C’est le fils d’un tanneur jurassien qui épouse la
fille d’un recteur alsacien. Il est doué pour le dessin et la peinture.
Il est ardent, tenace, austère, modeste au milieu des honneurs.
Il est catholique mais favorable à l’euthanasie.
Il sert la République même s’il lu i a préféré l’Empereur.
Il est savant et ne craint pas de s’opposer à
d’autres savants. Il ne connaît pas la langue de bois et ses discours ne sont
ni aseptisés ni pasteurisés.
Il étudie la cristallographie et les fermentations,
les maladies des vers à soie, le charbon des moutons, le choléra des poules.
Il s’acharne à vouloir réduire la létalité
des microbes et des virus.
Son œuvre est immense.
Un jour, lors d’un repas de famille, au moment du
dessert, il lave soigneusement et tranquillement des cerises dans son verre à
eau, fait la morale à ses proches en leur conseillant de toujours laver les
fruits, puis, distrait… avale le verre d’eau où les cerises ont trempé.
Après le bombardement des collections du Museum
d’histoire naturelle et du Jardin des Plantes à Paris par les soldats prussiens
de Bismarck, il écrit au doyen de la faculté allemande de Bonn qui lui avait
décerné le titre de docteur, le priant de reprendre ce diplôme et de rayer son
nom de la liste des docteurs honoraires de cette faculté germanique « en
signe de l’indignation qu’inspirait à un savant français la barbarie de celui qui, pour satisfaire à un
orgueil criminel, s’obstine dans le massacre de deux grands peuples ». Il reçoit pour toute réponse du
doyen allemand : « L’université de Bonn adresse à monsieur Pasteur
l’expression de son plus profond mépris ». Il refuse dès lors toute
distinction des autorités allemandes.
Louis
Pasteur, chimiste, physicien, enseignant, est biologiste, et surtout microbiologiste.
En 1881, il arrive à vaincre la maladie du charbon
qui décime les troupeaux de moutons.
Le 27 avril 1882, il est reçu sous la coupole de
l’Académie française. Il y fait l’éloge d’Émile Littré, mort le 2 juin précédent et dont il
va reprendre le fauteuil numéro 17(actuellement occupé par
Erik Orsenna ayant succédé au commandant Cousteau). Il rappelle au début de son discours que « la science enfante chaque jour des prodiges ».
Ernest Renan, directeur de
l’Académie, loue son « ingénieuse façon
d’interroger la nature » et ajoute, non sans emphase, évoquant « la sublimité
du poète, la profondeur du philosophe, la fascination de l’orateur, la
divination du savant » : « Cette base
commune de toutes les œuvres belles et vraies, cette flamme
divine, ce souffle indéfinissable qui inspire la science, la littérature et
l’art, nous l’avons trouvé en vous, Monsieur : c’est le génie. Nul n’a
parcouru d’une marche aussi sûre les cercles de la nature élémentaire ;
votre vie scientifique est comme une traînée lumineuse dans la grande nuit de
l’infiniment petit, dans ces derniers abîmes où naît la vie… Que vous êtes
heureux, Monsieur, de toucher ainsi, par votre art, aux sources mêmes de la
vie !... Vous aurez inséré une pierre de prix dans les assises de
l’édifice éternel de la vérité… ».
Le monument dédié en 1900 à Pasteur place de Breteuil à Paris, dû à Alexandre Falguière, où l’on peut voir la Mort avec sa faux, un jeune berger sauvé par le vaccin antirabique,
des moutons sauvés de la maladie du charbon, des poules sauvées du choléra et un jeune bouvier détendu.
Trois ans plus tard, en 1885, Pasteur invente le
vaccin antirabique. Une jeune Alsacien de neuf ans, fils d’un boulanger,
a été mordu à quatorze reprises par un chien enragé qui l’a couvert de bave. Il
peut à peine marcher. On l’accompagne à Paris. Mais le savant n’a jusque-là
testé sa découverte que sur des animaux, en utilisant de la mœlle de lapin mort
rabique ; il a encore quelques réticences pour passer au stade de
l’expérimentation humaine. Devant l’état de l’enfant, il tente cependant l’expérience en lui
inoculant à plusieurs reprises, sur plusieurs jours, des extraits de mœlle. La
mœlle d’un léporidé enragé pour contrer la morsure d’un canidé enragé !
Le fils du boulanger est sauvé ! Il sera plus
tard, jusqu’à sa mort en 1940, le concierge de l’Institut Pasteur, fondé par
Louis Pasteur en 1887 grâce
à une souscription internationale afin de lutter contre les maladies
infectieuses.
Peu après, la même année, un jeune berger âgé de 15 ans, Jean-Baptiste
Jupille, mordu par un chien enragé dans le Jura, alors qu’il tentait
courageusement de protéger des enfants, est sauvé à son tour par le vaccin et
reçoit en outre le prix Monthyon de mille francs destiné à « récompenser un
Français pauvre qui se sera fait remarquer par une action héroïque ».
Le grand scientifique qui avait combattu les
coteries et ne s’était jamais embarrassé de coquetteries meurt le 28 septembre 1895 à Marnes-la-Coquette. Le
chimiste et biologiste Marcellin Berthelot, en sa qualité d’ancien ministre (en
1886) de l’Instruction publique, lui rend hommage dans Le Figaro du 29 septembre 1895, rappelant
le principe simple de la découverte de Pasteur : « le virus, l’agent
qui produit les maladies infectieuses, devient l’agent même qui les prévient,
par une vaccination préalable ».
Une messe d’obsèques est célébrée à Notre-Dame par
le cardinal François Richard de la Vergne, 131e archevêque de Paris, dont
le blason comporte… un mouton. Après l’office, Raymond Poincaré, ministre de
l’Instruction publique, prend la parole : «
La France, que vous avez tant aimée,
gardera fièrement, comme un lien national, comme une consolation, comme une
espérance, votre souvenir vénéré. L’humanité que vous avez secourue environnera
votre gloire d’un culte unanime et impérissable, où elle verra se fondre les
rivalités nationales et où elle conservera vivante et forte, la foi commune
dans le progrès infini. »
Pasteur… Un être immense, à l’échelle de
l’univers ! Un cratère lunaire porte d’ailleurs le nom de celui qui
consacra sa vie à chercher à voir l’invisible et à rendre aux malades une vie
solaire !
Étienne Madranges,
Avocat à la cour,
Magistrat honoraire