. La Commission européenne a publié en juillet 2020 sa
stratégie hydrogène pour l’Union européenne : l’Europe consacre ainsi
l’hydrogène comme une technologie clé pour atteindre ses objectifs climatiques
et la création d’emplois industriels.
À cette occasion, la Commission
européenne a créé la Clean Hydrogen Alliance, qui permettra d’organiser et
coordonner les travaux collectifs des États membres et des différents
industriels sur cette thématique.
La forte implication de la France
dans la Clean Hydrogen Alliance doit permettre de garantir la bonne
articulation entre la stratégie française et les travaux menés au niveau
européen. La France sera mobilisée, aux côtés de ses partenaires européens et
de la Clean Hydrogen Alliance, pour l’instruction et la construction d’un
Projet important d’intérêt européen commun (PIIEC), qui permet de financer
conjointement la création d’une chaîne de valeur à l’échelle européenne sur
l’hydrogène, à l’instar des projets qui ont été financés dans le cadre du
« plan batteries ». Des échanges rapprochés avec l’Allemagne
permettront notamment d’identifier des projets communs à porter dans le cadre
de ce PIIEC. La France sera également impliquée dans les travaux permettant de
lever différents verrous (règlementaires, normatifs, financiers) afin de
favoriser l’émergence d’une chaîne de valeur européenne durable et résiliente.
La stratégie française mobilisera
également les outils financiers développés par la Commission européenne dans le
cadre du plan de relance, notamment Next Generation EU.
Le cadre règlementaire européen pour
l’hydrogène renouvelable
La Commission européenne a lancé en
mai 2022 des consultations sur le cadre règlementaire de l’hydrogène
renouvelable, dans le cadre de la directive (UE) 2018/2001 (dite directive
RED II) relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à
partir de sources renouvelables (EnR) :
• une proposition de règlement
établissant les obligations pour l’électricité d’origine renouvelable à
utiliser pour produire les carburants d’origine renouvelable ;
• une proposition de règlement
établissant une méthodologie pour évaluer les réductions d’émissions de gaz à
effet de serre des carburants liquides et gazeux renouvelables et des
carburants à base de carbone recyclé.
Selon le communiqué de la Commission
européenne, la première proposition porte sur les carburants renouvelables
d’origine non-biologique. Ainsi, elle fixe les critères applicables aux
produits entrant dans la catégorie « hydrogène renouvelable ». Cette
dernière est importante pour atteindre les objectifs en matière d’énergies
renouvelables dans le secteur des transports. La deuxième proposition porte sur
la méthodologie pour les économies de GES. Elle propose un schéma détaillé pour
calculer les émissions sur le cycle de vie de l’hydrogène renouvelable, ainsi
que des carburants à base de carbone recyclé. Ceci pour atteindre le seuil de
réduction des émissions de gaz à effet de serre fixé dans la directive sur les
énergies renouvelables.
Une fois adoptés, ces documents
compléteront la proposition globale de la Commission relative à un cadre
réglementaire pour l’hydrogène renouvelable.
L’hydrogène permet de soutenir les
objectifs de décarbonisation de l’UE. Ceux-ci sont renforcés par l’objectif de
REPowerEU de supprimer progressivement la dépendance de l’UE à l’égard des
importations de gaz russe. Ainsi, ces actes délégués visent à permettre à l’UE
d’atteindre ses ambitions et de stimuler les investissements dans l’hydrogène.
Toutefois, la production d’hydrogène
pourrait inciter à la production d’électricité à partir de sources fossiles.
Par conséquent, cela compromettrait les avantages de l’hydrogène pour le
climat, tout comme son rôle dans le renforcement de la sécurité énergétique de
l’UE. C’est pourquoi la Commission fixe également des exigences qui garantiront
que l’augmentation de la production d’hydrogène renouvelable s’accompagne d’une
augmentation correspondante de la production d’électricité renouvelable.
L’hydrogène a été identifié comme un
élément important de la solution pour les secteurs difficiles à décarboniser.
Cela concerne l’aviation, la marine et certains secteurs industriels. Dans le
plan REPowerEU, la Commission présente le concept d’accélérateur d’hydrogène
afin de déployer cette nouvelle technologie encore plus rapidement. Ainsi, la
Commission dévoile des actions visant à accroître la demande et l’offre encore
plus rapidement et plus fortement que dans la stratégie 2020 pour l’hydrogène.
En outre, l’ambition de REPowerEU est
de produire 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable dans l’UE d’ici
à 2030. Ceci en augmentant les 5,6 millions de tonnes déjà prévues dans les
propositions du cadre de l’UE pour décarboniser les marchés du gaz publiées en
décembre 2021. De plus, l’Union souhaite importer 10 millions de tonnes
d’hydrogène renouvelable de pays tiers.
Pauline Maurus,
Avocate,
Cabinet Huglo Lepage Avocats