Cette décision, consacrée
dans un arrêt rendu ce 21 janvier par la haute juridiction, fait suite aux
pourvois formés par deux ex-dirigeants du groupe France Télécom (devenu Orange)
dans l’affaire des suicides de plusieurs salariés.
Les dirigeants d’une société
peuvent-ils être sanctionnés pénalement pour avoir commis un « harcèlement
moral institutionnel » ? Pour la Cour de cassation, la réponse
est positive.
Ce mardi 21 janvier, la haute
juridiction a rendu un arrêt qui reconnaît que le « harcèlement moral
institutionnel » entre bien dans le champ du « harcèlement moral au
travail » tel que le conçoit le Code pénal à son article 222-33-2. « Le
législateur a souhaité donner au harcèlement moral au travail la portée la plus
large possible », souligne la Cour.
La législation qui incrimine
le harcèlement au travail permet donc de réprimer les agissements répétés qui
s’inscrivent dans une « politique d’entreprise », autrement dit toutes
actions qui participeraient à la dégradation des conditions de travail des
salariés dues à un « ensemble de décisions prises par les dirigeants ou
les organes dirigeants d’une société visant à établir ses modes de gouvernance
et d’action », explique le chef de projet Procédure Pénale Numérique à
la cour d'appel de Caen David Pamart, qui qualifie l’arrêt de la cour
criminelle de « particulièrement important ».
Une consécration cinq ans
plus tard
Cette décision fait suite aux
pourvois formés par deux ex-dirigeants du groupe France Télécom (devenu Orange)
dans l’affaire des suicides de plusieurs salariés, et rend ainsi définitives
les condamnations de l’ancien patron de la société de télécommunication Didier
Lombard, et de son ex-numéro 2 Louis-Pierre Wenès.
La cour d’appel de Paris les
avait en effet condamnés, le 30 septembre 2022, à un an de prison avec sursis
et 15 000 euros d’amende pour « harcèlement moral institutionnel »
après un premier jugement en 2019. En cause : la mise en place, dans le
cadre d’une politique d’entreprise, d’un plan de réorganisation visant à
supprimer 20?000 postes en trois ans, et d’un plan de mobilité interne visant
10 000 agents.
A la suite d’une « vague
de suicides et d’accidents psycho-sociaux dans le groupe », le
syndicat Sud PTT avait porté plainte, dénonçant « les conséquences
humaines très lourdes » qui résultent de cette politique. Les deux
hommes, poursuivis pour « harcèlement moral au travail », ont dû
répondre de leurs actes. Ils avaient toutefois estimé à l’époque qu’ils ne
pouvaient être condamnés sur le fondement de la loi qui définit le harcèlement
moral au travail pour ce qu’ils considéraient être une simple « politique
d’entreprise ». La haute cour en a décidé autrement.
Un arrêt d’une pierre deux
coups qui aura à la fois permis la condamnation des deux hommes et fait évoluer
la jurisprudence.
Allison
Vaslin