Calendrier de mise en œuvre
du programme fixé par Arrêté du 29 mai 2024 (art 3)
Alors que la loi de 2021
visait l'école primaire, le collège mais aussi le lycée, force est de constater
que « la question du respect des animaux de compagnie » n’est
prévue que dans le programme des CP.
Quelles modalités de sensibilisation
des enfants à la sensibilité animale ?
Mentionnée dans l’enseignement
des règles collectives et l’autonomie, la question du respect des animaux est
rattachée aux notions de droits et devoirs de l’élève, l’égalité et la
responsabilité. Cependant, l’apprentissage de la sensibilité animale est inclus
dans l’enseignement du respect des équipements de la collectivité, des
conditions du partage des biens communs. Ainsi, ce programme d’enseignement
tant attendu associe la « question » (et non le devoir) du respect
des animaux au respect des équipements et des biens communs.
Rappelons que la Loi de 2021
aborde la sensibilisation à l’éthique animale sous le prisme philosophique et
scientifique. Alors bien sûr, sensibiliser les plus petits sous ce prisme est
pour le moins difficile. Mais le choix d’associer les animaux de compagnie à
l’enseignement tenant à des « équipements », risque d’être
contreproductif, si le professeur n’est pas accompagné et guidé.
Même si l’animal approprié relève
encore du régime des biens, la sensibilité des animaux n’est pas une question.
Elle est reconnue depuis 1976 pour les animaux domestiques et pour l’ensemble
des animaux depuis 2015. Il ne s’agit pas de faire un cours de droit à des CP.
Pour autant, les modalités d’enseignement sur la « question » du
respect des animaux mériteraient d’être mieux encadrées.
« Il s’agit pour les
élèves de mieux appréhender l’altérité en prenant conscience des
similitudes entre humains et animaux, notamment à travers la sensibilité à la douleur, aux maltraitances »
Au nom du principe de liberté
pédagogique dans l’enseignement, le ministère s’interdit d’imposer aux
professeurs les supports de leurs cours. Dans ce contexte,
nombreuses sont les associations à proposer leurs propres supports. D’autres
encore dans le domaine de la médiation animale démarchent les écoles pour
vendre leurs prestations. Alors que la médiation animale, dans son acception
élargie, se développe dans un contexte de vide juridique, au détriment des
animaux détenus par certains médiateurs plus mercantiles que vertueux, la
présence des animaux dans les écoles pour aborder la question de l’éthique
animale soulève de nombreuses interrogations : la question préalable des
éventuelles allergies par certains enfants, la question du contact avec
l’animal qui ne doit pas être là pour divertir, ou pour alimenter la
sensiblerie trop humaine autour des animaux, mais au contraire pour apprendre
à respecter l’animal en tant qu’individu à l’opposé d’un bien collectif.
Comment ne pas déplorer
l’absence d’une certaine normalisation de la qualité pédagogique du support
mais surtout du défaut de contrôle de la réponse apportée à la finalité de
l’enseignement : faire prendre conscience aux enfants que l’animal de
compagnie est un être sensible pour mieux lutter contre la maltraitance animale
et conforter le lien entre les animaux et les hommes. En d’autres termes, il
s’agit pour les élèves de mieux appréhender l’altérité tout en prenant
conscience des similitudes entre les humains et les animaux, notamment à
travers la sensibilité à la douleur, aux maltraitances.
Des mauvais traitements sur
animaux à la maltraitance humaine
Le programme d’enseignement
rappelle que le CP constitue le moment charnière entre l’école maternelle et
l’école élémentaire. Tout particulièrement au CP, l’école renforce une première
acquisition des exigences du respect d’autrui et de la vie en société, en
permettant à l’enfant de trouver sa place comme personne singulière. Chaque
enfant apprend ainsi à se comporter comme un élève en développant son identité
dans le respect de soi et des autres.
Face au harcèlement, aux
violences domestiques, à l’exposition des enfants à toute forme de violence, à
la banalisation de celle-ci sur les réseaux et jusque dans des dessins animés, aborder
l’éthique animale sous le prisme de la sensibilité à la douleur pourrait, sans aucunement
dévier vers un anthropomorphisme, mieux faire comprendre l’atteinte à
l’intégrité, aider à reconnaître la violence, et peut-être libérer la parole
d’enfants témoins, voire victimes ou auteurs de maltraitance.
La récente introduction de la
définition de la maltraitance dans le Code de l'action sociale et des familles (« CASF ») procède
de la définition élaborée dans le cadre de la Commission de promotion de la
bientraitance et de lutte contre la maltraitance.
Si l’animal n’est pas reconnu
en droit comme un être vulnérable, ni comme une victime, il
n’en demeure pas moins qu’un enfant victime de maltraitance peut avoir en
commun avec l’animal, l’auteur(e) des violences. La structuration de la
définition donnée à l’article L119-1 identifie les différents
éléments permettant de caractériser la maltraitance :
Comment
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lorsqu'un geste, une parole, une
action ou un défaut d'action
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Impact
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compromet ou porte atteinte à son
développement, à ses droits, à ses besoins fondamentaux ou à sa santé et
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Contexte
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que cette atteinte intervient
dans une relation de confiance, de dépendance, de soin ou d'accompagnement
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Dans le temps
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les situations de maltraitance
peuvent être ponctuelles ou durables, intentionnelles ou non
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Origine
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leur origine peut être
individuelle, collective ou institutionnelle. Les violences et les
négligences peuvent revêtir des formes multiples et associées au sein de ces
situations
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De la santé mentale et de la
responsabilité pénale des mineurs
En septembre 2023, le Comité
des droits de l’enfant alertait sur les incidences de toute exposition à la
violence, y compris celle sur les animaux. Dans son observation générale 26, en
référence à l’article 19 « Droit de ne pas être soumis à une forme
quelconque de violence », le texte énonce que « les enfants
doivent être protégés contre toutes les formes de violence physique et
psychologique et contre l’exposition à la violence, comme la violence
domestique ou la violence infligée aux animaux. »
L’impact des violences
auxquelles sont exposés les enfants sur leur santé mentale ne cesse d’être
démontré par les professionnels de la santé. De victime à auteur de violences,
il n’y a parfois qu’un pas. Se multiplient également les études statistiques
sur la zoophilie pratiquée par des adolescents isolés ou/et visionnant des
films pornographiques. La cruauté quotidienne des enfants à la Réunion comme à
Mayotte notamment sur des chiens et contre laquelle luttent des associations de
protection animale est une alerte sur la santé mentale des enfants.
Aussi, lorsque, le 10 octobre
2024, le premier ministre Michel Barnier a annoncé que la santé mentale serait
la grande cause nationale pour 2025, la question des violences perpétrées
envers les animaux en présence ou par des enfants ne doit pas être éludée.
Bien au-delà des associations
de protection animale, le corps médical appelle aux actions pluridisciplinaires,
y compris avec l’Education Nationale, pour prévenir et repérer les mineurs
auteurs de violences. A cet effet, l’Article L221-1 du CASF dispose au 5ter que
le service de l'aide sociale à l'enfance est chargé de « (…) veiller au
repérage et à l'orientation des mineurs condamnés pour maltraitance animale ou
dont les responsables ont été condamnés pour maltraitance animale. »
Depuis la réforme de la
justice pénale des mineurs entrée en vigueur le 30 septembre 2021 et
l’instauration du code de justice pénale des mineurs (CJPM), « lorsqu'ils
sont capables de discernement, les mineurs, au sens de l'article 388 du Code
civil, sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont
ils sont reconnus coupables. (art L11-1 CJPM).
L’article précise qu’« est
capable de discernement le mineur qui a compris et voulu son acte et qui est
apte à comprendre le sens de la procédure pénale dont il fait l'objet. »
Les mineurs de moins de treize ans sont présumés ne pas être capables de
discernement tandis que les mineurs âgés d'au moins treize ans sont présumés
être capables de discernement.
Dans
ce nouveau cadre juridique, la sensibilisation des mineurs au collège et lycée au
respect des animaux ne saurait être dissociée de la prise de conscience de la
responsabilité pénale qu’ils encourent. L’intervention de
personnes qualifiées non seulement sur la question animale mais aussi sur le
volet juridique et notamment en droit pénal s’impose.
En considération du principe
fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel il est
nécessaire de rechercher le relèvement éducatif et moral par des mesures
adaptées à l’âge et à la personnalité, les avocats ont une
vraie légitimité à intervenir auprès des élèves pour expliciter tant
l’évolution de la protection des animaux que la notion de discernement et la
responsabilité de leurs actes.
Marie-Bénédicte Desvallon
Avocate au Barreau de
Paris et Solicitor of England & Wales - WAT & LAW
Responsable de la
Commission ouverte Droits & Animaux au Barreau de Paris
Directrice de session
de la formation continue des magistrats sur le module l’animal et le droit
Co-auteure du manuel
juridique sur les chiens de travail