Le
texte du projet de loi « portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement
du marché du travail en vue du plein emploi », a été définitivement
adopté par le Parlement. L’objectif assumé est d’inciter les actifs à
retrouver un emploi plus rapidement, car de nombreuses opportunités existent
dans un marché du travail favorable.
Ce
texte permet au gouvernement de modifier par décret certaines règles. En ce
sens, le ministre du Travail Olivier Dussopt a dévoilé ses arbitrages aux
partenaires sociaux, lundi 21 novembre dernier, après une concertation débutée
en octobre. Parmi les mesures qui seront précisées par décret
ultérieurement, plusieurs sont détaillées ici.
La
privation des allocations chômage en cas de refus de CDI
Le
refus d’une proposition de CDI faite par l’employeur au terme d’un CDD ou d’une
mission de travail temporaire privera le salarié du bénéfice des allocations
chômage.
La
proposition de CDI doit avoir été faite par écrit : pour occuper le même
emploi ou un emploi similaire, assortie d’une rémunération au moins
équivalente, pour une durée de travail équivalente, relevant de la
même classification, et sans changement du lieu de travail.
En cas
de refus du salarié, l’employeur devra informer Pôle emploi en justifiant du
caractère similaire de l’emploi proposé. Les modalités de cette information ne
sont pas encore définies. Nous pouvons supposer que l’attestation de Pôle emploi
à rédiger au terme de la relation sera modifiée pour que l’employeur puisse y
mentionner cette information.
En
outre, les demandeurs d’emploi ayant refusé, à deux reprises au cours des 12
mois précédents, une proposition de CDI dans ces conditions, ne pourront pas
bénéficier de l’allocation d’assurance-chômage.
Ces
dispositions ne s’appliquent pas lorsque la dernière proposition adressée au
demandeur d’emploi n’est pas conforme aux critères prévus par le projet
personnalisé d’accès à l’emploi si celui-ci a été élaboré antérieurement à la
date du dernier refus pris en compte.
La
privation des allocations chômage en cas d’abandon de poste
La loi
instaure une présomption de démission en cas d’abandon de poste. Le
salarié qui a abandonné son poste, qui ne reprend pas le travail ou ne justifie
pas de son absence après une mise en demeure de son employeur dans un délai
fixé par un décret à paraître, sera présumé avoir démissionné. À ce titre, il
sera exclu du bénéfice des allocations chômage. Par précaution,
l’employeur devra engager la procédure de licenciement pour faute.
Ici
aussi, nous pouvons supposer que l’attestation de Pôle emploi à éditer au terme
du contrat de travail sera modifiée pour que l’employeur puisse y mentionner
cette information. Les salariés pourront contester cette présomption en
saisissant directement le Bureau de jugement du Conseil de prud’hommes qui
devra qualifier la nature de la rupture et définir les conséquences afférentes.
La
modulation de la durée d’indemnisation en fonction de la conjoncture du marché
du travail
Aujourd'hui,
la durée d'indemnisation dépend de la durée entre le premier jour et le dernier jour sous
contrat durant les 24 mois précédant le début de leur période
de chômage (36 mois si le travailleur a 53 ans ou plus) et repose sur le
principe « un jour travaillé, un jour indemnisé ». À compter du
1er février et jusqu’au 31 décembre 2023, la durée
d'indemnisation variera en fonction de la situation favorable ou pas du marché
du travail. Un décret à paraître en déterminera les modalités.
Le
ministère a précisé que l’état du marché du travail devrait s’apprécier de la
manière suivante : une situation favorable correspondrait à un taux de
chômage inférieur à 9 % ; une situation défavorable
correspondrait à un taux de chômage supérieur à 9 % ou en progression de
0,8 % au cours du dernier trimestre. Selon l’INSEE, actuellement, le
taux de chômage est compris entre 7,3 % et 7,4 %.
Le
ministre du Travail a déjà annoncé que lorsque la situation serait favorable,
la durée d'indemnisation sera réduite de 25 %, en respectant une durée
minimale de six mois. Si la situation devait se dégrader au terme de la prise
en charge, le ministre envisage de verser un complément de fin de droit
correspondant à ces 25 %. À l'inverse, en cas de situation
défavorable, la durée de prise en charge ne serait pas amputée.
Pour
que la situation soit de nouveau considérée comme favorable, le taux de chômage
devra repasser sous les 9 % durant trois trimestres
consécutifs. Cette modulation ne sera pas mise en place dans les
départements d'Outre-mer ainsi que pour plusieurs métiers, qui n'étaient déjà
pas concernés par la précédente réforme de l'assurance-chômage, à savoir :
les marins, les pêcheurs, les dockers, les intermittents du spectacle et les
expatriés.
Le
gouvernent a refusé de modifier le niveau de l'indemnisation, qui avait déjà
été revu à la baisse lors de la précédente réforme. Les conditions d'accès
à l'assurance-chômage restent également inchangées : avoir travaillé six
mois sur une période de référence de 24 mois ou de 36 mois pour les personnes
âgées d'au moins 53 ans.
Ces
mesures traduisent une promesse de campagne du président Emmanuel Macron pour
que l'assurance-chômage soit « plus stricte quand trop d'emplois sont
non pourvus, plus généreuse quand le chômage est élevé ». Elles
tentent également de répondre aux urgences face aux difficultés de recrutement des entreprises (60 % d’entre elles se plaignent de difficultés à
recruter et un tiers des entreprises de l’industrie ne peuvent assurer leur
carnet de commandes).
Le
maintien des CDD « multi-remplacements »
La loi
du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a prévu
la possibilité, à titre expérimental, de conclure un seul CDD pour remplacer
plusieurs salariés.
Le
texte de la loi récemment adopté prévoit de relancer l’expérimentation pendant
deux ans, dans les mêmes termes : dans les secteurs définis par
décret, un seul contrat à durée déterminée (ou un seul contrat de mission) peut
être conclu pour remplacer plusieurs salariés ; l’expérimentation ne peut
avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à
l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Pour
mémoire, les secteurs d’activité définis sont le sanitaire, le social et
médico-social, la propreté et le nettoyage, l’économie sociale et solidaire, le
tourisme en zone de montagne, le commerce de détail et de gros à prédominance
alimentaire, la plasturgie, la restauration collective, le sport et les
équipements de loisirs, le transport routier et activités auxiliaires, les
industries alimentaires ainsi que le service à la personne.
L’élargissement
de l’électorat aux élections professionnelles
Le
projet de loi profite de redéfinir la qualité d’électeur aux élections
professionnelles. En effet, la jurisprudence de la Cour de cassation avait
privé du droit de vote, et par conséquent de celui d’être élu, les salariés
assimilés au Chef d’entreprise, à savoir qui, « en raison des pouvoirs
qu’ils détiennent, peuvent être assimilés au Chef d’entreprise »
(Cass. soc., 1er avril 1997, n° 96-60.019), afin d’éviter de
« placer les intéressés dans la position contradictoire de participer à
la vie de telle ou telle institution ».
Ainsi,
les salariés remplissant les conditions suivantes en étaient exclus : ceux
disposant d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant
d’être assimilés au chef d’entreprise ; ceux représentant
effectivement l’employeur devant les institutions représentatives du personnel
(Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-25.233).
Le
Conseil constitutionnel avait jugé en novembre 2021 que les règles relatives à
l’électorat telles qu’appliquées par la Cour de cassation étaient contraires au
principe constitutionnel de participation des travailleurs, en vertu duquel
« tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la
détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des
entreprises ». Les effets de l’abrogation des dispositions
légales avaient été reportés au 31 octobre 2022 afin que la loi puisse être
modifiée et pour ne pas affecter les opérations électorales en cours.
Le
projet de loi garantit la participation de l’ensemble des salariés aux
élections professionnelles, y compris ceux assimilés au chef d’entreprise. En
revanche, conformément à une jurisprudence ancienne de la Cour de cassation, le
projet de loi adopté confirme l’inéligibilité de ces derniers.
Ces
dispositions seront rétroactivement applicables à partir du 31 octobre 2022.
Sébastien Monetto,
Avocat,
Cornillier Avocats