Validé par le Parlement, le projet de loi concernant l’extension
du pass sanitaire a également été approuvé, dans sa quasi-totalité, par le
Conseil constitutionnel, le 5 août
dernier. La nouvelle loi relative à la gestion de la crise sanitaire est donc
parue le 6 août
au Journal officiel, et est entrée en vigueur le 9 août. Dans ce contexte, dans
quelles conditions le salarié doit-il disposer d’un pass sanitaire ? Et à
quel moment l’employeur doit-il considérer qu’il peut mettre un terme au
contrat de travail ? On fait le point.
Le projet de loi présenté par le gouvernement à l’Assemblée nationale et
au Sénat a été validé, dans ses grandes largeurs, par les Sages de la rue de
Montpensier. Seuls points de discorde : l’isolement obligatoire pendant 10 jours des cas positifs, et la possibilité
pour les employeurs des secteurs concernés par le pass sanitaire de rompre le
contrat de travail des salariés en CDD ou intérim récalcitrants. Ces deux
mesures ont été jugées non conformes à la Constitution. Pour le reste, le
Conseil constitutionnel a donné son feu vert.
Quels
salariés sont concernés par le pass sanitaire ?
L’une des principales mesures de ce projet est l’extension du pass
sanitaire aux salariés travaillant dans les activités suivantes : les
salles d’auditions de conférences, de projection, de réunions ; les
chapiteaux, tentes et structures ; les salles de concerts et de
spectacles ; les cinémas les festivals (assis et debout) ; les
événements sportifs clos et couverts ; les établissements de plein
air ; les salles de jeux, escape-games, casinos ; les lieux de culte
lorsqu’ils accueillent des activités culturelles et non cultuelles ; les
foires et salons ; les parcs zoologiques, les parcs d’attractions et les
cirques ; les musées et salles d’exposition temporaire ; les
bibliothèques (sauf celles universitaires et spécialisées) ; les
manifestations culturelles organisées dans les établissements d’enseignement
supérieur ; les fêtes foraines comptant plus de 30 stands ou attractions ; tout événement, culturel, sportif, ludique ou
festif, organisé dans l’espace public susceptible de donner lieu à un contrôle
de l’accès des personnes ; les navires et bateaux de croisière avec
hébergement ; les discothèques, clubs et bars dansants ; les cafés, restaurants ; les hôpitaux,
maisons de retraite, établissements médico-sociaux ; et les transports de
longue distance.
À rebours
de ce que prévoyait le
projet de loi initial, les grands magasins et centres commerciaux ne sont plus
visés par la mesure. Cependant, au-delà d’une certaine taille qui sera fixée
par décret (on évoquait 20 000 m2), le préfet du département pourra, sur la
base d’une décision motivée, imposer le pass sanitaire lorsque les
caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient.
Ainsi à compter du 30 août, les
salariés exerçant dans ces activités devront présenter à leur employeur un pass
sanitaire valide. À défaut de présentation,
l’employeur devra proposer au salarié la prise de congés payés ou de RTT afin
de disposer d’un délai pour se conformer à son obligation.
Si le salarié ne souhaite pas
prendre des jours de congés ou de RTT, alors l’employeur pourra lui notifier la
suspension de son contrat de travail et de sa rémunération. Si la situation perdure pendant un délai de trois
jours travaillés, l’employeur devra convoquer le salarié à un entretien afin
d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les
possibilités d’affectation, temporaire le cas échéant, au sein de l’entreprise,
sur un autre poste non soumis à cette obligation. Sur ce point, et compte tenu des activités visées, l’affectation
temporaire sera quasi impossible.
Enfin, lors de l’examen du projet de loi au Sénat, ce dernier a supprimé
la possibilité de licencier le salarié.
La chambre haute a
également supprimé le délai de deux mois. Ainsi, la situation peut être
prolongée plus de deux mois.
Quid de la rupture de
contrat ?
Dans ces conditions, à quel moment l’employeur doit-il considérer qu’il
peut mettre un terme au contrat de travail ?
L’absence de délai génère une situation d’insécurité juridique pour
l’employeur, à qui il reviendra de se faire juge du délai qu’il estime
raisonnable pour mettre un terme à la relation de travail.
La question se posera également de l’appréciation qu’en feront les
Conseils de prud’hommes, en cas de contestation de la mesure de licenciement.
A contrario, le Sénat a laissé la
possibilité de rompre le contrat à durée indéterminée et le contrat de travail
temporaire avant l’échéance du terme pour absence de présentation d’un pass
sanitaire valide. Toutefois, comme indiqué ci-dessus, le 5 août dernier les Sages du Conseil constitutionnel ont censuré les
dispositions de la loi sanitaire prévoyant qu’un CDD ou contrat d’intérim
puisse être rompu « avant son terme » par l’employeur, faute
de pass sanitaire.
Cette absence de recul sur la réalité des relations de travail au
quotidien se fait au détriment de la relation employeur-salarié, relation
pourtant fragile qu’il aurait fallu préserver.
En toute hypothèse, si l’employeur décide de rompre le contrat de travail,
il devra fonder sa décision sur un motif légitime.
• Le motif pourrait être la désorganisation de
l’entreprise. Il s’agit, néanmoins, d’un motif de licenciement strictement
encadré (durée de l’absence et respect des garanties conventionnelles
éventuelles) et apprécié sévèrement par les conseils de prud’hommes. De
surcroît, l’employeur ne peut licencier sur ce motif que s’il pourvoit de
manière définitive au poste du salarié licencié qui, de son côté, peut saisir
le conseil de prud’hommes pour invoquer que son licenciement est
discriminatoire car fondé sur son état de santé ;
• Le
motif pourrait être l’inaptitude : l’exercice de l’activité
professionnelle étant subordonnée à la validité du pass sanitaire, le fait de
ne pas le présenter peut rendre le salarié inapte à occuper son poste. Encore
faut-il que les médecins du travail acceptent ce motif et surtout qu’ils ne le
considèrent pas comme professionnel, ce qui, économiquement, pourrait être
fatal à l’employeur du fait du régime favorable des indemnités de rupture,
surtout pour les activités concernées déjà gravement impactées par la crise
sanitaire.
En l’absence de réponse claire et précise du ministère du Travail sur le
sujet, il reviendra à la jurisprudence de définir les conditions et aux
employeurs de prendre le risque d’une condamnation.
Cependant, il convient d’être prudent sur la notion de pass
sanitaire.
À la lecture des textes, il apparaît qu’en réalité, le pass
sanitaire recoupe trois situations.
Ainsi, le pass sanitaire est considéré comme valide si :
1. le
salarié dispose d’un schéma vaccinal complet :
• 7 jours après la 2e injection pour les vaccins à double injection
(Pfizer, Moderna, AstraZeneca) ;
• 4 semaines après l’injection pour les vaccins avec une seule injection
(Johnson & Johnson) ;
• 7 jours après l’injection pour les vaccins chez les personnes ayant eu un
antécédent de Covid (1 seule injection).
2. le
salarié présente la preuve d’un test négatif de moins de 48h ;
3. le salarié présente le
résultat d’un test RT-PCR ou antigénique positif attestant du rétablissement du
Covid-19, datant d’au moins 11 jours et de moins de 6 mois.
En conséquence, si le salarié se présente avec la preuve d’un test RT-PCR
de moins de 48 heures, il doit le faire travailler. Il en est de
même pour un salarié présentant le résultat d’un test RT-PCR ou antigénique
positif attestant du rétablissement du Covid-19, datant d’au moins 11 jours et de moins de six mois.
En résumé :
Un salarié peut-il aller travailler sans être vacciné ?
Oui (sauf pour le personnel médico-social), dès lors que le salarié
dispose d’un pass sanitaire valide. Il peut donc parfaitement présenter tous
les deux jours, un test RT-PCR.
Le cas échéant, peut-il se voir refuser l’accès à ses locaux s’il n’est
pas vacciné ? Est-ce légal ?
Non, l’employeur ne peut pas refuser l’accès à un salarié qui n’est pas
vacciné (sauf exception). Il doit refuser l’accès au salarié qui ne dispose pas
d’un pass sanitaire valide.
L’employeur peut-il imposer la vaccination à ses salariés ou candidats à
l’embauche ?
Non (sauf exception), il ne peut pas imposer la vaccination à ses salariés
ou candidats à l’embauche. L’employeur peut imposer la validité du pass
sanitaire seulement.
Focus sur
l’obligation vaccinale
Enfin, il convient de revenir sur les exceptions ci-dessus exposées.
L’article 5 du projet de loi met en place une obligation
vaccinale pour les salariés exerçant dans les activités suivantes (liste non
exhaustive) :
• les établissements de
santé ;
• les centres de
santé ; les centres de soins ;
• les services de
prévention et de santé au travail et les services de prévention et de santé au
travail interentreprises ;
• les
établissements et services sociaux et médico-sociaux ;
• les résidences-services
destinées à l’accueil des personnes âgées ou handicapées ;
• les habitats
inclusifs ;
• les psychologues, les
ostéopathes ou chiropracteurs ;
• les professionnels
employés par un particulier ;
• les sapeurs-pompiers et
les marins-pompiers, les pilotes et personnels navigants de la sécurité civile,
les militaires des missions de sécurité civile ;
les personnes exerçant l’activité de transport sanitaire mentionnée à
l’article L. 6312-1 du Code de la santé publique ;
• les prestataires de
services et les distributeurs de matériels mentionnés à l’article L. 5232-3 du Code de la santé publique.
Actuellement, le personnel soignant
travaillant dans des établissements de santé ou hébergeant des personnes âgées
« doit être immunisé » contre un
certain nombre de maladies, comme l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos ou
encore la poliomyélite.
L’obligation est posée dans l’article L. 3111-4 du Code de
la santé publique. Étendre cette obligation au Covid-19 nécessiterait donc une
modification législative.
La validation du projet de loi, le 5 août dernier, par le
Conseil constitutionnel, entérine définitivement la proposition de loi. Dans
leur décision, les Sages ont rappelé que la protection de la santé a une valeur
constitutionnelle, elle est inscrite dans le préambule de la Constitution de
1946.
Anne Pineau
Avocate,
ORATIO Avocats (Nantes)