SOCIÉTÉ

Mixité sociale dans les établissements scolaires : que contient la proposition de loi rejetée par le Sénat ?

Mixité sociale dans les établissements scolaires : que contient la proposition de loi rejetée par le Sénat ?
Publié le 17/10/2024 à 17:21

La possibilité pour l’État de refuser l’ouverture d’un établissement privé si les obligations de mixité sociale ne sont pas respectées et la publication annuelle des Indices de position sociale de chaque établissement scolaire faisaient partie des propositions formulées dans le projet de loi rejeté le 10 octobre dernier par une majorité sénatoriale.

Si la proposition de loi (PPL) visant à assurer la mixité sociale et scolaire dans les établissements d’enseignement publics et privés sous contrat du premier et du second degrés permettrait de « donner à l’ensemble des collectivités territoriales les moyens d’agir », clamait en séance publique au Sénat la porteuse du texte Colombe Brossel, la majorité sénatoriale, elle, ne l’a pas entendu de cette oreille.

Le 10 octobre dernier, il aura fallu moins de deux heures pour voir s’élever dans l’hémicycle 218 voix en défaveur de ce texte socialiste déposé en mars dernier. Un rejet qui intervient pourtant quelques mois après l’adoption du Conseil économique, social et environnemental (CESE) de l’avis « Réussite à l’école, réussite de l’école », dans lequel est notamment préconisé de favoriser la mixité dans les territoires afin de réduire la « ségrégation sociale » – en particulier dans le privé –, autrement dit les écarts des Indices de Position Sociale (IPS) entre les établissements scolaires publics et privés, calculés en fonction des catégories socio-professionnelles des parents et qui permet ainsi de comparer les publics accueillis dans les différentes écoles.

Sur ce sujet, l’article 1er A (nouveau) de la PPL prévoyait l’obligation du ministère de l’Éducation nationale de transmettre chaque année l’IPS des établissements concernés aux autorités compétentes ainsi qu’au président de l’organe délibérant de la collectivité compétente. Une mesure à laquelle s’est opposée la nouvelle ministre en charge de l’Éducation Anne Genetet. Selon elle, cet indicateur « trop réducteur » et « incomplet » ne permet pas de rendre compte de la réalité de la mixité dans les écoles.

Il était également prévu dans le projet de loi, lors de l’implantation de nouvelles écoles ou de la répartition des élèves entre les différents établissements scolaires de leur territoire, une prise en compte d’un impératif de mixité sociale qui, déjà appliquée par certaines collectivités, a démontré son efficacité : « ces politiques sont efficaces en termes de réussite scolaire (les élèves défavorisés qui étudient dans un établissement plus favorisé progressent plus vite), en terme de climat scolaire et de capacité à s’ouvrir aux autres » argumentait Colombes Brossel en séance.

L’enseignement privé sous contrat dans le viseur de la PPL

L’article 1er de la proposition de loi, bien plus conséquent, venait quant à lui modifier le Code de l’éducation et entraver l’enseignement privé sous contrat de l’avis de la majorité sénatoriale.

Au titre des propositions controversées de la PPL, la permission donnée à l’État de contrôler le respect des obligations de mixité sociale dans les établissements publics et privés, et en conséquence de moduler ses financements envers ces écoles. La PPL entendait pour cela ajouter un 6° dans ledit Code, et prévoyait également de rendre publics « les dons, donations, legs ou avantages effectués au profit des établissements d’enseignement privé sous contrat d’association » avec l’ajout d’un article L. 442-7-1 au Code de l’éducation.

Par ailleurs, la PPL venait compléter l’article L. 442-13 du Code avec un alinéa afin d’interdire « l'ouverture d'une classe dans un établissement privé sous contrat (…) dans un délai de trois ans à compter de la décision de fermeture d'une classe dans l'enseignement public relevant du même ressort géographique et dispensant un enseignement de même degré », et ainsi en finir avec la liberté de recrutement des élèves dans le privé. « L’Etat et les collectivités versent plus de 15 milliards d’euros aux établissements privés, ce qui représente plus de 80 % de leur budget. Pourtant, ils revendiquent le droit absolu de choisir leurs élèves, leurs professeurs et leur pédagogie, sans aucune contrainte. Certains de leurs dirigeants assument totalement de recruter en priorité des enfants des familles les plus riches », dénonçait le 10 octobre le sénateur communiste Pierre Ouzoulias.

Le second article de la PPL, très succinct, venait de son côté compléter le I de l’article L. 2121-30 du Code général des collectivités territoriales « Le conseil municipal décide de la création et de l'implantation des écoles et classes élémentaires et maternelles d'enseignement public après avis du représentant de l'Etat dans le département » par « en assurant la mixité sociale dans chacune des écoles », à l’instar de l’article 211-1 du Code de l’éducation.

Le débat, désormais clos, n’aura pas manqué de raviver le clivage entre la gauche, favorable à une mixité plus marquée dans les établissements publics et privés, et la droite qui entend donner plus d’autonomie aux établissements, pointe Public Sénat.

Allison Vaslin

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