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« Il est à craindre que les carrières seront de moins en moins linéaires » - Entretien avec Sylviane Aguirre, spécialisée dans l’accompagnement de gestion de fin de carrières

« Il est à craindre que les carrières seront de moins en moins linéaires » - Entretien avec Sylviane Aguirre, spécialisée dans l’accompagnement de gestion de fin de carrières
Publié le 09/03/2021 à 10:00

Ce qui intéresse Sylviane Aguirre, c’est avant tout l’humain. Ancienne responsable ressources humaines, Sylviane Aguirre est aujourd’hui retraitée. Cela ne veut pas dire pour autant qu’elle est inactive, loin de là. Elle continue à mettre son savoir au service des autres, au sein de son propre cabinet de conseil en retraite pour accompagner les entreprises, les salariés, les cadres dirigeants. Alors que la crise économique due à la Covid touche lourdement les entreprises françaises, comment notre experte vient-elle en aide aux salariés et dirigeants ? Et de façon générale, quel regard porte-t-elle sur la réforme des retraites qui pourrait bien revenir au-devant de l’actualité ? Entretien.

 

 

 

Pourriez-vous, en quelques mots, vous présenter et présenter votre parcours ?

Après mon départ en préretraite responsable ressources humaines de chez Schlumberger, où j’ai fait ma carrière et acquis une précieuse expertise, ne voulant pas rester inactive, j’ai créé mon propre cabinet : Expertise & Benefits. Après ce départ, c’est ce qui m’a permis de retrouver confiance en moi et de repartir sur des bases nouvelles.

Aujourd’hui, j’interviens de manière  indépendante sur des sujets de ressources humaines très variés, et principalement autour de la retraite et des reconstitutions de carrière.

Mon domaine de prédilection est principalement axé sur l’accompagnement des salariés en fin de carrière ou lors d’un changement de parcours professionnel. Il s’agit particulièrement de toutes les questions autour du niveau des retraites après des changements de situations : fin d’activité salariée, jonction chômage/retraite, création d’entreprise, retour d’expatriation, carrière à l’international…

Toutes ces interventions nécessitent un acquis technique et une expertise professionnelle en matière de législation sociale, droit du travail, et une approche méthodique pour constituer une feuille de route individualisée, articulant les possibilités réelles et les hypothèses possibles pour débloquer des situations difficiles et /ou complexes.

Dans un cadre collectif, je propose des solutions de maintien dans l’emploi des seniors (temps partiel, retraite progressive…) en s’appuyant sur la législation en vigueur et de calculs complexes.

En complément, dans le prolongement naturel de mes activités professionnelles, j’interviens dans le domaine de la formation professionnelle et contribue à alimenter les débats sur la réforme des retraites qui demeure un sujet délicat mais ô combien intéressant.

 

 

Vous avez vous-même fait partie d’un plan de pré-retraite. Comment avez-vous vécu cette étape ?

Cette étape est naturellement difficile à franchir puisque l’on s’est attaché à l’entreprise à laquelle on a tout donné, c’est-à-dire le meilleur de soi-même sur le plan humain et professionnel.

Aujourd’hui, riche de cette superbe expérience et de mon vécu professionnel, il m’est facile, tout naturellement, de me mettre dans la peau de celles et ceux qui se trouvent aujourd’hui dans la même situation que moi, quelques années en arrière. C’est la raison qui m’anime et pour laquelle je me bats, pour le maintien des seniors qui le souhaitent dans l’entreprise, en proposant de nouvelles possibilités de travail, telles que le temps partiel, la retraite progressive, le mécénat de compétence.

En cette période de crise sanitaire, je me demande s’il ne faudrait pas que nos gouvernants réfléchissent à nouveau à réactiver les dispositifs de pré-retraite d’entreprise, même pour un temps limité.

 

 

 

 

« Il faut bien le reconnaître, la réforme des retraites, bien expliquée, produira un peu plus d’équité. »

 

 

 

 

Comment décririez-vous votre rôle ?

Actuellement, mon rôle est de répondre aux demandes des entreprises ou des particuliers sur des sujets pointus liés à la gestion des fins de carrières dont certaines ont été effectuées à l’étranger. En effet, il faut parfois reconstituer minutieusement les périodes passées dans tel ou tel pays, dont les législations sont différentes d’un pays à l’autre. Pour établir « le bilan d’une retraite personnalisée », je m’appuie toujours sur des évaluations chiffrées avec plusieurs hypothèses, afin de construire une « feuille de route» et donner une meilleure visibilité aux personnes. Je constate d’ailleurs qu’en fonction de la carrière, le niveau des pensions des femmes est en général plus faible que celui des hommes.

 

 

 

Quels sont, selon vous, les atouts nécessaires pour exercer cette profession ?

Une bonne connaissance des sujets techniques tels que la paye, la rémunération, la retraite, la prévoyance, le chômage, le droit du travail, les congés payés, les primes d’ancienneté et gratifications s’il y a lieu. Ajouter à cela un goût prononcé pour les chiffres, les calculs en tout genre et le sens du détail.

Cette profession demande de l’empathie et beaucoup de pédagogie p our expliquer, bien à propos, toutes ces complexités aux interlocuteurs qui ont besoin de bien comprendre pour être rassurés.

En somme, cette activité demande aussi une réelle écoute, de la patience et une véritable passion pour l’exercer et la faire partager.

 

 

Qui fait appel à vos services ? Les entreprises, les syndicats ou les salariés eux-mêmes ?

Principalement les entreprises, quelquefois les syndicats au sein des entreprises, des particuliers sur leur propre initiative et des cabinets d’avocats.

 

 

Les indépendants et professions libérales peuvent-ils aussi faire appel à vos services ?

Tous les particuliers peuvent me contacter, et même les anciens salariés qui décident de créer leur propre structure dans le cadre d’un reclassement. Pour les professions libérales, il s’agit d’articuler avec le régime général des régimes différents tels que ceux des avocats, des chefs d’entreprise, des professions libérales, des professions médicales…

 

 

La crise sanitaire que nous vivons a engendré une crise économique inédite. Dans ce contexte, diriez-vous que les entreprises font davantage appel à vos services ? Et l’accompagnement est-il différent ?

Cette crise sanitaire engendre des départs sous diverses formes, aussi, les entreprises font en effet de plus en plus appel à mes services. L’accompagnement pour ces entreprises est différent et plus complexe dans la mesure où elles ont besoin de réponses dans des délais courts, surtout lorsque les solutions attendues impliquent des ruptures conventionnelles, des plans sociaux, des plans de départs volontaires, et des processus de jonction chômage/retraite avec ou sans rachat de trimestres.

 

 

Calculer sa retraite n’est pas toujours facile. Auriez-vous quelques conseils à livrer à nos lecteurs ? Quels sont les principaux points à ne pas négliger ? Et quels conseils donneriez-vous aux jeunes actifs ?

La solution la plus appropriée serait de consulter certains sites Internet sérieux, des caisses de retraite, y créer son propre compte individuel et ensuite, vérifier que toutes les périodes sont bien enregistrées. En effet, en plus des trimestres travaillés et cotisés, certains trimestres dit assimilés (non cotisés) peuvent être attribués selon la législation de chaque régime.

En ce qui concerne les jeunes actifs, je ne peux que les encourager à faire la « chasse aux trimestres ». Il est à craindre que les carrières seront de moins en moins linéaires avec des changements d’entreprises, de situation, de métiers, de régimes, de pays…

 

 

La réforme des retraites devrait revenir au cœur de nos préoccupations. Quel regard portez-vous sur cette réforme ? Le gouvernement va-t-il, selon vous, dans le bon sens ?

Cette réforme, selon moi, apportera plus de clarté, de la simplification dans les calculs ô combien compliqués à ce jour. De même, il faut bien le reconnaître, la réforme des retraites, bien expliquée, produira un peu plus d’équité, même si dans certaines situations, elle apparaîtra comme étant défavorable à certaines catégories sociales. En effet, un euro cotisé ouvre les mêmes droits à la retraite quel que soit le statut. Dans tous les cas, l’examen, l’amélioration de ce projet sont toujours en cours.

Tout cela va, à mon avis, dans le bon sens pour préserver notre régime par répartition aujourd’hui déficitaire selon les études du Conseil d’Orientation des Retraites (COR) et du Comité de suivi des Retraites (CSR).

                                                                                           

          

Propos recueillis par Constance Périn

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