Lors d’une
table ronde organisée le 28 juin 2021 dans le cadre de l’exercice
« Dialogues à l’École de droit », les étudiants de l’École de droit de l’Université Paris II Panthéon-Assas ont débattu avec leurs invités de
la pratique des avocats, à l’heure où la justice fait face à de nombreux
enjeux.
Le
28 juin dernier, les étudiants de l’École de droit d'Assas ont organisé une table ronde
sur le thème « Stratégie des contentieux », inspirée de l’ouvrage Stratégie du
contentieux de l’avocat et docteur en droit Xavier Vuitton (1). À cette
occasion, ont débattu avec l’auteur les avocats Jean-Daniel Bretzner
(Bredin-Prat), Mathieu Brochier (Darrois-Brochier), ainsi qu’Alice Pézard,
ancien conseiller à la Cour de cassation, désormais avocate. Les élèves de
l’École de droit ont pu interroger les invités sur la pratique des avocats face
aux évolutions contemporaines de la justice.
Bons
avocats = bons magistrats ?
Au cours de
cette table ronde, il a beaucoup été question des relations entre avocat et
magistrat, qui sont tous deux des auxiliaires de justice participant au service
public de la justice, comme l’a rappelé le professeur Pierre-Yves Gautier,
également présent. Pour Xavier Vuitton, si l’on veut avoir de bons magistrats,
il faut de bons avocats.
Ainsi,
l’assignation, qui marque le début de l’instance et qui, selon Mathieu
Brochier, doit être une « claque »
pour l’adversaire, exige une rédaction claire et concise pour emporter la
conviction du juge. Si la concision est gage de crédibilité auprès des
magistrats, il faut toutefois, selon Xavier Vuitton, se rebeller contre les
tentatives d’évacuation des dossiers entraînées par l’exigence de concentration
des moyens de la jurisprudence Cesareo (2).
Les robes noires avancent des pistes pour accroître
l’efficacité de la justice
Les invités ont par
ailleurs évoqué des pistes d’évolution pour accroître l’efficacité de la
justice. Si Alice Pézard a émis l’idée de limiter la durée des procès afin de
rendre des jugements dans un temps raisonnable, Xavier Vuitton s’est au
contraire dit opposé aux délais couperets, lesquels constituent à son sens une
atteinte au droit d’accès au juge. L’efficacité passera par le renforcement du
rôle du magistrat dans la phase de mise en état, a-t-il estimé. Ce rôle
proactif du juge doit toutefois être limité, et Jean-Daniel Bretzner a critiqué
l’arrêt Dauvin (3), en ce qu’il permet au juge de soulever d’office un moyen à
un stade avancé du procès, passant outre le principe du contradictoire. La
crise sanitaire a montré que le recours aux modes alternatifs des règlements
avait de beaux jours devant lui, même si la décision d’y recourir dépend de
plusieurs facteurs, et notamment de l’accord du client, dont l’avocat doit
parfois vaincre la résistance.
Enfin, les intervenants
ont insisté sur la nécessité de protéger et de développer l’oralité des débats.
Celle-ci permet au juge de saisir rapidement les points délicats, ayant une
fonction réparatrice et d’adhésion pour le client, elle est enfin un temps fort
pour l’avocat. Pour conclure, comme l’a noté Mathieu Brochier, le procès est « une chose vivante » nécessitant de la
part des avocats une créativité sans limite. La justice prédictive, loin de
constituer un frein à cette créativité, doit au contraire pousser les avocats à
redoubler d’ingéniosité. Il ne faut pas oublier que l’élaboration d’une
stratégie contentieuse est, selon les termes de Pierre-Yves Gautier, un travail
« artisanal ».
NOTES :
1) LexisNexis, 2020,
préface P.-Y. Gautier.
2) V. Cass. ass.
plén., 7 juill. 2006 : JCP G 2007, II, 10070, note G. Wiederkehr ; RTD civ.
2006, p. 825, obs. R. Perrot.
3) V. Cass. ass.
plén., 21 déc. 2007 : JCP G 2008, II, 10006, note L. Weiller ; RTD civ. 2008,
p. 317, obs. P.-Y. Gautier.
Margaux
Lelong