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Plafonnement des loyers à Paris, pour quels résultats ?

Plafonnement des loyers à Paris, pour quels résultats ?
Publié le 07/07/2020 à 15:10


 

Jeudi 4 juin, la préfecture de Paris a publié un arrêté fixant les loyers de références pour la capitale du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021. Des montants maximums en légère hausse par rapport à l’année précédente, mais encore loin d’être appliqués par tous les bailleurs.


Les loyers parisiens sont hors de prix, et trouver un logement relativement abordable relève du parcours du combattant. Face à ce constat unanime, et pour limiter la flambée continue de ce marché saturé, la préfecture de Paris a décidé de (ré)-expérimenter l’encadrement des loyers intra-muros depuis le 1er juillet 2019, et ce jusqu’en 2023. L’objectif de ce mécanisme, en plus de limiter la hausse des prix à la location, est de diminuer, de force, ceux qui sont trop élevés. Un dispositif qui ne manque pas d’ambition.


Pour ce faire, chaque année, le préfet d’Île-de-France fixe un loyer de référence (ou loyer médian) établi en fonction du quartier (Paris a été divisé en 14 secteurs géographiques regroupant 80 quartiers) mais aussi du type de biens (nombre de pièces) et de l’année de construction.
À partir de ces données, un loyer de référence majoré (supérieur de 20 % au loyer de référence) et un loyer de référence minoré (le loyer de référence diminué de 30 %) sont calculés afin de baliser les prix d’une location avec un minima et un maximum1. Le loyer (hors charges) demandé par les propriétaires de logement parisiens ne pourra donc, en principe, pas dépasser le loyer de référence majoré fixé par la préfecture.


 


Des plafonds en hausse en moyenne d’1,5 %


Publié ce 4 juin, le nouvel arrêté encadrant les loyers parisiens s’appliquera aux baux d’habitation signés du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021. D’après les calculs du site spécialisé PAP, cette année, les nouveaux plafonds sont en hausse d'en moyenne 1,5 %. « La hausse du loyer de référence majoré est variable selon les quartiers et le type de logement mais est d'environ 1 à 2 %, soit le plus souvent autour de 0,6 euros/m²/mois d'augmentation au 1er juillet 2020 », décrypte le site de particuliers. Une hausse légèrement supérieure à l'indice de référence des loyers (IRL), en progression de 0,92 % sur un an. Cet indice fixe la hausse maximale annuelle des loyers en cours de bail, une autre forme d'encadrement qui s'applique en sus du plafonnement à Paris.


Ces règles locatives sont d’ailleurs rappelées très clairement par la mairie de Paris sur son site Internet : « Le loyer demandé par le propriétaire ne peut pas être supérieur au loyer de référence majoré. Entre deux locataires successifs, le propriétaire ne peut pas augmenter le loyer au-delà de l’actualisation par l’indice de référence des loyers (IRL), sauf en cas de loyer initial manifestement sous-évalué ou de réalisation de travaux d’amélioration de l’habitat. Dans ces deux cas, le bailleur peut appliquer une augmentation supérieure à l’actualisation IRL, mais uniquement dans la limite du loyer majoré. »


 


Des mesures efficaces ?


Pour évaluer l’impact de ces mesures de régulation, l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (Olap) a publié une enquête en janvier 2020 qui portait sur l’évolution des loyers parisiens en 2018, année blanche en termes de régulation. En effet, il existait déjà un encadrement des loyers à Paris du 1er août 2015 au 27 novembre 2017, instauré par la loi Alur, mais dont l’application avait été annulée par une décision du tribunal administratif de Paris fin 2017. Comment a donc réagi le marché en 2018 une fois libéré des contraintes du plafonnement ?


Le constat est sans appel : les loyers parisiens ont augmenté de manière plus marquée en 2018, lorsque les loyers n’étaient plus réglementés. En comparaison, en 2016 et 2017, lorsque le plafonnement était en vigueur, les hausses moyennes avaient été respectivement de 0,4 % et 0,5 %. Les propriétaires se sont donc rattrapés en 2018, puisque les loyers ont augmenté en moyenne de 1,7 % à Paris. L’étude constate même qu’en 2018, 28 % des loyers auraient dépassé l’encadrement si celui-ci était resté en vigueur. Une hausse qui touche principalement les petits logements, de 20 m² ou moins.


 


Une absence de contrôle


L’impact de cette mesure est toutefois à relativiser, comme l’explique le site spécialisé dans l’immobilier Meilleurs Agents, dans une étude portant sur le prix des loyers depuis l’instauration du nouvel encadrement en 2019. Point positif, le site constate qu’effectivement la hausse des loyers a ralenti de 2,6 points au second semestre de 2019, notamment grâce à la « peur des contrôles ». Mais cela n’a duré que six mois. De janvier à mai 2020, les loyers ont connu une nouvelle hausse de 1,6 %. « Des propriétaires se sont rendu compte qu’il n’y avait pas de police des loyers, et d’autres ont probablement compensé le manque à gagner lié au confinement pour augmenter leurs loyers », explique Thomas Lefebvre, directeur scientifique de Meilleurs Agents, au Figaro.


Le cœur du problème, c’est que les loyers sont fixés par les bailleurs et qu’il n’existe aucun contrôle pour vérifier s’ils dépassent le loyer maximum légal établi par la préfecture. Dans les faits, ce dispositif se révèle donc plus dissuasif que contraignant tant que la mairie et le gouvernement se renverront la balle pour savoir qui doit effectuer ces contrôles.


 


53 % des logements ne respectent pas les règles


Un constat confirmé par le site Meilleurs Agents, qui estime que 53 % des logements sont loués au-dessus du prix fixé par la préfecture à Paris, et que le dépassement moyen s’élève à 130 euros par mois, soit un excès de 13 % par rapport au loyer maximal. Des statistiques qui explosent pour les surfaces autour de 20 m², dont 80 % des loyers ne sont pas conformes aux réglementations.


Pourtant, si un bailleur ne respecte pas ces règles, le décret du 13 mai 2019, publié au Journal Officiel du 14 mai 2019, précise les sanctions encourues. Le bailleur doit aligner le loyer sur les montants fixés par la préfecture et reverser au locataire le trop-perçu. S’il ne s’exécute pas, il devra payer une amende de 5 000 euros pour un particulier ou de 15 000 euros pour une personne morale. Mais pour en arriver là, c’est donc au locataire seul de faire les démarches.


L’autre faille de cette tentative de plafonner le marché immobilier parisien vient des compléments de loyer que peuvent demander les propriétaires en plus du loyer encadré. Ce complément doit correspondre à une ou des caractéristiques « exceptionnelles » du logement (jardin privatif, vue sur la Tour Eiffel, etc.). Problème : ce qualificatif est souvent subjectif et les tarifs sont choisis par les propriétaires. Il y a quelques mois, la mairie de Paris est par exemple intervenue sur un dossier où le caractère exceptionnel du logement était une machine à laver...


Face à un dispositif incomplet, la mairie de Paris souhaite mettre en place un service municipal d’aide aux locataires pour les aider à signaler des abus et faire connaître leurs droits, mais cela reste pour l’instant une promesse de campagne.

 

Maïder Gérard

 

1) Trouvez votre loyer de référence sur referenceloyer.drihl.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr

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