La RSE : ce sujet, jugé comme secondaire il y a
encore quelques années, est devenu aujourd’hui l’objectif numéro 1 de
nombreuses entreprises ; la crise sanitaire se présentant comme un
accélérateur les amenant à se questionner sur leur avenir et leurs valeurs.
Pour les professions réglementées, la notion reste encore abstraite et trop peu
abordée, pourtant, la RSE représente un véritable atout, tant pour la
prospection de clients que pour le bien-être des collaborateurs.
Vous avez évidemment entendu parler de la Cop21, du rapport du GIEC (Groupe
Intergouvernemental d’Experts sur l’évolution du Climat), de la loi PACTE, ou
encore de l’index égalité professionnelle femmes-hommes. En entreprise, ces
engagements sociaux et environnementaux se traduisent par la politique RSE
(responsabilité sociétale des entreprises), que le ministère de l’Économie, des
Finances et de la Relance définit comme " l’intégration
volontaire par les entreprises de préoccupations
sociales et environnementales à leurs
activités commerciales et leurs relations avec
les parties prenantes ".
Toutefois, malgré les avantages que présente la RSE, les
professions réglementées peinent à s’engager dans cette politique.
Les
professions réglementées, faiseuses de RSE sans le savoir
De
nombreux textes européens récents orientent le système économique vers des
mesures écologiques, sociales et éthiques. Aussi, en introduisant dès à présent une
politique RSE au sein de leurs entreprises, les dirigeants prennent le parti
d’apporter au sein de leur société une réelle valeur ajoutée. Cette politique
va engendrer de la performance, en concrétisant notamment des éléments
différenciants par rapport à la concurrence. La compétitivité de leur
entreprise en sera immédiatement améliorée, et l’accès aux marchés publics
facilité. L’image de marque de l’entreprise est ainsi affirmée, l’occasion de
définir une véritable " raison
d’être ",
comme l’a introduite la loi PACTE.
Notons
aussi que la majorité des Français considère qu’une entreprise doit être utile
pour la société dans son ensemble. Plus elle sera perçue comme nécessaire,
meilleure sera sa réputation. Un cercle vertueux s’installe alors, et attire
par conséquent de nouveaux clients, sensibles aux enjeux de la RSE et
souhaitant s’inscrire dans cette démarche. Car pour les parties prenantes
externes (notamment les clients), une entreprise qui s’intéresse à la RSE est
forcément sensible à la qualité du service qu’elle apporte.
À en juger par le peu d’articles écrits sur
les professions réglementées et la RSE, on pourrait en déduire que celles-ci ne
s’y intéressent pas. Elles n’ont pas ou peu appréhendé cette notion, en raison
souvent de leur petite taille ou parce que trop souvent, la RSE est ramenée à
la question écologique, alors qu’elle ne se limite pas qu’à l’environnement, et
concerne plus largement les enjeux sociaux. À notre sens, la RSE
ne doit pas rester l’apanage des grands groupes. La transition sociale et
environnementale ne pourra pas se faire sans les PME (rappelons que 99,9 % des entreprises françaises sont des
TPE-PME) et les professions réglementées doivent elles aussi prendre en main ce
chantier.
Il
paraîtrait anormal que les professionnels ne
s’intéressent pas aux préoccupations de la société dans laquelle ils évoluent.
La déontologie, l’éthique des pratiques, l’indépendance, le respect du secret
professionnel, le respect de la réglementation sont autant de valeurs que les
professions réglementées portent en étendard. Toutes ces valeurs sont en
parfaite adéquation avec les enjeux de la RSE. Par conséquent, sans même le
savoir, ces professions font de la RSE sans le formuler clairement. Car engager
une politique RSE, c’est repenser son entreprise dans la perspective de ses
relations avec la société, donc avec ses parties prenantes et en particulier
avec ses clients. Pourtant, les PME et TPE, parmi lesquelles on trouve souvent
les professions réglementées, ne se sentent pas toujours concernées par cette
règlementation souvent redoutée en raison des contraintes administratives
nouvelles à mettre en place.
Des
services inadaptés aux PME
Il
faut bien dire que les petites entreprises ont du mal à intégrer dans leur
stratégie des éléments qui n’apportent pas immédiatement une augmentation du
chiffre d’affaires ; la
RSE, c’est une stratégie au long cours.
L’État lui-même ne donne pas toujours
l’exemple et n’a pas encore fait de la RSE un enjeu prioritaire dans ses
marchés publics où
le critère du prix reste souvent le plus important. C’est le moins-disant qui
remporte le marché, mais pas forcément le plus vertueux.
L’enjeu
pour l’entreprise serait de pouvoir valoriser cette démarche et, même si de nombreux outils permettent d’en
mesurer le suivi, ceux-ci sont souvent coûteux et complexes à mettre en œuvre. Il
existe des normes RSE homologuées par l’AFNOR, comme la norme ISO 26000 ou
encore des certifications et labels RSE qui sont obtenus par des tiers
certificateurs, comme EcoVadis ou Lucie…, mais ils sont souvent trop
généralistes et non adaptés à chaque secteur. Il serait souhaitable que l’État favorise dans un premier temps un
système plus souple et mieux adapté pour les petites entreprises.
D’après
une étude publiée en février 2021 par Gooddwill-management, seulement 14 % des PME ont répondu avoir pleinement
intégré la RSE à la stratégie globale et aux activités de l’entreprise.
Il y a encore une énorme marge de progression !
De
plus, la RSE reste souvent plus sociale qu’environnementale dans les petites
entreprises comme dans les professions réglementées. Pour ces professions, le
sujet est abordé encore bien timidement, voire totalement absent en ce qui
concerne leurs ordres professionnels.
La
compliance représente cependant un enjeu pour ces professions, et la RSE
apparaît ainsi comme un formidable outil de développement pour le professionnel
qui s’y intéresse. Face à la mise en concurrence accrue des professionnels
notamment engendrée par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et
l’égalité des chances économiques (dite "Loi Macron") et avec
l’arrivée des legaltech sur le marché du droit, les professionnels se doivent
de renforcer leur image de compétence pour appuyer la confiance de leurs
clients, car intégrer les valeurs de la RSE contribue à donner de la confiance.
Les professions réglementées vont ainsi devoir se placer
au cœur des grands enjeux sociétaux d’aujourd’hui, en intégrant la RSE,
considérée comme l’un des axes les plus importants de leur modernisation.
La qualité des conditions de travail au cœur des
préoccupations
Les professions réglementées, dont l’actif principal est
l’humain, se doivent d’avoir un volet social qui se traduit par des objectifs
en matière de conditions de travail, de bien-être et de motivation des
collaborateurs. En effet, cette notion de QVT (Qualité de Vie au Travail) est
devenue un élément fondamental pour les collaborateurs, notamment après ces
deux années passées entre confinement, télétravail, split team, reconfinement…
La
crise sanitaire a remis la santé au travail et la qualité des conditions de
travail au cœur des préoccupations. C’est pourquoi le nouvel ANI (Accord
National Interprofessionnel) en date du 9 décembre 2020 a "rebaptisé "la QVT en QCVT (Qualité de vie et des
conditions de travail). Le mot QVCT s’impose dans le 4e Plan Santé
au Travail (2021-2025) et pourrait, à terme, supplanter l’usage actuel dans la
pratique. Le développement du télétravail en fait partie et a marqué un
tournant durable, car le travail doit permettre un équilibre vie privée et vie professionnelle.
La
RSE pour optimiser les recrutements
Toutefois, la RSE doit également intégrer un recrutement
objectif, de la transparence dans les perspectives d’évolution, mais aussi des
valeurs en matière de parité, de non-discrimination et d’égalité salariale
entre les hommes et les femmes.
En effet, mettre en place une
stratégie active de RSE permet aussi de faciliter le recrutement d’autant que
l’attractivité induite par la RSE trouve un certain écho auprès des salariés
issus des générations Y et Z.
Selon une enquête BNP & The Boson Project, un jeune sur cinq serait prêt à
choisir l’entreprise la plus éthique parmi deux sociétés offrant des postes
similaires ! Mais encore faut-il que cette stratégie de recrutement basée
sur la RSE soit connue de tous. Il faut donc communiquer efficacement en
parallèle du développement d’une politique RSE si l’on souhaite optimiser son recrutement.
Une fois les talents recrutés, il faut veiller à ce qu’ils s’épanouissent dans
leur travail dans un environnement qui leur correspond parfaitement.
La RSE, un outil pour combattre les discriminations
La politique RSE doit également veiller à l’égalité
salariale entre les hommes et les femmes. On estime à 24 % l’écart
moyen entre les salaires des femmes et des hommes ; 9 % à poste
égal. 41 % des cadres
sont des femmes (contre 20 % au début des
années 1980), 17 % des postes
de direction sont occupés par les femmes, et 10 % du top
management est féminin. Aussi, depuis le 1er mars 2020, l’Index de
l’Égalité Professionnelle Femmes-Hommes, qui est fait pour corriger la
situation "socialement inacceptable
et économiquement absurde" de
la discrimination professionnelle des femmes, précise
l’ancienne ministre
du Travail Muriel Pénicaud, concerne toutes les entreprises qui comptent plus de 50 salariés, c’est-à-dire près de 40 000.
Côté discrimination, l’entreprise se
doit aussi de refléter toutes les facettes de la population française et de
respecter les droits fondamentaux de tous ses collaborateurs. Outre une
représentativité en termes de sexes, on doit également retrouver dans
l’entreprise une répartition, à l’image de la société, en matière d’âges,
d’origines sociales ou géographiques, d’appartenances ethniques, d’apparence
physique, d’orientations sexuelles, de handicap…
Alors certains pourraient dire qu’il n’est nul besoin
d’une politique RSE pour mettre en place des actions et des outils spécifiques
qui touchent tous les volets de l’activité de l’entreprise et comportent des
enjeux économiques, sociaux et environnementaux. Toutefois, décider
d’une politique RSE, c’est aller plus loin, en se fixant des objectifs, les
mesurer et définir les marges de progression. C’est également accepter la transformation du monde du travail et faire
preuve de résilience.
Pour les cabinets de conseil du chiffre et du droit,
s’engager dans une politique RSE, c’est aussi se démarquer de ses concurrents,
tout en établissant un lien avec les entreprises clientes qui seront sensibles
à cet engagement et seront tentées d’aller vers ces cabinets qui leur
ressemble. Idem pour les talents qui ne resteront que dans une structure qui
porte des valeurs, répond à leurs attentes et qui attache de l’importance à ces
trois piliers économiques, sociaux et environnementaux mis en exergue par une
politique RSE…
Alors voyez-y une opportunité, foncez et surtout
n’attendez pas qu’il soit trop tard !
Catherine Sauvat,
Présidente d’Emerize
Béatrice Duquerroy,
Huissier de Justice,
membre d’Emerize