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Le pass sanitaire face à l’activité professionnelle

Le pass sanitaire face à l’activité professionnelle
Publié le 01/09/2021 à 14:20

Validé par le Parlement, le projet de loi concernant l’extension du pass sanitaire a également été approuvé, dans sa quasi-totalité, par le Conseil constitutionnel, le 5 août dernier. La nouvelle loi relative à la gestion de la crise sanitaire est donc parue le 6 août au Journal officiel, et est entrée en vigueur le 9 août. Dans ce contexte, dans quelles conditions le salarié doit-il disposer d’un pass sanitaire ? Et à quel moment l’employeur doit-il considérer qu’il peut mettre un terme au contrat de travail ? On fait le point.

 

 


Le projet de loi présenté par le gouvernement à l’Assemblée nationale et au Sénat a été validé, dans ses grandes largeurs, par les Sages de la rue de Montpensier. Seuls points de discorde : l’isolement obligatoire pendant 10 jours des cas positifs, et la possibilité pour les employeurs des secteurs concernés par le pass sanitaire de rompre le contrat de travail des salariés en CDD ou intérim récalcitrants. Ces deux mesures ont été jugées non conformes à la Constitution. Pour le reste, le Conseil constitutionnel a donné son feu vert.

 

 

Quels salariés sont concernés par le pass sanitaire ?


L’une des principales mesures de ce projet est l’extension du pass sanitaire aux salariés travaillant dans les activités suivantes : les salles d’auditions de conférences, de projection, de réunions ; les chapiteaux, tentes et structures ; les salles de concerts et de spectacles ; les cinémas les festivals (assis et debout) ; les événements sportifs clos et couverts ; les établissements de plein air ; les salles de jeux, escape-games, casinos ; les lieux de culte lorsqu’ils accueillent des activités culturelles et non cultuelles ; les foires et salons ; les parcs zoologiques, les parcs d’attractions et les cirques ; les musées et salles d’exposition temporaire ; les bibliothèques (sauf celles universitaires et spécialisées) ; les manifestations culturelles organisées dans les établissements d’enseignement supérieur ; les fêtes foraines comptant plus de 30 stands ou attractions ; tout événement, culturel, sportif, ludique ou festif, organisé dans l’espace public susceptible de donner lieu à un contrôle de l’accès des personnes ; les navires et bateaux de croisière avec hébergement ; les discothèques, clubs et bars dansants ; les cafés, restaurants ; les hôpitaux, maisons de retraite, établissements médico-sociaux ; et les transports de longue distance.


À rebours de ce que prévoyait le projet de loi initial, les grands magasins et centres commerciaux ne sont plus visés par la mesure. Cependant, au-delà d’une certaine taille qui sera fixée par décret (on évoquait 20 000 m2), le préfet du département pourra, sur la base d’une décision motivée, imposer le pass sanitaire lorsque les caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient.


Ainsi à compter du 30 août, les salariés exerçant dans ces activités devront présenter à leur employeur un pass sanitaire valide. À défaut de présentation, l’employeur devra proposer au salarié la prise de congés payés ou de RTT afin de disposer d’un délai pour se conformer à son obligation.


Si le salarié ne souhaite pas prendre des jours de congés ou de RTT, alors l’employeur pourra lui notifier la suspension de son contrat de travail et de sa rémunération. Si la situation perdure pendant un délai de trois jours travaillés, l’employeur devra convoquer le salarié à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d’affectation, temporaire le cas échéant, au sein de l’entreprise, sur un autre poste non soumis à cette obligation. Sur ce point, et compte tenu des activités visées, l’affectation temporaire sera quasi impossible.


Enfin, lors de l’examen du projet de loi au Sénat, ce dernier a supprimé la possibilité de licencier le salarié.


La chambre haute a également supprimé le délai de deux mois. Ainsi, la situation peut être prolongée plus de deux mois.

 


Quid de la rupture de contrat ?


Dans ces conditions, à quel moment l’employeur doit-il considérer qu’il peut mettre un terme au contrat de travail ?


L’absence de délai génère une situation d’insécurité juridique pour l’employeur, à qui il reviendra de se faire juge du délai qu’il estime raisonnable pour mettre un terme à la relation de travail.


La question se posera également de l’appréciation qu’en feront les Conseils de prud’hommes, en cas de contestation de la mesure de licenciement.


A contrario, le Sénat a laissé la possibilité de rompre le contrat à durée indéterminée et le contrat de travail temporaire avant l’échéance du terme pour absence de présentation d’un pass sanitaire valide. Toutefois, comme indiqué ci-dessus, le 5 août dernier les Sages du Conseil constitutionnel ont censuré les dispositions de la loi sanitaire prévoyant qu’un CDD ou contrat d’intérim puisse être rompu « avant son terme » par l’employeur, faute de pass sanitaire.


Cette absence de recul sur la réalité des relations de travail au quotidien se fait au détriment de la relation employeur-salarié, relation pourtant fragile qu’il aurait fallu préserver.


En toute hypothèse, si l’employeur décide de rompre le contrat de travail, il devra fonder sa décision sur un motif légitime.

Le motif pourrait être la désorganisation de l’entreprise. Il s’agit, néanmoins, d’un motif de licenciement strictement encadré (durée de l’absence et respect des garanties conventionnelles éventuelles) et apprécié sévèrement par les conseils de prud’hommes. De surcroît, l’employeur ne peut licencier sur ce motif que s’il pourvoit de manière définitive au poste du salarié licencié qui, de son côté, peut saisir le conseil de prud’hommes pour invoquer que son licenciement est discriminatoire car fondé sur son état de santé ;

Le motif pourrait être l’inaptitude : l’exercice de l’activité professionnelle étant subordonnée à la validité du pass sanitaire, le fait de ne pas le présenter peut rendre le salarié inapte à occuper son poste. Encore faut-il que les médecins du travail acceptent ce motif et surtout qu’ils ne le considèrent pas comme professionnel, ce qui, économiquement, pourrait être fatal à l’employeur du fait du régime favorable des indemnités de rupture, surtout pour les activités concernées déjà gravement impactées par la crise sanitaire.

En l’absence de réponse claire et précise du ministère du Travail sur le sujet, il reviendra à la jurisprudence de définir les conditions et aux employeurs de prendre le risque d’une condamnation.


Cependant, il convient d’être prudent sur la notion de pass sanitaire.

À la lecture des textes, il apparaît qu’en réalité, le pass sanitaire recoupe trois situations.


Ainsi, le pass sanitaire est considéré comme valide si :

1. le salarié dispose d’un schéma vaccinal complet :

7 jours après la 2e injection pour les vaccins à double injection (Pfizer, Moderna, AstraZeneca) ;

4 semaines après l’injection pour les vaccins avec une seule injection (Johnson & Johnson) ;

7 jours après l’injection pour les vaccins chez les personnes ayant eu un antécédent de Covid (1 seule injection).

2. le salarié présente la preuve d’un test négatif de moins de 48h ;

3. le salarié présente le résultat d’un test RT-PCR ou antigénique positif attestant du rétablissement du Covid-19, datant d’au moins 11 jours et de moins de  6 mois.

En conséquence, si le salarié se présente avec la preuve d’un test RT-PCR de moins de 48 heures, il doit le faire travailler. Il en est de même pour un salarié présentant le résultat d’un test RT-PCR ou antigénique positif attestant du rétablissement du Covid-19, datant d’au moins 11 jours et de moins de six mois.

 

En résumé :


Un salarié peut-il aller travailler sans être vacciné ?

Oui (sauf pour le personnel médico-social), dès lors que le salarié dispose d’un pass sanitaire valide. Il peut donc parfaitement présenter tous les deux jours, un test RT-PCR.

Le cas échéant, peut-il se voir refuser l’accès à ses locaux s’il n’est pas vacciné ? Est-ce légal ?

Non, l’employeur ne peut pas refuser l’accès à un salarié qui n’est pas vacciné (sauf exception). Il doit refuser l’accès au salarié qui ne dispose pas d’un pass sanitaire valide.

L’employeur peut-il imposer la vaccination à ses salariés ou candidats à l’embauche ?

Non (sauf exception), il ne peut pas imposer la vaccination à ses salariés ou candidats à l’embauche. L’employeur peut imposer la validité du pass sanitaire seulement.

 

 

Focus sur l’obligation vaccinale


Enfin, il convient de revenir sur les exceptions ci-dessus exposées.

L’article 5 du projet de loi met en place une obligation vaccinale pour les salariés exerçant dans les activités suivantes (liste non exhaustive) :

les établissements de santé ;

les centres de santé ; les centres de soins ;

les services de prévention et de santé au travail et les services de prévention et de santé au travail interentreprises ;

les établissements et services sociaux et médico-sociaux ;

les résidences-services destinées à l’accueil des personnes âgées ou handicapées ;

les habitats inclusifs ;

les psychologues, les ostéopathes ou chiropracteurs ;

les professionnels employés par un particulier ;

les sapeurs-pompiers et les marins-pompiers, les pilotes et personnels navigants de la sécurité civile, les militaires des missions de sécurité civile ;

les personnes exerçant l’activité de transport sanitaire mentionnée à l’article L. 6312-1 du Code de la santé publique ;

les prestataires de services et les distributeurs de matériels mentionnés à l’article L. 5232-3 du Code de la santé publique.


Actuellement, le personnel soignant travaillant dans des établissements de santé ou hébergeant des personnes âgées « doit être immunisé » contre un certain nombre de maladies, comme l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos ou encore la poliomyélite.


L’obligation est posée dans l’article L. 3111-4 du Code de la santé publique. Étendre cette obligation au Covid-19 nécessiterait donc une modification législative.


La validation du projet de loi, le 5 août dernier, par le Conseil constitutionnel, entérine définitivement la proposition de loi. Dans leur décision, les Sages ont rappelé que la protection de la santé a une valeur constitutionnelle, elle est inscrite dans le préambule de la Constitution de 1946.

 

Anne Pineau

Avocate,

ORATIO Avocats (Nantes)

 

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