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Les greffiers enregistrent un rebond exceptionnel de la création d'entreprise post-confinement

Les greffiers enregistrent un rebond exceptionnel de la création d'entreprise post-confinement
Publié le 21/09/2020 à 17:43

Une étude réalisée par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce et l'institut Xerfi I+C met en exergue une augmentation de 10 % du nombre de créations d’entreprises en juin/juillet par rapport à 2019. Cependant, la chute du nombre d'entreprises en difficulté, en raison des aides gouvernementales accordées, pourrait bien être suivie par des défaillances en série ces prochains mois.

 

Les chiffres ont créé la surprise : les greffes des tribunaux de commerce ont enregistré un rebond exceptionnel de l'entrepreneuriat en juin et en juillet. En effet, avec près de 83 000 immatriculations sur ces deux mois, les créations d’entreprises ont explosé de 10 % par rapport à la même période l’an dernier.

Pourtant, au début du confinement, elles s’étaient écroulées, allant même jusqu’à chuter de plus de 54 % – « une situation totalement inédite qui traduisait la violence du choc économique auquel nous avons dû faire face, avec une mise à l’arrêt totale dans certains secteurs, et deux mois d'activité quasiment nuls en termes de rentrée de chiffre d’affaires », souligne Laurent Frelat, directeur général de l'Institut Xerfi I+C, à l’occasion d’une conférence de presse.

Comment expliquer alors ce soubresaut entrepreneurial ? Tout d’abord par un effet de rattrapage. Certains projets gelés pendant le confinement ont resurgi à partir du 15 mai, mais pas seulement, puisqu’une dynamique nouvelle s’est également créée. Plusieurs secteurs ont vu dans la crise l’occasion de se lancer dans un projet entrepreneurial et ont bénéficié d’un fort courant d’affaires, d’une demande soutenue de la part des consommateurs et de partenariats passés avec des acteurs majeurs, ce qui a boosté la création de micro-entreprises. Un phénomène déjà observé en 2019, mais amplifié par la crise.

Pour autant, « Il ne faut pas crier victoire, prévient Laurent Frelat. Globalement, on reste sur un rythme annuel, avec une moyenne mobile glissante » : sur l’ensemble du trimestre, si l’on compare à 2019, le nombre de créations d’entreprise est en baisse de 5,5 %. Pour résumer, le rebond de l’été ne suffit pas totalement à compenser le manque à gagner de la période du confinement. Mais la tendance, si elle se poursuit, devrait permettre d’arriver a minima à une année blanche – une situation « exceptionnelle, compte tenu du contexte », estime-t-il.

Chute de 43 % des procédures collectives

Autre situation inattendue : seules un peu plus de 6 000 ouvertures de procédures collectives ont été enregistrées entre le 1er mai et le 31 juillet 2020, soit une baisse de 43 % à un an d’intervalle. Avec 500 à 800 ouvertures par quinzaine pendant le confinement, puis 1 000 depuis le déconfinement, les chiffres ont été pratiquement divisés par deux par rapport à la normale. En cause : les mesures gouvernementales prises face à la crise. Les prêts garantis par l’État, le gel des cotisations et le chômage partiel sont ainsi venus soutenir les entreprises, créer des liquidités et assainir la trésorerie. « Le pire a été évité alors que les faillites en chaîne étaient plausibles », observe Laurent Frelat, qui souligne par ailleurs que les entreprises se retrouvent aujourd’hui dans une « situation paradoxale d’excès de liquidités des entreprises ». Au même titre d’ailleurs que pour les revenus des ménages, puisque ces derniers ont constitué pas moins de 70 milliards d’euros d’épargne de précaution.

En effet, alors que les dépôts à vue dont disposent les entreprises constituent, en règle générale, 4 mois des charges auxquelles ils doivent faire face, ils constituent actuellement plus de 6 mois de charges. Toutefois, si cette situation de trésorerie est plus confortable qu’avant la crise, « ce n’est pas pour autant une situation rassurante pour l'avenir, alerte le directeur général de l'Institut Xerfi I+C. On est face à un certain nombre d’entreprises zombies, qui ne survivent que parce qu’elles bénéficient des aides gouvernementales, mais qui n’ont pas d’activité réelle, et pas de possibilité de perdurer grâce à leur activité à proprement parler. »

En effet, alors que les dépôts à vue dont disposent les entreprises constituent, en règle générale, 4 mois des charges auxquelles ils doivent faire face, ils constituent actuellement plus de 6 mois de charges. Toutefois, si cette situation de trésorerie est plus confortable qu’avant la crise, « ce n’est pas pour autant une situation rassurante pour l'avenir, alerte le directeur général de l'Institut Xerfi I+C. On est face à un certain nombre d’entreprises zombies, qui ne survivent que parce qu’elles bénéficient des aides gouvernementales, mais qui n’ont pas d’activité réelle, et pas de possibilité de perdurer grâce à leur activité à proprement parler. »

Le nord de la France et les activités de transport tirent leur épingle

Dans le détail, les résultats régionaux indiquent que les régions les plus dynamiques en termes de création d’entreprise et les moins affectées en termes de procédures collectives sont des régions qui ont pu être, paradoxalement, durement affectées par la crise et les mesures de confinement. L’Île-de-France et les Hauts-de-France figurent ainsi parmi les régions qui rebondissent le plus fort à l’issue du 15 mai. À l'inverse, les régions du sud connaissent aujourd’hui plus de difficultés, enregistrent moins de créations d’entreprises et sont plus sujettes aux défaillances, à l’instar de la Corse (-20,5 % d'immatriculations), de l’Occitanie (-12,4 %), de la région PACA (-11,9 %)

Un phénomène qui s’explique compte tenu du tissu économique, puisque les régions sud sont plus largement dépendantes du tourisme, de la culture et du spectacle vivant, ou encore de l’industrie aéronautique en Occitanie. Ce sont donc beaucoup plus les structures de l’activité économique régionale qui justifient ces différences de résultat que l’importance de la crise sanitaire jusqu’au mois de mai. Un premier constat sera être étayé par le bilan national réalisé au mois de janvier 2021.

Les résultats par secteur, en termes de créations d’entreprises et d’ouvertures de procédures collectives, mettent quant à eux en évidence de nouvelles données atypiques. Seuls secteurs à avoir vu leur nombre de créations d'entreprises augmenter sur la période, le transport et l'entreposage ont bénéficié du dynamisme des acteurs de la foodtech (Uber Eats, Deliveroo, Just Eat). 10 % des entreprises créées entre mai et juillet relèvent ainsi des activités de livraison de repas. À l'inverse, le ralentissement de l'entrepreneuriat s’est confirmé dans les secteurs de l'hébergement et de la restauration, qui ont vu leur nombre d'immatriculations chuter de 29 % sur la période.

Des chiffres « à mettre en relation directe avec les conséquences du confinement et de la crise sanitaire, puisqu’on retrouve la volonté de faire venir jusque chez soi un certain nombre de produits (d’alimentation) à travers les résultats d’hébergement et de restauration, un des secteurs les plus affectés », note Laurent Frelat.

Bientôt des faillites en cascade ?

Quid de la suite, désormais ? Sophie Jonval, présidente du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC), assure que les greffiers seront « très attentifs aux semaines et aux mois décisifs qui arrivent, puisque les moratoires ont pris fin, et les entreprises vont devoir faire face à leurs engagements ».

La présidente du CNGTC l’avoue : il est encore « difficile de prévoir à quel moment il y aura une vague de défaillances d’entreprises ». Sophie Jonval espère cependant que cette vague sera limitée par « l’effet diffus des mesures gouvernementales, qui ne vont pas s'arrêter brutalement » et forme le vœu que les chefs d’entreprise « aient donc recours aux mesures préventives plutôt qu’aux procédures collectives ». En effet, plus la situation est anticipée, plus elle permet d’éviter des processus liquidatifs amenant à la fin de l’entreprise. « Si vague il y a, il est donc à souhaiter que ce soit une vague de mesures préventives ou de sauvegardes. Espérons que les chefs d'entreprises n’hésitent pas à se tourner vers leurs conseils », soutient-elle. Plusieurs possibilités peuvent alors être envisagées, comme solliciter un mandat ad hoc, consistant en la nomination d’un mandataire chargé de régler les difficultés qui pourraient amener l’entreprise à la cessation des paiements. Ou alors la conciliation, dont le champ est plus large, et qui peut regrouper un certain nombre de créanciers importants pour l’entreprise. « Ces procédures sont confidentielles, elles ne sont pas révélées au registre du commerce et des sociétés, et ont vocation à intervenir en amont des difficultés profondes », souligne Sophie Jonval.

Espérons que le message sera entendu. Pour l’heure, et dans la perspective d’éventuelles faillites en cascade, le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti a lancé le 10 septembre une mission « flash ». La commission désignée devra livrer d’ici novembre une série de recommandations pour améliorer la détection préalable des entreprises en difficulté et mettre en place plus de mesures préventives. Objectif : éviter les liquidations sèches.

 Bérengère Margaritelli

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