La possibilité pour l’État de
refuser l’ouverture d’un établissement privé si les obligations de mixité
sociale ne sont pas respectées et la publication annuelle des Indices de position
sociale de chaque établissement scolaire faisaient partie des propositions
formulées dans le projet de loi rejeté le 10 octobre dernier par une majorité
sénatoriale.
Si la proposition de loi (PPL)
visant à assurer la mixité sociale et scolaire dans les établissements
d’enseignement publics et privés sous contrat du premier et du second degrés
permettrait de « donner à l’ensemble des collectivités
territoriales les moyens d’agir », clamait en séance publique au Sénat
la porteuse du texte Colombe Brossel, la majorité sénatoriale, elle, ne l’a pas
entendu de cette oreille.
Le 10 octobre dernier, il
aura fallu moins de deux heures pour voir s’élever dans l’hémicycle 218 voix en
défaveur de ce texte socialiste déposé en mars dernier. Un rejet qui intervient
pourtant quelques mois après l’adoption du Conseil économique, social et
environnemental (CESE) de l’avis « Réussite à l’école, réussite de
l’école », dans lequel est notamment préconisé de favoriser la mixité
dans les territoires afin de réduire la « ségrégation sociale »
– en particulier dans le privé –, autrement dit les écarts des Indices de
Position Sociale (IPS) entre les établissements scolaires publics et privés, calculés
en fonction des catégories socio-professionnelles des parents et qui permet
ainsi de comparer les publics accueillis dans les différentes écoles.
Sur ce sujet, l’article 1er
A (nouveau) de la PPL prévoyait l’obligation du ministère de l’Éducation
nationale de transmettre chaque année l’IPS des établissements concernés aux
autorités compétentes ainsi qu’au président de l’organe délibérant de la
collectivité compétente. Une mesure à laquelle s’est opposée la nouvelle
ministre en charge de l’Éducation Anne Genetet. Selon elle, cet indicateur
« trop réducteur » et « incomplet » ne permet
pas de rendre compte de la réalité de la mixité dans les écoles.
Il était également prévu dans
le projet de loi, lors de l’implantation de nouvelles écoles ou de la
répartition des élèves entre les différents établissements scolaires de leur
territoire, une prise en compte d’un impératif de mixité sociale qui, déjà
appliquée par certaines collectivités, a démontré son efficacité : « ces
politiques sont efficaces en termes de réussite scolaire (les élèves
défavorisés qui étudient dans un établissement plus favorisé progressent plus
vite), en terme de climat scolaire et de capacité à s’ouvrir aux autres »
argumentait Colombes Brossel en séance.
L’enseignement privé sous
contrat dans le viseur de la PPL
L’article 1er de
la proposition de loi, bien plus conséquent, venait quant à lui modifier le
Code de l’éducation et entraver l’enseignement privé sous contrat de l’avis de
la majorité sénatoriale.
Au titre des propositions
controversées de la PPL, la permission donnée à l’État de contrôler le respect
des obligations de mixité sociale dans les établissements publics et privés, et
en conséquence de moduler ses financements envers ces écoles. La PPL entendait
pour cela ajouter un 6° dans ledit Code, et prévoyait également de rendre
publics « les dons, donations, legs ou avantages effectués au profit
des établissements d’enseignement privé sous contrat d’association »
avec l’ajout d’un article L. 442-7-1 au Code de l’éducation.
Par ailleurs, la PPL venait
compléter l’article L. 442-13 du Code avec un alinéa afin d’interdire « l'ouverture
d'une classe dans un établissement privé sous contrat (…) dans un délai de
trois ans à compter de la décision de fermeture d'une classe dans
l'enseignement public relevant du même ressort géographique et dispensant un
enseignement de même degré », et ainsi en finir avec la liberté de
recrutement des élèves dans le privé. « L’Etat et les collectivités
versent plus de 15 milliards d’euros aux établissements privés, ce qui représente
plus de 80 % de leur budget. Pourtant, ils revendiquent le droit absolu de
choisir leurs élèves, leurs professeurs et leur pédagogie, sans aucune
contrainte. Certains de leurs dirigeants assument totalement de recruter en
priorité des enfants des familles les plus riches », dénonçait le 10
octobre le sénateur communiste Pierre Ouzoulias.
Le second article de la PPL,
très succinct, venait de son côté compléter le I de l’article L. 2121-30 du
Code général des collectivités territoriales « Le conseil municipal
décide de la création et de l'implantation des écoles et classes élémentaires
et maternelles d'enseignement public après avis du représentant de l'Etat dans
le département » par « en assurant la mixité sociale dans
chacune des écoles », à l’instar de l’article 211-1 du Code de
l’éducation.
Le débat, désormais clos, n’aura
pas manqué de raviver le clivage entre la gauche, favorable à une mixité plus
marquée dans les établissements publics et privés, et la droite qui entend
donner plus d’autonomie aux établissements, pointe Public Sénat.
Allison
Vaslin