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Modèle économique du sport et sponsoring : tendances et perspectives

Modèle économique du sport et sponsoring : tendances et perspectives
Publié le 15/07/2021 à 14:15

Le sport est un secteur économique à part entière. Si cette affirmation a longtemps été considérée comme non légitime, plusieurs chiffres viennent mettre en avant ce constat implacable. Le groupe BPCE publiait notamment en 2020 l’étude « La filière sport prend ses marques », où l’on apprenait que le poids économique du sport en France était de 91 milliards d’euros (50 % de plus que le chiffre d’affaires du secteur du tourisme en France) pour 448 000 emplois. De plus, ces chiffres n’intègrent pas les sources importantes de revenus au fondement du modèle économique du sport, telles que les dépenses de sponsoring, la billetterie et les hospitalités, ou encore les revenus tirés des droits TV.

 








Les grands piliers du modèle économique du sport : droits tv, billetterie et partenariats

Les droits médias en phase de transition

Ces derniers font face aujourd’hui à un enjeu très complexe, suite à la défaillance de Mediapro dans le football français. Alors que les droits TV irriguent l’ensemble du sport en France via la taxe Buffet, qui depuis 2000 a instauré un mécanisme de solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur, le manque à gagner est conséquent. De plus, cette source de revenus est dans une vraie phase de transition avec l’arrivée de nouveaux acteurs que sont les plateformes OTT (Over The Top). Dernier exemple en date, l’acquisition par Amazon des droits de diffusion de 80 % des matchs de Ligue 1 pour 259 millions d’euros par an jusqu’en 2024, après avoir obtenu les droits pour diffuser Roland-Garros pour la première fois cette année. Une arrivée potentiellement source de conflits avec les diffuseurs historiques puisque Canal+ a réagi à l’arrivée d’Amazon en Ligue 1 en menaçant de se retirer du marché. L’évolution de ces sujets sera très importante pour la pérennité du modèle économique du sport. En ce sens d’ailleurs, une mission d’information parlementaire est actuellement menée à l’Assemblée nationale sur les droits de diffusion audiovisuelle des manifestations sportives.

 


La billetterie et les hospitalités, source essentielle de revenus inexistante pendant la période de pandémie

Autre source de revenus essentielle pour le sport, la billetterie et notamment les hospitalités. L’année écoulée avec des manifestations sportives à huis clos ou aux jauges extrêmement faibles a mis à mal cette prestation d’accueil qui permet d’accéder à un événement sportif dans des conditions privilégiées et différentes de celles du grand public. Les hospitalités représentent souvent une prestation à destination des partenaires des clubs et peuvent constituer 20 % de leurs revenus. La mobilisation de nombreux acteurs du sport à l’occasion de la publication du guide de l’Agence Française Anticorruption (AFA) en 2020 sur les politiques cadeaux et invitations en entreprise a montré l’importance de cette source de revenus. La concertation avec les acteurs du sport a permis d’obtenir une rédaction séparant clairement les notions de corruption et de relations professionnelles normales permettant d’accepter ce type d’invitations lors d’événements sportifs.

La billetterie grand public est quant à elle bien évidemment une nécessité pour les clubs. À l’instar de la mobilisation sur la thématique des hospitalités, les acteurs du sport ont exercé un intense lobbying tout au long de l’année pour s’accorder avec les pouvoirs publics sur des conditions d’accueil permettant d’adopter des jauges proportionnelles afin de pouvoir accueillir du public de manière sécurisée. Le calendrier de déconfinement progressif annoncé par le gouvernement en mai devrait permettre de pouvoir de nouveau accueillir des spectateurs dans des conditions quasi-normales à partir de la saison prochaine. L’importance de cette manne financière a notamment été symbolisée par le dispositif de compensation des pertes de billetterie à hauteur de 107 millions d’euros par l’État, fin 2020. Le dispositif a d’ailleurs été prolongé pour le premier semestre 2021.

Au-delà de la simple billetterie, ce sont tous les revenus « jour de match » (restauration, buvette, merchandising …) qui ont par conséquent été affectés.

 

 

Focus sur les partenariats

Enfin, et c’est ce qui retiendra notre attention par la suite, le sponsoring est une composante essentielle du modèle économique du sport. En France, les droits de sponsoring sportif pèsent 2,5 milliards d’euros (étude SPORSORA sur le marché du sponsoring sportif, 2021) et les dépenses en sponsoring représentent entre 15 % et 50 % des revenus des clubs et détenteurs de droits de manière générale, en fonction des différents sports. Comme les autres sources de revenus du sport, le sponsoring a été très négativement affecté par la crise. Alors que les dépenses en communication et partenariats sont souvent les premières sacrifiées dans les budgets des entreprises, la baisse de dépenses en sponsoring en Europe (tous secteurs d’activités confondus, y compris le sport) est de 23 % en 2020 comparé à 2019 (étude Nielsen et de l’European Sponsorship Association, 2021), avec le plus bas niveau d’investissements atteint depuis 2010. En France, une diminution de 32 % des investissements a été constatée (et 20 % pour le sport). Une baisse dramatique pour le sport concernant cette source de revenus qui irrigue l’ensemble du secteur à travers les territoires et qui a passé un vrai cap dans l’opinion et en termes d’acceptabilité.


En effet, les Français ont pris conscience de l’utilité des investissements privés pour permettre le développement du sport. Ils sont 74 % à juger le sponsoring utile au sport et 81 % à penser qu’il rend les marques partenaires plus sympathiques (étude du cabinet Occurrence pour SPORSORA, 2019). Un constat encore plus prononcé pour la GEN Z (18-24 ans) qui sont 78 % à considérer le sponsoring utile au sport et 88 % estiment qu’il donne envie de se renseigner sur les marques. Un contenu très engageant pour les partenaires donc. Des partenaires et des revenus qui, par ailleurs, couvrent des champs bien plus élargis que les grandes entreprises et les clubs professionnels les plus populaires. L’étude SPORSORA sur le marché du sponsoring sportif présentée en mars 2021 a effectivement permis de mettre en valeur certaines tendances : ce sont les clubs amateurs qui captent la majorité des investissements en sponsoring (40 %, contre 36 % pour les clubs professionnels, 9 % pour les fédérations et 7 % pour les événements sportifs récurrents). Par ailleurs, la plupart des partenaires des clubs sont des TPE et PME locales. 89 % des contrats de sponsoring concernent ainsi des PME et 92 % de ces contrats portent sur des sommes inférieures à 100 000 euros. Bien loin de certaines idées reçues.

 

 

Les grandes tendances du marketing sportif

La place de la RSE

Comme les organisateurs d’événements et les fédérations sportives, les sponsors ont une responsabilité sociétale. Le sport peut constituer un vrai levier pour implémenter de telles politiques au sein d’une entreprise en faisant bénéficier des valeurs comme l’esprit d’équipe, la bienveillance, la diversité ou encore l’inclusion. Le sport peut aussi permettre à un partenaire d’illustrer et renforcer ses engagements en matière de RSE et de développement durable en faisant par exemple passer les messages sur les engagements RSE dans les activations des marques (exemple de la marque Vittel dans la caravane du Tour de France qui communique sur le recyclage).

 

 

Le sport féminin

Ce dernier fait l’objet d’un véritable engouement ces dernières années. Les femmes sont désormais considérées comme de vraies cibles et les sponsors commencent à capitaliser sur des événements, des équipes de sport féminin [lire JSS n° 51 du 10 juillet 2021]. Par ailleurs, alors que les marques cherchent à donner du sens à leurs actions commerciales, elles n’hésitent pas à engager des moyens importants pour activer leurs partenariats et raconter des histoires pour faire évoluer les pratiques et les mentalités (la Française des Jeux est très impliquée avec son programme « Sport pour elles » et vient d’annoncer son partenariat avec le Tour de France femmes avec Zwift 2022).

 

 

Le lien naturel entre sport et divertissement

Les manifestations sportives sont de plus en plus l’occasion d’assister à des performances... au-delà du sport. Prestations musicales, projections numériques et animations diverses font de plus en plus partie des programmes des événements sportifs. Ces propositions destinées à attirer de nouveaux publics s’inscrivent dans le paysage du sport business. Un point de vigilance tout de même ici ; potentiellement reléguer l’enjeu sportif et la tradition au second plan pourrait risquer de ne pas atteindre la cible convoitée. Il faut continuer à se poser la question du lien entre l’expérience proposée et les valeurs que l’on souhaite véhiculer.

 

 

Le développement du naming

Cette tendance a connu un essor considérable en France ces derniers temps. Si le naming est souvent associé aux enceintes sportives, il profite également aux compétitions professionnelles ou encore aux équipes (cyclisme, voile...) et fait désormais partie intégrante du modèle économique de ces disciplines, ainsi identifiées à leur partenaire « namer ». Le naming permet notamment de favoriser le financement du sport, développer les revenus des détenteurs de droits, diminuer les coûts d’exploitation, améliorer l’image et la notoriété des marques ou encore nourrir leur stratégie en multipliant les points de contact avec leurs cibles. En effet, les marques recherchent aujourd’hui davantage de proximité avec leur public, mais également plus de réciprocité dans leurs actions. En conséquence, le naming est en train de passer d’une logique de visibilité pure à une logique d’engagement plus porteuse de sens avec plus d’humain entre les parties prenantes. On note aussi le développement de co-naming (les équipes cyclistes Groupama-FDJ et AG2R-Citroën) et de naming « responsable » (avec par exemple le cas d’Advens et de son bateau LinkedOut sur le dernier Vendée Globe).

 


L’ouverture à l’international

Comme les autres secteurs, le sport est très mondialisé et constitue un marché hyper concurrentiel. La France a démontré et continuera à le faire ces prochaines années, sa capacité à accueillir les grands événements sportifs internationaux (Coupe du Monde de Rugby France 2023, Jeux Olympiques et Paralympiques Paris 2024, entre autres). Elle capitalise désormais sur cette expertise et s’organise pour exporter son savoir-faire. En parallèle, des acteurs étrangers prennent position. Pas moins d’une dizaine de clubs français ont des actionnaires étrangers. À ce titre, il faut noter que ce sont surtout des acteurs aux objectifs financiers qui investissent, démontrant l’attractivité du sport français et permettant au secteur de bénéficier de nouvelles ressources.

 

 

L’UEFA EURO 2020 : une typologie des marques qui préfigure l’avenir du sponsoring ?

Dans le cadre de la compétition européenne, SPORSORA a réalisé une infographie recoupant l’histoire de la compétition, les dotations financières, les droits médias ou encore les partenaires de cette édition. Si l’on s’attarde sur les six sponsors officiels de l’UEFA puis ceux de l’Euro, on tombe sur le même schéma. Deux partenaires « classiques » (Volkswagen et FedEx pour l’UEFA, Coca-Cola et Heineken pour l’Euro), un partenaire « soft-power » (Gazprom pour l’UEFA et Qatar Airways pour l’Euro), un partenaire « électronique chinois » (Hisense pour l’UEFA et Vivo pour l’Euro) et enfin deux acteurs de l’économie numérique (Alipay et Booking pour l’UEFA et Takeaway et Tik Tok pour l’Euro). Cela démontre notamment l’arrivée de nouvelles marques, de nouveaux secteurs d’activité, mais aussi de nouveaux territoires. On a pu constater la même chose à l’occasion de l’EuroBasket féminin organisé en France et en Espagne en juin avec des partenaires asiatiques pour la plupart, nouveaux entrants, face à des partenaires historiques qui restent fidèles. Ainsi, des positions fortes sont prises en matière de sponsoring et ce sera probablement le cas sur le marché du sport français rapidement, notamment dans l’optique des Jeux olympiques et paralympiques 2024.



 


 


Il faudra retenir que le sport et les partenariats sportifs sont des véhicules extrêmement puissants pour les marques et les entreprises qui peuvent habilement les utiliser à des fins stratégiques de notoriété, image de marque, business, motivation des collaborateurs, attraction des talents, responsabilité d’entreprise avec des taux d’engagement très élevés. Le sport est lié à la passion, l’émotion, la santé, l’inclusion, l’intégration, l’éducation autant d’enjeux auxquels notre société est confrontée, c’est ce qui en fait sa force.



Magali Tézenas Du Montcel,

Déléguée générale,

SPORSORA

 

 

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