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RBG : 3 lettres qui resteront dans l’histoire de la justice américaine

RBG : 3 lettres qui resteront dans l’histoire de la justice américaine
Publié le 25/09/2020 à 17:24

Ruth Bader Ginsburg, juge à la Cour Suprême des États-Unis, s’en est allée le 18 septembre 2020. Elle avait 87 ans. Pourquoi les hommages pour saluer sa mémoire sont-ils unanimes ? Parce que Ruth Bader Ginsburg était une femme d’exception, et parce que le combat de sa vie passée à défendre les minorités, l’égalité entre les femmes et les hommes et les droits humains est un combat universel. Ruth Bader Ginsburg fut la vigie infatigable du respect de la Constitution américaine, la plus ancienne Constitution écrite encore en vigueur dans le monde (1).

Une femme d’exception

À 87 ans, Ruth Bader Ginsburg était aussi célèbre qu’une pop star américaine, y compris auprès des jeunes générations. En 2009, le magazine Forbes l’a reconnue parmi les 100 femmes les plus puissantes au monde. En 2012, ce fut au tour de Glamour de lui décerner le prix de « Femme de l’Année ». En 2015, le magazine Time l’a choisie parmi les 100 femmes les plus influentes au monde, et en 2016, Fortune l’a désignée comme étant l’un des plus grands leaders mondiaux. Il faut dire que son parcours est exceptionnel. À son entrée à la Harvard Law School en 1956, le doyen de sa promotion lui demanda pour quelle raison elle venait prendre la place d’un homme, rare étudiante au sein d’une promotion de 500 étudiants… Elle comprit très vite que la place des femmes n’était pas acquise mais qu’il fallait la conquérir.

Une combattante des droits humains

Ruth Bader Ginsburg fut tout à la fois professeure de droit, avocate, militante des droits humains, magistrate puis juge à la Cour Suprême, nommée à cette fonction en 1993 par le président Bill Clinton. Qui mieux qu’elle, grande juriste habituée à analyser les textes en profondeur et en même temps femme de terrain, avait cette capacité à comprendre les conséquences profondes et multiples des inégalités et des discriminations ? Professeure de droit, elle a milité pour l’égalité des salaires entre les professeurs femmes et hommes. Avocate à une époque où la profession était réservée aux hommes, elle a fondé, dans les années 70, la « Women’s Rights Project », une association destinée à défendre le droit des femmes, et notamment l’avortement. Elle a ainsi traité plusieurs centaines de cas de discriminations fondées sur le genre et obtenu des décisions qui ont souvent changé la vie de millions de femmes. En plus de 27 ans de carrière en tant que juge à la Cour Suprême des États-Unis, elle a largement contribué à faire évoluer la jurisprudence en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes.

 

Une stratège hors pair aux opinions dissidentes affirmées

La défense des hommes

En prenant la défense des hommes lorsqu’elle considérait qu’ils étaient victimes de discriminations, elle a convaincu à plusieurs reprises la Cour Suprême que la question de l’égalité des genres était directement liée au respect du 14e Amendement de la Constitution américaine, qui stipule que tous les individus doivent être protégés par les lois de manière identique. En réalité, en gagnant des affaires dans lesquelles les hommes avaient été discriminés, elle avait ouvert la voie à la Cour Suprême pour faire respecter l’égalité de genre en faveur des femmes. En 1996, dans la célèbre affaire United States v. Virginia, la quasi-totalité des juges de la Cour Suprême reconnut, sur le fondement de la violation du 14e Amendement précité, que l’académie militaire de VMI (the Virginia Military Institute) ne pouvait plus continuer à refuser les femmes dans ses rangs.

Ses opinions dissidentes étaient d’une force intellectuelle remarquable

La tradition de publier les opinions dissidentes des juges à la Cour Suprême fait partie du fonctionnement de la justice américaine. En cela, on est loin de la réserve exigée des membres du Conseil constitutionnel en France. Les opinions dissidentes de Ruth Bader Ginsburg ont été largement analysées, au point de faire parfois la Une des journaux. Il faut dire que l’impact des opinions dissidentes est considérable puisqu’elles peuvent aller jusqu’à faire modifier la loi. Ce fut d’ailleurs le cas dans la célèbre affaire Ledbetter v. Goodyear Tire & Ribber Co (2007) qui a conduit le Congrès, après la publication d’une opinion dissidente de Ruth Bader Ginsburg, à allonger la durée de la prescription des actions en justice, permettant aux femmes de revendiquer l’égalité salariale lorsqu’elles sont discriminées. Ruth Bader Ginsburg affichait ses opinions dissidentes jusque dans les tenues qu’elle portait. Elle avait l’habitude de choisir un « collier » différent pour marquer son désaccord avec les juges de la Cour Suprême, et arborait son jabot blanc sur sa robe noire de juge lorsque son opinion rejoignait celle de la majorité de la Cour. Ses choix vestimentaires étaient tellement symboliques qu’ils ont été reproduits dans de célèbres photographies et dessins comportant la légende « I dissent » (« Je suis en désaccord »).

Ruth Bader Ginsburg était dans la lumière sans jamais l’avoir recherchée. Elle observait avec un humour décalé son effigie qui ornait les objets du quotidien et savait que des fans avaient même tatoué son portrait sur leur corps ! Mais Ruth Bader Ginsburg était bien plus qu’une icône. Elle était la gardienne des libertés fondamentales et des droits humains. C’est un combat quotidien et universel pour lequel nos sœurs et nos frères dans le monde se battent parfois au prix de leur vie.

 

Anne Durez,

Présidente de l’association « Femmes de Loi, Femmes d’Exception »

 

 

1) La Constitution des États-Unis d’Amérique est entrée en vigueur en 1789. Elle comprend 7 articles et 27 amendements.

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