Dans le cadre
d'une enquête ou d'une instruction, des animaux peuvent être saisis. Une
opération délicate aux rouages largement méconnus, où la nécessité d’anticiper
et d’agir vite vient se heurter au manque de moyens et à certaines lacunes
législatives. Heureusement, la mobilisation des acteurs parvient à pallier ces
défaillances. Tels sont les enseignements tirés à l’issue de la 17e conférence
de la Commission ouverte droits de l’animal du barreau de Paris, chapeautée par
l’avocate Marie-Bénédicte Desvallon, le 21 mai dernier.
« Deux-Sèvres :
le lion saisi à Marigny a été confié à un parc animalier dans la Loire »,
« Seine-et-Marne : dénutris et maltraités, 129 animaux saisis
dans une ferme »… Chaque année, les médias regorgent de faits divers
rapportant des saisies d’animaux chez des particuliers ou dans des élevages.
Mais de quoi parle-t-on exactement ?
Lors de la 17e conférence
de la Commission ouverte droits de l’animal du barreau de Paris, l’avocate
Marie-Bénédicte Desvallon précise d’emblée que la saisie et le retrait
d’animaux, prévus par le Code rural et de la pêche maritime (article L.214-23)
ainsi que par le Code de procédure pénale (article 99-1), sont deux
mesures conservatoires en attente d’une décision judiciaire : c’est l’une
ou l’autre qui va être décidée en fonction « des circonstances et de
l’urgence de la situation ». Seule différence : pour la saisie,
l’animal reste sous la garde de son propriétaire ou détenteur. En matière de
retrait, l’animal est soustrait à la garde de son propriétaire ou détenteur et
confié à un tiers.
Tous les
animaux sont concernés, qu’ils soient domestiques (de compagnie ou de rente),
non domestiques détenus en captivité, apprivoisés ou sauvages. Par ailleurs, la
saisie ou le retrait peut intervenir dans le cadre de circonstances très
diverses : que ce soit dans l’hypothèse « d’animaux dangereux, de
maltraitance, mais aussi de commerce illégal, de trafic illicite ou encore eu
égard à des conditions sanitaires mauvaises ».
Marie-Bénédicte
Desvallon met en exergue que les autorités compétentes qui procèdent à ces
saisies / retraits varient en fonction des cas. Le maire ou le préfet du
département peut en décider via un arrêté motivé – il s’agit
alors d’une mesure administrative – en cas de danger grave ou imminent (animaux
dangereux ou errants). Des policiers et agents de police, inspecteurs de la
santé publique vétérinaire, agents et techniciens du ministère de l’Agriculture
et de l’Alimentation, vétérinaires et préposés sanitaires contractuels de
l’État, peuvent prendre une décision motivée et lancer une procédure
contradictoire par procès-verbal judiciaire, au titre des mesures
conservatoires, quand la saisie ou le retrait se fait lors d’une inspection ou
d’un contrôle. Enfin, le procureur de la République et le juge d’instruction
sont habilités à demander une saisie ou un retrait au cours d’une procédure
judiciaire ou lors de contrôles, dans le cadre d’une procédure pénale.
Différentes
solutions de prises en charge des animaux sont ensuite envisageables : le
placement dans un lieu de dépôt, la cession à un tiers, la garde temporaire par
le saisi, la remise à une association ou à une fondation de protection animale,
l’euthanasie ou la réintroduction dans le milieu naturel. Concernant le lieu de
dépôt en particulier, ce dernier doit être « adapté à la garde »
de l’animal, selon le Code rural et de la pêche maritime, qui ne donne
cependant « pas de définition du dépôt pour les animaux d’espèces
sauvages apprivoisés ou tenus en captivité saisis », regrette
Marie-Bénédicte Desvallon. En revanche, pour les animaux domestiques, le même
Code envisage « un espace clos aménagé de façon à satisfaire aux
besoins biologiques et physiologiques de l’espèce ». Le lieu de dépôt
en question peut être une fourrière pour les animaux domestiques, ou, pour les
animaux non domestiques, un établissement d’élevage ou de présentation au
public d’animaux vivants. Quant à la remise à une association, cette dernière
doit être une association de protection animale reconnue d’utilité publique ou
déclarée. Comme le spécifie l’avocate, la décision mentionne le lieu de
placement et vaut jusqu’à ce qu’il ait été statué sur l’infraction.
L’Oclaesp recense des obstacles « structurels »
et « juridiques »
Alors que le
trafic d’espèces protégées serait la quatrième activité de commerce illégal la
plus lucrative à l’échelle mondiale, selon un rapport de WWF, « la
France n’est pas en reste, que ce soit en termes de pays de transit, mais aussi
de destination », souligne Yannette Bois, commissaire de police et
adjointe en chef de l’Office central de lutte contre les atteintes à
l’environnement et à la santé publique (Oclaesp) lors de cette 17e édition
de la Commission ouverte droits de l’animal du barreau de Paris.
Conséquence : les flux d’animaux sauvages saisis sont en « constante
augmentation ». Il arrive d’ailleurs souvent qu’un animal soit
découvert lors d’une procédure incidente à une autre procédure de droit commun,
notamment en matière de stupéfiants.
« Ce
qui compte, c’est d’identifier des réseaux criminels et de trafics, et de les
poursuivre autant sur la base des infractions environnementales que sur
l’aspect financier », explique la commissaire. Sa dernière saisie en
date ? Celle d’un tamarin lion à tête dorée, un primate en voie de
disparition – il n’en resterait plus que 2 500 sur Terre – retrouvé
dans un appartement d’une cité de région parisienne. La bête « avait
fait des séjours en cave », déplore Yannette Bois.
« On
saisit aussi beaucoup de félins depuis quelques années : lionceaux, tigreaux,
servals, caracals, etc., souvent à l’âge juvénile, car cela devient ensuite
plus compliqué de les garder chez soi », rapporte-t-elle. Idem pour
les reptiles, les oiseaux et certains poissons, à l’instar des civelles, petits
des anguilles et produit de consommation très recherché qui atteint des prix
colossaux. L’Hexagone en est d’ailleurs le pays d’origine : ces espèces
vivent et grandissent sur nos côtes avant de partir vers l’Asie, la plupart du
temps.
L’Oclaesp
travaille en partenariat avec différents services pour classifier les espèces,
étudier les réglementations qui s'appliquent, mais encore pour manipuler,
anesthésier, capturer, transporter les animaux en question. « Il nous
arrive même de requérir les services du Muséum national d’histoire
naturelle ! » témoigne Yannette Bois.
Une telle
organisation demande de l’anticipation, autant pour la saisie que pour le
placement. Difficile donc, puisque les saisies se font souvent en urgence. La
commissaire de police pointe d’abord des obstacles structurels liés au
placement. En effet, les structures d'accueil doivent être adaptées
(établissements d’élevage, de vente, de transit, de présentation au public
d'animaux d’espèces non domestiques…). À ce titre, « l’absence de
statut juridique dédié aux refuges et sanctuaires soulève des inquiétudes, car
certaines peuvent s’identifier comme telles alors qu’elles proposent des
standards d’accueil insuffisants et des soins inadéquats », affirme la
commissaire. Par ailleurs, les animaux sauvages sont souvent contraints de
transiter par plusieurs lieux : dans un premier temps recueillis au sein
d’un lieu proche de leur découverte, ils sont ensuite placés dans une structure
plus appropriée. Or, « cela peut être préjudiciable pour les animaux en
situation de stress », ou les animaux « sociaux » tels que
les primates, qui ont besoin d’une période d’adaptation. Yannette Bois
identifie également des freins au placement tels que la quarantaine
administrative et sanitaire, certains établissements ne disposant pas de place
suffisante pour isoler l’animal en question. En outre, si ce dernier n’est pas
« pur » génétiquement, il va moins intéresser les zoos, par exemple.
En-dehors des
problèmes structurels, la commissaire de police se fait l’écho d’obstacles
juridiques, notamment par rapport au statut de l’animal. En effet, les animaux
saisis d’un propriétaire en attente de jugement restent la propriété de
celui-ci. Le magistrat peut l’en déposséder seulement à certaines conditions,
et peut alors ordonner une cession à titre onéreux (le produit de la vente est
alors consigné pendant cinq ans), ou confier l’animal à un tiers, ou faire
procéder à l’euthanasie – sachant que le propriétaire peut contester cette
décision. Mais dans la pratique, observe Yannette Bois, les magistrats ne sont
« pas très enclins à prononcer ce transfert de propriété, car s’il y a
relaxe, alors l’animal doit être restitué ». Cette absence de
transfert de propriété pose toutefois la question de l’avance des frais de
garde de l’animal. « Les procédures judiciaires sont longues, et les
propriétaires, souvent insolvables. La question de savoir qui va supporter in
fine les frais de garde de l’animal est donc une problématique souvent
évoquée par les structures pour refuser la prise en charge de l’animal dont
elles ne sont pas sûres d’obtenir la garde définitive à l’issue du jugement. »
Car si le juge peut condamner le mis en cause à la prise en charge
rétrospective des frais de placement, il arrive souvent, en pratique, que cette
mention soit oubliée dans la décision. « On se retrouve alors avec une
décision de jugement qui déclare la culpabilité du propriétaire mais qui prive
les gardiens du remboursement », dénonce Yannette Bois. Sans compter
le risque de relaxe : la structure aura alors hébergé l'animal, qui lui
aura coûté beaucoup d’argent, sans espoir de rentrer dans ses frais. Outre
l’aspect pécuniaire, la commissaire de police explique que les gardiens à qui
sont confiés ces animaux ont des droits « très restreints »
sur eux et ne peuvent pas en disposer librement. Ils ne peuvent notamment pas
les montrer au public. Pour un zoo dont c’est l’activité, il s’agit donc d’une
contrainte supplémentaire (trouver un enclos isolé) et d’un bon motif pour
refuser l’accueil.
En raison de
tous ces inconvénients, parfois, aucune solution de placement ne peut être
trouvée. Les animaux sont alors laissés à la garde de leurs détenteurs :
c’est ce que l’on appelle la « saisie sans dépossession ». Une
solution mise en œuvre notamment pour les gros mammifères, qui n’est pas sans
poser problème, particulièrement eu égard au bien-être de l’animal, juge la
commissaire.
Pour Yannette
Bois, « il y a aussi un vrai besoin de formation et
d’information de tous les acteurs de la chaîne pénale ». La
commissaire considère qu’il « serait bon de faciliter
davantage le transfert de propriété aux structures d’accueil, mais aussi de
pouvoir financer au niveau étatique certaines d’entre elles pour que le
placement soit favorisé ». Il lui apparaît aussi nécessaire, face aux
difficultés rencontrées, de coordonner un maximum les différents acteurs.
La DDPP face à la multiplication des cas de
maltraitance
Et cette
coordination passe par la communication, estime pour sa part Déborah Infante,
cheffe du service santé, protection animales et environnement à la Direction
départementale de la protection des populations (DDPP) 77, également
intervenante à ce webinaire. « Il arrive qu’après un retrait opéré par
les forces de l’ordre, les animaux atterrissent dans des structures qu’on ne
connaît pas. Des associations pleines de bonne volonté vont accueillir un
mouton qui divague, mais ce n’est pas forcément évident pour elles de savoir
quoi en faire. D’où l’importance que le lieu de dépôt soit connu des services
vétérinaires du département. »
En 2010, la
Direction départementale des services vétérinaires a fusionné avec la Direction
départementale de la répression des fraudes pour former la Direction
départementale de la protection des populations. Cette dernière compte un
service santé, protection animales et environnement pour chaque département. En
Seine-et-Marne (77), ce service Santé, protection animales et environnement
(SPAE) compte huit personnes. Animaux de compagnie, faune sauvage, animaux de
rente, exportations, habilitations sanitaires, équidés, expérimentation
animale, apiculture, pharmacie vétérinaire, sous-produits animaux et
alimentation animale… Ses champs d’intervention sont variés. Déborah Infante
ajoute que les agents des services vétérinaires ont la particularité de détenir
des pouvoirs à la fois en matière de police administrative et de police
judiciaire, qui peuvent s’avérer utiles : « La grande majorité
sont des cas qu’on arrive à résoudre avec la pression ou la médiation. Si
ça ne suffit pas, on adresse des mises en demeure ou des avertissements, et la
plupart des situations rentrent dans l’ordre. Mais parfois, on n’a pas d’autre
solution que de rédiger des PV et retirer des animaux. »
Sa collègue
Anne-Marie Bourdeleau, adjointe au service SPAE de la DDPP 77, précise que ce
dernier est de plus en plus chargé de gérer les dossiers de signalement de
maltraitance – violences physiques, négligences, incompétence, inexpérience,
incapacité physique ou financière. 90 % des cas de maltraitance sur le
volet élevage/animaux de rente seraient ainsi dus principalement à des
difficultés financières des éleveurs, renchérit Déborah Infante. Selon elle,
les maltraitances volontaires des éleveurs sur les animaux sont très
rares.
Par ailleurs,
Anne-Marie Bourdeleau l’assure : gérer des animaux, « c’est aussi
gérer de l’humain ». « Lors d’un retrait, j’ai été confrontée
à une personne atteinte d’une maladie qui ne se rendait pas compte de l’état de
ses animaux. Il fallait voir son état de vie déplorable ! Cette personne
esseulée qui vivait ainsi depuis des années a elle aussi été placée. »
Dès l’instant
où une suspicion de maltraitance lui est rapportée, le service démarre une
enquête périphérique. Mais une grande partie des plaintes s’avérer être de la
simple délation de voisinage. Une « perte de temps »,
dénonce-t-elle.
« Si
la maltraitance est avérée, on en informe le procureur pour préparer si
nécessaire une opération de retrait », explique l’adjointe. Opération
lors de laquelle interviennent de nombreux protagonistes. Elle raconte qu’en
2019, le service a été informé par la police municipale, puis le procureur, de
la présence d’un élevage de chiens dans une ville du département. « Nous
avons prévenu le parquet de notre intervention sur ce lieu, et nous avons
téléphoné à des associations de protection animale en leur demandant s’il leur
était possible d’être disponibles rapidement pour récupérer les animaux. Nous
sommes arrivés avec les forces de l’ordre qui avaient demandé les autorisations
nécessaires. Nous avions également mandaté un vétérinaire pour nous accompagner
et vérifier les conditions de détention des animaux. » Sur place, les
équipes découvrent un élevage de revente illégale, avec des chiens prostrés, en
plein soleil, parqués dans des box, sans eau à disposition. La décision de
placement est prise immédiatement et une association qui avait donné son feu
vert au préalable est contactée pour venir retirer les animaux. « Les
propriétaires ne voulaient pas laisser partir leurs chiens... Ces
interventions, ce n’est jamais facile », concède Anne-Marie
Bourdeleau. À la suite, le service a rendu des rapports d’intervention. Puis il
a fallu attendre début 2021 pour que le procès ait lieu. Verdict :
l’éleveur clandestin a été puni de trois mois de prison avec sursis et d’une
amende, assortis d’une interdiction de détenir des chiens de 1re et
2e catégorie pendant cinq ans, d’une confiscation des chiens
remis définitivement à une association de protection animale, et à
70 000 euros de frais. Pour en arriver là, c’est un « travail
de longue haleine » qu’il faut engager, souligne l’adjointe au service
santé, protection animales et environnement.
OFB : des inspecteurs de l’environnement «
commissionnés et assermentés »
Autre acteur
compétent, à trois niveaux qui plus est (national, régional, départemental), le
tout récent Office français de la biodiversité (OFB) est composé d’équipes
pluridisciplinaires : inspecteurs de l’environnement, ingénieurs,
vétérinaires, techniciens, personnels supports… Au total, 2 800 agents
répartis sur le territoire national pour mieux protéger le vivant.
En
particulier, les inspecteurs de l’environnement disposent de pouvoirs de police
judiciaire issus du Code de l’environnement et du Code pénal, signale Marion
Brulez, cheffe du service police judiciaire et renseignement au
sein de la Direction de la police et du permis de chasser.
Ces agents
commissionnés et assermentés ont également compétence au titre du Code de la
sécurité intérieure et du Code forestier, mais aussi du Code rural et de la
pêche maritime pour tout ce qui concerne les animaux de la faune sauvage, et
plus particulièrement sur l’aspect de la santé publique vétérinaire, ou encore
pour la lutte contre les dangers sanitaires, la garde et la circulation des
animaux et des produits des animaux, ou encore en matière de produits
phytopharmaceutiques. L’OFB n’est en revanche pas compétent pour les animaux
domestiques.
Marion Brulez
indique qu’il existe plusieurs niveaux de protection des espèces :
certaines vont être protégées au titre de la réglementation nationale, d’autres
réglementées parce qu’il s’agit d’espèces exotiques envahissantes ou encore
d’autres protégées au titre de la réglementation européenne et internationale
par rapport à la Convention de Washington : les inspecteurs de
l’environnement sont donc compétents pour rechercher des infractions à ces
réglementations.
Dans ce cadre,
Marion Brulez souligne que l’article L. 172-12 du Code de l’environnement
permet certes de saisir les animaux, mais les vivants. Pour ce qui n’est pas
vivant, les inspecteurs de l’environnement peuvent procéder ou faire procéder à
la destruction. « Ils peuvent aussi, sur autorisation, procéder ou
faire procéder au placement dans un lieu de dépôt »,
ajoute-t-elle.
Quand la
conservation des animaux n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité,
les inspecteurs peuvent procéder ou faire procéder à la remise des animaux non
apprivoisés dans leur milieu naturel, de préférence où ils ont été prélevés, ou
compatible avec leurs exigences biologiques. « Il y a majoritairement
deux types d’espèces que nous relâchons immédiatement dans leur milieu
naturel : les civelles, qui sont des animaux dont le délai de survie en
captivité est assez faible si les conditions ne sont pas réunies, et vont être
pour la plupart relâchées dans une rivière où elles pourront continuer leur
migration ; et les passereaux, quand il s’agit de faune métropolitaine, et
quand leur état sanitaire le permet », rapporte l’agente de l’OFB. Les
inspecteurs de l’environnement peuvent aussi procéder ou faire procéder,
« dans le respect du bien-être animal », à la
destruction des animaux susceptibles d’occasionner des dégâts – bien qu’il n’y
ait pas de définition apportée par la loi sur ce point, déplore-t-elle. « En
pratique, cela peut recouvrir des espèces exotiques envahissantes qui peuvent
être dangereuses pour des espèces locales. » Marion Brulez évoque des
cas de ratons laveurs, par exemple, ou de sangliers. « Nous avons eu
affaire à une personne qui avait un élevage illégal dont elle ne s’occupait
plus : la clôture était cassée, les sangliers commençaient à s’échapper… ce qui
posait des problèmes en termes de dégâts et d’ordre public. Ici, c’est donc
l’euthanasie qui a été envisagée. » Si les spécimens ne peuvent pas
être remis dans leur milieu naturel ni détruits, les inspecteurs ont alors
recours à un placement ou une cession, à condition qu’il ne s’agisse pas
d’espèces interdites au commerce.
Par ailleurs,
récemment, les agents de l’OFB se sont vu conférer de tout nouveaux
pouvoirs, via la loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet
européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.
« En ce qui nous concerne, la loi a donné lieu à l’article 28-3 du Code
de procédure pénale, qui ouvre la possibilité pour les inspecteurs de
l’environnement d’obtenir une habilitation d’officier de police judiciaire pour
pouvoir mettre en œuvre les prérogatives attribuées aux OPJ pour les enquêtes
qui justifient par exemple un recours à la coercition. Nous travaillons
actuellement avec les autorités de tutelle et le ministère de la Justice afin
de mettre en place cette nouveauté », informe Marion Brulez.
Les associations, incontournables mais
subordonnées
Bien que
jouant un rôle clef, les associations, de leur côté, n’ont pratiquement « aucun
droit ». Pour porter leur voix, c’est Arnauld Lhomme, responsable des
enquêtes pour l’association Action Protection Animale (APA), qui prend la
parole lors de cette 17e conférence de la Commission ouverte
droits de l'animal. Il le revendique : « Certes nous sommes des
partenaires incontournables dans la prise en charge, mais nous sommes plutôt
des lanceurs d’alerte. » Selon lui, le travail des associations
consiste donc surtout à trouver le bon interlocuteur pour que l’infraction
cesse. Tâche qui peut s’avérer ardue, et hautement chronophage,
considère-t-il : « Si on nous fait remonter le signalement d’un
chien battu, que l’officier de permanence à qui on s’adresse nous dit “j’ai
pas le temps”, alors on est obligés d’attendre pour avoir un autre
interlocuteur, et ainsi de suite. Souvent, c’est nous qui devons récupérer des
attestations sur l’honneur des voisins et qui devons mettre tout un dispositif
en place pour le retrait de l’animal. On est incontournables, mais on ne peut
rien faire sans les services de l’État. »
Récupérer les
animaux issus des saisies devient également mission impossible pour certaines
associations. « Rien que cette semaine, nous avons récupéré 84 animaux
de différentes saisies. L’État ne se rend pas compte de ce qui se passe »,
souffle Arnauld Lhomme.
« Et quand le lieu du placement n’est pas habilité et que l’animal est
détenu dans des conditions précaires, nous avons de plus en plus de mal à le
voir partir rapidement dans un lieu habilité. » Face au manque
d’établissements adaptés en France, les associations se voient contraintes de
travailler avec des structures basées à l’étranger. « Récemment, nous
avons pris en charge des babouins, qui sont finalement partis en Hollande, dans
un réseau de sanctuaires européen qui s’occupe de leur trouver des lieux
d’accueil », raconte le responsable des enquêtes pour APA.
Avec les
animaux domestiques, si l’intervention est facilitée, et la quantité de
structures habilitées plus importante, là aussi c’est le nombre d’animaux qui
pose problème. « Souvent, quand nous sommes sollicités, on va nous
dire : “Il y a 20 chats au domicile d’une personne hospitalisée
d’office, il faut intervenir en urgence !”, sauf qu’une fois
arrivés sur les lieux, ce ne sont pas 20 chats que l’on trouve, mais une
centaine de plus. Or nos murs ne sont pas extensibles… » insiste
Arnauld Lhomme.
Comme Yannette
Bois de l’Oclaesp, il revient en outre sur la propriété des animaux saisis.
« On nous parle de mesures conservatoires de trois mois avec placement
par voie judiciaire derrière, mais ce n’est pas pour autant qu’au bout de trois
mois, on dispose de l’animal. La procédure peut durer plusieurs années, alors
qu’il s’agit d’animaux vivants », martèle-t-il. Le responsable des
enquêtes pour l’APA révèle que de nombreuses associations ne veulent plus
prendre d’animaux en judiciaire, et préfèrent les cessions à l’amiable avec les
propriétaires afin de disposer directement de l’animal, de ne pas avoir de
contrainte judiciaire ou de bloquer des places inutilement dans leurs locaux.
« Même si on peut demander l’animal avant le jugement, on se tire une
balle dans le pied, car on doit faire réaliser, par le biais d’un vétérinaire,
une attestation comme quoi nos conditions sont incompatibles avec les besoins
de l’animal pour une garde temporaire. Ce qui revient à dire que nos conditions
d’accueil ne sont pas bonnes pour demander une garde définitive : il y a
donc une vraie incohérence avec les textes en vigueur. On ne peut pas réclamer
qu’on nous confie un animal et en même temps admettre qu’il n’est pas bien chez
nous », pointe Arnauld Lhomme.
Ce dernier
évoque également la charge de travail et la disponibilité, qui doit être
totale. En 2018, un lionceau avait été découvert par des policiers sur la
banquette arrière d’une voiture de luxe, aux Champs-Élysées. Arnauld Lhomme s’en souvient bien : « Quand
vous êtes appelé à 22h par le commissariat du 8e arrondissement,
il faut intervenir à 22h, car les associations animales interviennent 7j/7,
24h/24. Il n’y a pas d’heure pour la détresse animale. » L’animal
avait été confié par le parquet en mesure d’urgence à l’association, et le
lendemain, un lieu d’accueil habilité avait été trouvé. « Heureusement
qu’on a un réseau de connaissances, sinon on ne pourrait pas répondre à l’appel »,
garantit le responsable des enquêtes pour l’APA.
Pour le procureur général de Besançon, il faut
« trouver une adéquation entre saisie et confiscation »
Le sujet des
saisies est « complexe et sensible », admet Christophe Barret,
procureur général près la cour d’appel de Besançon, qui invite à l’étudier à
travers son propre prisme.
Entre autres
principes impliqués, énumère-t-il, se trouvent le droit de propriété, la
question de la responsabilité civile, la question de la responsabilité pénale,
le droit des peines, le devoir de protection de certains animaux, l’ordre
public économique, les préoccupations environnementales, les actions
patrimoniales en matière pénale.
Sur les
actions judiciaires, l’animal intervient à quatre titres. Il peut être d’abord
le moyen d’une infraction : soit une arme par destination, comme un chien
qu’on lance sur quelqu’un, soit le moyen matériel de l’infraction. Christophe
Barret raconte à cet égard qu’il a eu à connaître d’un dossier dans lequel des
trafiquants, faisant preuve d’astuce, avaient placé leur drogue sous le
plancher d’un camion qui transportait des purs-sangs. L’animal peut également
être objet de l’infraction, s’il s’inscrit dans le cadre d’un commerce illicite
ou s’il est l’objet d’une activité illégale, comme un élevage qui relève des
installations classées mais qui ne serait pas conforme. L’animal peut en outre
être le sujet de l’infraction, si des actes de cruauté sont commis à son
encontre et si ses conditions d’élevage sont illicites. Enfin, il se
peut que l’animal soit moyen de la peine (comme confiscation élargie du
patrimoine, saisie en valeur). Par exemple, un cheval de course d’une grande
valeur peut être saisi, car sa valeur correspond à ce qui doit être
saisi.
Par ailleurs,
la saisie peut avoir trois finalités : saisir animal en tant que preuve,
comme mesure de protection, et à titre de sanction.
Au
judiciaire, la technique civile qui peut être utilisée en matière pénale
est celle du séquestre, mesure conservatoire à titre provisoire, informe le
procureur général : on peut ainsi placer sous séquestre des animaux, après
intervention du président du tribunal judiciaire. Autrement, il s’agit des
saisies ou retraits dans le cadre du Code de procédure pénale.
Christophe
Barret tient à opérer une distinction : la saisie et la confiscation ne
sont pas la même chose. La saisie se fait à titre conservatoire, tandis que la
confiscation, transfert de propriété, ne peut être prononcée qu’à titre de
peine complémentaire. « À notre demande, le droit des saisies a été
étendu de manière considérable depuis 15 ans, et celle-ci est quasiment
encourue dans presque toutes les situations. Avec la particularité que lorsque
des actes de cruauté sont commis sur des animaux domestiques, l’examen est de
droit », précise-t-il.
Le procureur
ajoute : « Comme toute peine, il y a une difficulté à trouver une
adéquation entre saisie et confiscation. À moins de lire dans le marc de café,
on ne sait pas ce que va décider le tribunal. La stratégie de saisie doit se
calquer sur la stratégie de confiscation et non l’inverse. »
Christophe
Barret rappelle que la politique pénale est définie par le procureur général et
mise en œuvre par le procureur de la République, qui a un certain nombre de
prérogatives, dont celle de diriger la police judiciaire. S’il y a une enquête
de flagrance ou préliminaire, il va ainsi diriger l’Oclaesp sur l’enquête, et
va contacter les agents de l’OFB ou des services de la DDPP quand
ils agissent dans le cadre des pouvoirs de police judiciaire. Le procureur a
deux autres prérogatives importantes : il décide ou non de poursuivre, il
est chargé de la dimension judiciaire de la prévention de la délinquance. Sur
la décision de poursuivre en particulier, le procureur général attire
l’attention sur « un point important et souvent mal connu : en
France, le ministère public est indépendant et tenu au principe d’impartialité.
Je prends l’exemple d’un élevage de porcs très polluant. Il peut être de
l’intérêt général que cet élevage de porcs continue à exercer car tant de
familles vivent de cet emploi. Cela relève en revanche de l’impartialité de
poursuivre le délit (par exemple, de non-respect de l’installation classée ou
de pollution). Souvent, intérêt général et impartialité se recoupent, mais pas
toujours. »
La mise en
mouvement de l’action publique est donc une prérogative du procureur. La
réponse judiciaire peut alors être de plusieurs ordres : d’abord, les
alternatives aux poursuites, qui vont se conclure par un classement sans suite.
Dans ce cadre, peut être fixée une amende de composition pénale. On peut aussi
demander l’abandon de la propriété d’un bien, donc celle d’un animal. « Ce
n’est pas parce que l’affaire est classée sans suites qu’il n’y a pas eu de
réponse judiciaire. Il y a souvent une incompréhension à ce titre »,
souligne Christophe Barret. Il peut aussi y avoir des poursuites, des peines
d’ordre patrimonial, des amendes, des confiscations, des interdictions… Bref,
pour le procureur général, « La question est d'adapter la bonne réponse
à la bonne situation », ce qui résume parfaitement cette 17e conférence.
Bérengère Margaritelli