Depuis
quelques semaines, alors que le prix de certains produits s’envole, une enquête
du Sénat montre que ces variations seraient justifiées par le contexte mondial.
Pourtant, les tarifs peuvent parfois varier du simple au triple d’un industriel
à l’autre, et des distributeurs n’hésitent pas à augmenter le prix en rayon
après avoir officiellement refusé les hausses demandées.
Viandes
surgelées en hausse de plus de20 %, 17 % pour les pâtes, 13 % du côté de la
moutarde et 12 % du café... Depuis quelques semaines, les prix de plusieurs
produits de grande consommation s’envolent. Fait inédit depuis 30 ans, en juin
2022, l’inflation en France sur un an s’est établie à 5,8 % (5,7 % pour les produits
alimentaires). Face à la grogne des consommateurs et à des suspicions de
revalorisations gonflées artificiellement par les industriels, le Sénat a mené
une enquête.
Celle-ci
révèle dans un premier temps que bien qu’en moyenne, les prix des marques
nationales aient augmenté de 4,16 %, et ceux des produits « premiers prix » et des
produits vendus sous marque de distributeurs ont augmenté respectivement de
près de 10 % et de 7 %, « il ne semble pas y avoir de phénomène
généralisé de hausses injustifiées des tarifs de la part des
industriels vis-à-vis des distributeurs, sauf exceptions ».
Les
demandes de hausses de prix seraient principalement liées à la flambée du coût
des matières premières. Les industriels n’auraient en réalité pas d’autres
choix que de les répercuter sur leurs prix, ou de comprimer leurs marges « déjà
malmenées par neuf années de déflation des prix », observe le Sénat.
Pour faire simple, l’inflation serait davantage justifiée par la reprise économique,
les aléas climatiques et la guerre en Ukraine que par un gonflement artificiel
des prix, explique le groupe de suivi.
D’ailleurs,
le niveau d’inflation en France, bien qu’élevé, reste inférieur à celui constaté
dans la zone euro. En moyenne, l’augmentation des prix y atteint 8,6 % en juin
2022 – les produits alimentaires, en particulier, augmenteraient de 8,9 %. Selon
Eurostat, l’inflation serait en effet de 8,2 % en Allemagne, de 10,5 % en Belgique,
de 10 % en Espagne, de 8,5 % en Italie, de 10,3 % au Luxembourg et de 9,9 % aux
Pays-Bas. Si la France s’en sort mieux, analyse le Sénat, c’est grâce aux
mesures publiques de soutien du pouvoir d’achat des Français et à la « plus
grande rudesse » des négociations commerciales entre industriels et
distributeurs.
Distributeurs
et industriels se renvoient la balle
Toutefois,
l’étude ne manque pas de pointer « certaines pratiques contestables »
de la part des industriels comme des distributeurs, et qui pourraient déboucher
sur des ruptures d’approvisionnement.
C’est en
effet une vaste partie de ping-pong dans laquelle les uns et les autres se
renvoient systématiquement la balle. Le Sénat rapporte par exemple que d’après
les industriels, certains distributeurs augmenteraient les prix en rayons après
avoir refusé les hausses de tarifs qui leur étaient demandées. Par ailleurs, ils
« gagneraient du temps » en laissant les renégociations s’éterniser,
afin de s’approvisionner à l’ancien tarif, moins élevé.
De leur
côté, les distributeurs se plaignent de hausses de prix insuffisamment
justifiées mais aussi inégales : selon eux, les hausses de tarifs pour un même
produit peuvent parfois aller du simple au triple d’un industriel à l’autre – à
l’instar de l’eau minérale, dont le prix varierait de 8 % à 22 % en fonction
des fournisseurs.
Une
meilleure rémunération pour faire face à l’inflation
À la
rentrée, l’inflation devrait se poursuivre pour atteindre entre 7 et 10 %.
Sophie Primas, présidente de la commission, s ’en inquiète : « combinée à l’augmentation
du prix de l’énergie, l’inflation des prix des produits de grande consommation
ampute significativement le pouvoir d’achat des Français ».
Selon le
rapport du Sénat, la politique de chèques souhaitée par le Gouvernement n’est,
à ce titre, pas une solution, mais « des mesures ponctuelles très onéreuses
, des sparadraps sur des jambes de bois (…) Un chèque
ponctuel ne pallie les effets que d’une petite partie de l’inflation supportée par
les ménages. (…) Il n’y a que la rétribution du travail qui permette aux
consommateurs de faire face durablement à la hausse des
prix. »
Pour Sophie
Primas , plutôt que d’augmenter les dépenses publiques, il
faudrait au contraire « une politique ferme de revalorisation du travail
et notamment de défiscalisation et de socialisation des heures supplémentaires ».
À son sens, cette meilleure rémunération pourrait passer par une baisse
durable des charges afinn d’augmenter le salaire net des salariés
et des indépendants, mais aussi des retraités.
Bérengère Margaritelli