Dans cette tribune,
Marie-Bénédicte Desvallon, avocate et responsable de la Commission ouverte
Droits & Animaux au barreau de Paris, revient sur le contenu de la
proposition de loi visant à interdire la maltraitance sur les animaux de
compagnie par l’utilisation de colliers étrangleurs et électriques, votée par
les députés le 16 janvier. Si elle considère que le texte prévoit une exception discutable à cette interdiction, elle souligne toutefois qu’il confirme « la
nécessité de reconnaître un statut propre aux chiens de travail en administration ».
Selon la Convention européenne
pour la protection des animaux de compagnie1, « Aucun animal
de compagnie ne doit être dressé d’une façon qui porte préjudice à sa santé et
à son bien-être, notamment (…) en utilisant des moyens artificiels qui
provoquent des blessures ou d’inutiles douleurs, souffrances ou angoisses ».
Aux termes de la
proposition de loi de la nouvelle présidente de la Commission sur la
condition animale à l'Assemblée nationale, pourraient être interdites2 :
1) l’utilisation sur les chiens et les chats de tout dispositif à décharge
électrique, étrangleur sans boucle d’arrêt ou dont les pointes sont tournées
vers le corps de l’animal ; 2) l’acquisition et la cession, y compris en ligne,
à titre onéreux ou gratuit, ainsi que la publicité et les petites annonces
portant sur tout dispositif à décharge électrique, étrangleur sans boucle
d’arrêt ou dont les pointes sont tournées vers le corps de l’animal.
Le droit positif prohibe
déjà certains colliers
Proposer la suppression
de certains colliers n’est pas chose nouvelle3. C’est sans compter
le droit positif qui interdit déjà certains colliers comme rappelé dans notre
ouvrage sur les chiens de travail4 , corédigé avec mes
confrères Lorène Bourdin et Blanche de Granvilliers.
En effet, l’arrêté du 25
octobre 1982 (modifié) relatif à l'élevage, à la garde et à la détention des
animaux dispose tout d’abord que « le collier et la chaîne
doivent être proportionnés à la taille et à la force de l'animal, ne pas avoir
un poids excessif et ne pas entraver ses mouvements. Le texte s’applique pour
les chiens de garde et d'une manière générale, tous les animaux de compagnie et
assimilés. » Le texte précise qu’ « en aucun cas, le collier
ne doit être constitué par la chaîne d'attache elle-même ni par un collier de
force ou étrangleur ».
Parallèlement, l’arrêté
du 26 octobre 2001 relatif au mordant5 dispose que seuls les
dresseurs détenant un certificat de capacité peuvent acquérir des objets et des
matériels destinés à ce dressage (sans que le texte ne précise ledit matériel).
La proposition de loi pose un principe général d’interdiction
La proposition vise à
interdire trois colliers : le collier avec décharge électrique, étrangleur
sans boucle d’arrêt ou dont les pointes sont tournées vers le corps de
l’animal. Côté sanctions, tout manquement à l’interdiction est sanctionné d’une
amende administrative de 750 € pour une personne physique. Ce montant est
porté à 3 750 € en cas de récidive ainsi que lorsqu’il y a le
manquement par une personne morale ou lorsqu’il est commis dans le cadre d’une
activité exercée à titre professionnel de dressage ou d’éducation des animaux
concernés.
À l’unanimité des
acteurs professionnels consultés6, le collier à pointe est à bannir
quelle que soit la situation de l’humain et du chien.
Concernant le collier
électrique dit de dressage, les avis convergent sur une interdiction d’usage hors
administrations, sachant que ces dernières développent un collier avec
impulsions électriques pour solliciter le chien au lieu d’envoyer des décharges
en continu et indifférentes selon la taille de l’animal.
Pour le collier
étrangleur, un mot revient : FORMATION. Outil à ne pas mettre au cou de
tous les chiens et dans les mains de n’importe qui, le collier étrangleur ne
devrait pas être un outil de dressage pour un jeune chien. Il peut apporter une
aide pour des chiens au parcours compliqué qui peuvent présenter un risque pour
eux-mêmes (chien qui tire et traverse une route) et pour les autres. À l’instar
des chevaux avec lesquels est interdit de tirer sur la bouche, l’usage du
collier étrangleur doit être bref et suivi d’une récompense dès que le chien
comprend. Les femmes et hommes de terrain considèrent que par l’effet de
surprise, le collier étrangleur va permettre au chien de se modérer mais
surtout de canaliser ses émotions. Je cite : « ces colliers peuvent
servir à stopper un comportement non adapté à une situation risquée. S’il est mal
utilisé, le chien va développer une résistance à la douleur et le maître va
rentrer en conflit avec l’animal. C’est l’escalade de la violence »…
avec le risque de la morsure, de l’abandon, de l’euthanasie.
Quand l’exception réintroduit l’autorisation du collier à pointe
pourtant condamné par les professionnels
Membre de la Commission
de la défense nationale et des forces armées, la députée Corinne Vignon, auteure
de la proposition, a entendu la demande des armées en introduisant une
exception pour les services et unités des armées utilisateurs de chiens. Une
seconde exception à l’interdiction de recourir à l’un ou l’autre des trois
colliers s’applique lors des opérations de capture d’animaux dangereux et
errants.
Le texte en l’état
appelle notamment les commentaires suivants : 1) les trois types de
colliers restent autorisés pour ces cas exceptionnels, alors que les
professionnels eux-mêmes sont contre le collier à pointe ; 2) l’exception
vaut pour les armées et la gendarmerie, mais pas pour la police, alors même que
celle-ci a de plus en plus recours aux unités cynophiles.
Sous réserve des
amendements éventuels à venir par le Sénat, espérons que l’interdiction du
collier à pointe soit interdite sans exception. Car en l'état, le texte est une nouvelle illustration de la nécessité, pour nos législateurs, de la concertation des acteurs de terrain et des professionnels du droit pour des transcriptions justes, précises et abouties.
Un statut propre aux
chiens de travail en administration est nécessaire
Par ailleurs, cette
nouvelle proposition confirme encore la nécessité de reconnaître un statut
propre aux chiens de travail en administration. Mieux qu’une médaille, les
protéger serait une véritable avancée. La circonstance aggravante introduite par
la loi de 2021 pour les actes de cruauté sur un animal détenu par des agents
dans l'exercice de missions de service restera sans effet devant les tribunaux.
D’autres États font mieux pour protéger leurs chiens. Beaucoup mieux.
Quelle que soit la
situation, personne n’est obligé d’avoir un animal. Alors si on fait le choix
d’en adopter un : on en prend soin, on l’observe, on prend le temps, on
l’éduque pour devenir votre/son binôme. On ne le répétera jamais assez : « tout
le monde pense qu’il a le meilleur chien, et ils ont tous raison. Mais sommes-nous
le meilleur maître ? » (W.R. Purche)
1)
Décret n° 2004-416
du 11 mai 2004 portant publication de la convention européenne pour la
protection des animaux de compagnie, faite à Strasbourg le 13 novembre 1987 et
signée par la France le 18 décembre 1996
2)
Proposition d’introduire un nouvel article L. 214-8-3 – I. du Code rural et de
la pêche maritime.
3)
Proposition de loi N°1206 du 25 juillet 2018.
4)
Manuel juridique sur les chiens de travail – Autoédition – Amazon.
5)
Arrêté du 26 octobre 2001 relatif à l'exercice de l'activité de dressage des
chiens au mordant et aux modalités de demande et de délivrance du certificat de
capacité s'y rapportant.
6)
Laurent et Gwendal, organisateurs CYNO-OPS, Xavier, militaire.