DROIT

TRIBUNE. Proposition de loi contre les colliers étrangleurs et électriques pour chiens et chats : mieux que la fin de certains matériels, à quand la fin de certaines méthodes ?

TRIBUNE. Proposition de loi contre les colliers étrangleurs et électriques pour chiens et chats : mieux que la fin de certains matériels, à quand la fin de certaines méthodes ?
Publié le 03/02/2023 à 09:55

Dans cette tribune, Marie-Bénédicte Desvallon, avocate et responsable de la Commission ouverte Droits & Animaux au barreau de Paris, revient sur le contenu de la proposition de loi visant à interdire la maltraitance sur les animaux de compagnie par l’utilisation de colliers étrangleurs et électriques, votée par les députés le 16 janvier. Si elle considère que le texte prévoit une exception discutable à cette interdiction, elle souligne toutefois qu’il confirme « la nécessité de reconnaître un statut propre aux chiens de travail en administration ».

Selon la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie1, « Aucun animal de compagnie ne doit être dressé d’une façon qui porte préjudice à sa santé et à son bien-être, notamment (…) en utilisant des moyens artificiels qui provoquent des blessures ou d’inutiles douleurs, souffrances ou angoisses ».

Aux termes de la proposition de loi de la nouvelle présidente de la Commission sur la condition animale à l'Assemblée nationale, pourraient être interdites2 : 1) l’utilisation sur les chiens et les chats de tout dispositif à décharge électrique, étrangleur sans boucle d’arrêt ou dont les pointes sont tournées vers le corps de l’animal ; 2) l’acquisition et la cession, y compris en ligne, à titre onéreux ou gratuit, ainsi que la publicité et les petites annonces portant sur tout dispositif à décharge électrique, étrangleur sans boucle d’arrêt ou dont les pointes sont tournées vers le corps de l’animal.

Le droit positif prohibe déjà certains colliers

Proposer la suppression de certains colliers n’est pas chose nouvelle3. C’est sans compter le droit positif qui interdit déjà certains colliers comme rappelé dans notre ouvrage sur les chiens de travail4 , corédigé avec mes confrères Lorène Bourdin et Blanche de Granvilliers.

En effet, l’arrêté du 25 octobre 1982 (modifié) relatif à l'élevage, à la garde et à la détention des animaux dispose tout d’abord que « le collier et la chaîne doivent être proportionnés à la taille et à la force de l'animal, ne pas avoir un poids excessif et ne pas entraver ses mouvements. Le texte s’applique pour les chiens de garde et d'une manière générale, tous les animaux de compagnie et assimilés. » Le texte précise qu’ « en aucun cas, le collier ne doit être constitué par la chaîne d'attache elle-même ni par un collier de force ou étrangleur ».

Parallèlement, l’arrêté du 26 octobre 2001 relatif au mordant5 dispose que seuls les dresseurs détenant un certificat de capacité peuvent acquérir des objets et des matériels destinés à ce dressage (sans que le texte ne précise ledit matériel).

La proposition de loi pose un principe général d’interdiction 

La proposition vise à interdire trois colliers : le collier avec décharge électrique, étrangleur sans boucle d’arrêt ou dont les pointes sont tournées vers le corps de l’animal. Côté sanctions, tout manquement à l’interdiction est sanctionné d’une amende administrative de 750 € pour une personne physique. Ce montant est porté à 3 750 € en cas de récidive ainsi que lorsqu’il y a le manquement par une personne morale ou lorsqu’il est commis dans le cadre d’une activité exercée à titre professionnel de dressage ou d’éducation des animaux concernés.

À l’unanimité des acteurs professionnels consultés6, le collier à pointe est à bannir quelle que soit la situation de l’humain et du chien.

Concernant le collier électrique dit de dressage, les avis convergent sur une interdiction d’usage hors administrations, sachant que ces dernières développent un collier avec impulsions électriques pour solliciter le chien au lieu d’envoyer des décharges en continu et indifférentes selon la taille de l’animal.

Pour le collier étrangleur, un mot revient : FORMATION. Outil à ne pas mettre au cou de tous les chiens et dans les mains de n’importe qui, le collier étrangleur ne devrait pas être un outil de dressage pour un jeune chien. Il peut apporter une aide pour des chiens au parcours compliqué qui peuvent présenter un risque pour eux-mêmes (chien qui tire et traverse une route) et pour les autres. À l’instar des chevaux avec lesquels est interdit de tirer sur la bouche, l’usage du collier étrangleur doit être bref et suivi d’une récompense dès que le chien comprend. Les femmes et hommes de terrain considèrent que par l’effet de surprise, le collier étrangleur va permettre au chien de se modérer mais surtout de canaliser ses émotions. Je cite : « ces colliers peuvent servir à stopper un comportement non adapté à une situation risquée. S’il est mal utilisé, le chien va développer une résistance à la douleur et le maître va rentrer en conflit avec l’animal. C’est l’escalade de la violence »… avec le risque de la morsure, de l’abandon, de l’euthanasie.

Quand l’exception réintroduit l’autorisation du collier à pointe pourtant condamné par les professionnels

Membre de la Commission de la défense nationale et des forces armées, la députée Corinne Vignon, auteure de la proposition, a entendu la demande des armées en introduisant une exception pour les services et unités des armées utilisateurs de chiens. Une seconde exception à l’interdiction de recourir à l’un ou l’autre des trois colliers s’applique lors des opérations de capture d’animaux dangereux et errants.

Le texte en l’état appelle notamment les commentaires suivants : 1) les trois types de colliers restent autorisés pour ces cas exceptionnels, alors que les professionnels eux-mêmes sont contre le collier à pointe ; 2) l’exception vaut pour les armées et la gendarmerie, mais pas pour la police, alors même que celle-ci a de plus en plus recours aux unités cynophiles.

Sous réserve des amendements éventuels à venir par le Sénat, espérons que l’interdiction du collier à pointe soit interdite sans exception. Car en l'état, le texte est une nouvelle illustration de la nécessité, pour nos législateurs, de la concertation des acteurs de terrain et des professionnels du droit pour des transcriptions justes, précises et abouties. 

Un statut propre aux chiens de travail en administration est nécessaire

Par ailleurs, cette nouvelle proposition confirme encore la nécessité de reconnaître un statut propre aux chiens de travail en administration. Mieux qu’une médaille, les protéger serait une véritable avancée. La circonstance aggravante introduite par la loi de 2021 pour les actes de cruauté sur un animal détenu par des agents dans l'exercice de missions de service restera sans effet devant les tribunaux. D’autres États font mieux pour protéger leurs chiens. Beaucoup mieux.

Quelle que soit la situation, personne n’est obligé d’avoir un animal. Alors si on fait le choix d’en adopter un : on en prend soin, on l’observe, on prend le temps, on l’éduque pour devenir votre/son binôme. On ne le répétera jamais assez : « tout le monde pense qu’il a le meilleur chien, et ils ont tous raison. Mais sommes-nous le meilleur maître ? » (W.R. Purche)

 

1) Décret n° 2004-416 du 11 mai 2004 portant publication de la convention européenne pour la protection des animaux de compagnie, faite à Strasbourg le 13 novembre 1987 et signée par la France le 18 décembre 1996

2) Proposition d’introduire un nouvel article L. 214-8-3 – I. du Code rural et de la pêche maritime.

3) Proposition de loi N°1206 du 25 juillet 2018.

4) Manuel juridique sur les chiens de travail – Autoédition – Amazon.

5) Arrêté du 26 octobre 2001 relatif à l'exercice de l'activité de dressage des chiens au mordant et aux modalités de demande et de délivrance du certificat de capacité s'y rapportant.

6) Laurent et Gwendal, organisateurs CYNO-OPS, Xavier, militaire.

 

1 commentaire
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Paniagua Javier
- l'année dernière
Un projet de loi intéressant dont l'adoption pourrait constituer une confirmation légale de ce qui existe déjà. Toute avancée dans ce domaine étant positive. A suivre avec attention. Tout à fait d'accord avec Maître Desvallon en ce qui concerne la nécessité d'un statut juridique propre aux chiens de travail en administration. Merci à l'auteure pour son excellente analyse.

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