La Haute juridiction a estimé
que les peines prononcées n’étaient pas « disproportionnées »
au regard de l’entrave à la liberté de circulation des voyageurs affectés par
leur réunion « sans autorisation préalable ». Elle reconnaît
néanmoins que les actions menées par les militants se sont inscrites dans le
cadre de « manifestations pacifiques portant sur un sujet d’intérêt
général ».
Les pourvois n’auront pas suffi.
En octobre et décembre 2018, 16 activistes de l’association Handi-Social
avaient bloqué la gare de Toulouse et l’aéroport de Blagnac afin d’obtenir la
mise en accessibilité de la gare, promise de longue date, et de protester
contre le recul des droits des personnes handicapées et notamment la loi Elan
qui a divisé par cinq la production de logements neufs accessibles.
Pour entrave à la navigation et
à la circulation d’un aéronef, la cour d’appel de Toulouse avait prononcé des
peines de prison et des amendes en mai 2021, avant de ne finalement infliger
que des amendes allant jusqu’à 2 000 euros, dont 1 400 euros avec
sursis. Toutefois, estimant ces peines « disproportionnées »,
les militants se sont pourvus en cassation afin de les faire annuler et obtenir
la relaxe.
Ce 8 janvier, la Cour de
cassation a rendu le délibéré de l’audience du 23 octobre dernier qui s’est
tenue à la suite des pourvois formés ; un délibéré qui donne raison à la
cour d’appel de Toulouse et qui maintient les peines prononcées.
Une atteinte aux libertés des
voyageurs qualifiée
La Cour de cassation a en
effet jugé que, bien que les comportements des prévenus s’inscrivaient dans une
démarche de protestation politique et que la réunion « pacifique »
n’avait pas engendré de violences, le fait que l’ampleur des perturbations
« dépasse celles qu'implique l'exercice normal de la liberté de réunion
pacifique », ces dernières « [pouvaient] être considérées
comme des “actes répréhensibles” au sens de la jurisprudence de la Cour, et
pareil comportement peut justifier l'imposition de sanctions, y compris de
nature pénale ».
La juridiction rappelle que
les manifestants ont perturbé intentionnellement la vie quotidienne et les activités
licites d’autrui. 500 passagers du train retardé ont été affectés par la
réunion « sans autorisation préalable », et plus de 1 800
usagers ont subi des annulations, déroutements ou retards de vols qui ont
« représent[é] des coûts pour les voyageurs » dont la liberté
de circulation a été atteinte.
Les juges reconnaissent
malgré tout que le choix d’entraver particulièrement la gare et l’aéroport
s’inscrivait bien dans la démarche militante que les contrevenants
revendiquaient. Ont toutefois été retenus pour valider les peines prononcées
par la cour d’appel de Toulouse : le caractère attentatoire aux activités des
usagers et les délits commis, qui présentent un degré de gravité modéré mais
qui ne doivent pas être « banalisés », « susceptibles
de donner l'idée à d'autres de procéder de même, et de rendre les circulations
ferroviaire et aérienne complexes et risquées, voire dangereuses ».
L’« ingérence
disproportionnée » à la liberté d’expression rejetée
Par ailleurs, « compte
tenu de la nature et du contexte de l'agissement en cause », les
manifestants ont estimé que les peines prononcées constituaient une « ingérence
disproportionnée dans l'exercice de la liberté d'expression », ce que
la cour d’appel de Toulouse n’avait pas retenu dans sa décision jugée non
« justifiée » au regard des articles 10 de la Convention
européenne des droits de l'Homme, L. 6372-4, 4° et L. 6100-1 du Code des
transports et ainsi violé les articles 591 à 593 du Code de procédure pénale.
La Haute juridiction rappelle
dans sa décision du 8 janvier que la cour d’appel de Toulouse n’a pas
sanctionné leur droit de réunion et de surcroît leur liberté d’expression, mais
bien les conséquences induites par leur réunion. Il est notamment
précisé : « La Cour européenne des droits de l'Homme, s'agissant
des manifestations pacifiques, considère que la question de la liberté
d'expression est difficilement séparable de celle de la liberté de
réunion. »
La Cour de cassation a jugé
« les déclarations de culpabilité et les peines prononcées [non]
disproportionnées » et l’arrêt critiqué par les manifestants « régulier
en la forme », rejetant ainsi les pourvois formés.
Pour la présidente de
l’association Handi-social, Odile Maurin, l’arrêt de la cour d’appel illustre
pourtant « le validisme judiciaire et le caractère systémique de
l’exclusion des personnes handicapées », a-t-elle twitté le jour de la
décision. Un communiqué de l’association a pour sa part pointé que les « les
droits humains ne s’appliquent toujours pas aux personnes handicapées, comme si
nous relevions d’une autre humanité, alors que les obstacles à notre
participation à la vie en société ne sont pas le fruit de nos incapacités ou
déficiences, mais bien les choix d’une société inaccessible et inadaptée à tous ».
Avant de nuancer et de saluer une évolution jurisprudentielle des peines plus
proportionnelles en cas de désobéissance civile non-violente.
À défaut donc d’avoir obtenu
la relaxe, les militants ont donc contribué à cette évolution. Ils envisagent
toutefois de porter l’affaire devant la Cour européenne des Droits de l’homme.
Affaire à suivre ?
Allison
Vaslin