Ce qui intéresse Sylviane Aguirre, c’est avant tout l’humain.
Ancienne responsable ressources humaines, Sylviane Aguirre est aujourd’hui
retraitée. Cela ne veut pas dire pour autant qu’elle est inactive, loin de là.
Elle continue à mettre son savoir au service des autres, au sein de son propre
cabinet de conseil en retraite pour accompagner les entreprises, les salariés,
les cadres dirigeants. Alors que la crise économique due à la Covid touche
lourdement les entreprises françaises, comment notre experte vient-elle en aide
aux salariés et dirigeants ? Et de façon générale, quel regard
porte-t-elle sur la réforme des retraites qui pourrait bien revenir au-devant
de l’actualité ? Entretien.
Pourriez-vous, en quelques mots, vous présenter et présenter votre
parcours ?
Après mon
départ en préretraite responsable ressources
humaines de chez Schlumberger, où j’ai
fait ma carrière et acquis une précieuse expertise, ne voulant pas rester
inactive, j’ai créé mon propre cabinet : Expertise & Benefits. Après
ce départ, c’est ce qui m’a permis de retrouver confiance en moi et de repartir
sur des bases nouvelles.
Aujourd’hui,
j’interviens de manière indépendante sur
des sujets de ressources humaines très variés, et principalement autour de la
retraite et des reconstitutions de carrière.
Mon domaine
de prédilection est principalement axé sur l’accompagnement des salariés en fin
de carrière ou lors d’un changement de parcours professionnel. Il s’agit
particulièrement de toutes les questions autour du niveau des retraites après
des changements de situations : fin d’activité salariée, jonction chômage/retraite, création
d’entreprise, retour d’expatriation, carrière à l’international…
Toutes ces interventions nécessitent un acquis technique et une
expertise professionnelle en matière de législation sociale, droit du travail,
et une approche méthodique pour constituer une feuille de route individualisée, articulant les possibilités
réelles et les hypothèses possibles pour débloquer des situations difficiles et
/ou complexes.
Dans un
cadre collectif, je propose des solutions de maintien dans l’emploi des seniors
(temps partiel, retraite progressive…) en s’appuyant sur la législation en
vigueur et de calculs complexes.
En
complément, dans le prolongement naturel de mes activités professionnelles,
j’interviens dans le domaine de la formation professionnelle et contribue
à alimenter les débats sur la réforme des retraites qui demeure un sujet
délicat mais ô combien intéressant.
Vous avez vous-même fait
partie d’un plan de pré-retraite. Comment avez-vous vécu cette étape ?
Cette étape est naturellement difficile à franchir
puisque l’on s’est attaché à l’entreprise à laquelle on a tout donné,
c’est-à-dire le meilleur de soi-même sur le plan humain et professionnel.
Aujourd’hui, riche de cette superbe expérience et de
mon vécu professionnel, il m’est facile, tout
naturellement, de me mettre dans la peau de celles et ceux qui se trouvent
aujourd’hui dans la même situation que moi, quelques années en arrière. C’est
la raison qui m’anime et pour laquelle je me bats, pour le maintien des seniors
qui le souhaitent dans l’entreprise, en proposant de nouvelles possibilités de
travail, telles que le temps partiel, la retraite progressive, le mécénat de
compétence.
En cette période de crise sanitaire, je me demande
s’il ne faudrait pas que nos gouvernants réfléchissent à nouveau à réactiver
les dispositifs de pré-retraite d’entreprise, même pour un temps limité.
« Il faut bien le reconnaître, la réforme des
retraites, bien expliquée, produira un peu plus d’équité. »
Comment décririez-vous
votre rôle ?
Actuellement, mon rôle est de répondre aux demandes
des entreprises ou des particuliers sur des sujets pointus liés à la gestion
des fins de carrières dont certaines ont été effectuées à l’étranger. En effet,
il faut parfois reconstituer minutieusement les périodes passées dans tel ou
tel pays, dont les législations sont différentes d’un pays à l’autre. Pour
établir « le bilan d’une retraite personnalisée », je m’appuie toujours sur des
évaluations chiffrées avec plusieurs hypothèses, afin de construire une «
feuille de route» et donner une meilleure visibilité aux personnes. Je constate
d’ailleurs qu’en fonction de la carrière, le niveau des pensions des femmes est
en général plus faible que celui des hommes.
Quels sont, selon vous,
les atouts nécessaires pour exercer cette profession ?
Une bonne connaissance des sujets techniques tels
que la paye, la rémunération, la retraite, la prévoyance, le chômage, le droit
du travail, les congés payés, les primes d’ancienneté et gratifications s’il y
a lieu. Ajouter à cela un goût prononcé pour les chiffres, les calculs en tout
genre et le sens du détail.
Cette profession demande de l’empathie et beaucoup de pédagogie p our
expliquer, bien à propos, toutes ces complexités aux
interlocuteurs qui ont besoin de bien comprendre pour être rassurés.
En somme, cette activité demande aussi une réelle
écoute, de la patience et une véritable passion pour l’exercer et la faire
partager.
Qui fait appel à vos
services ? Les entreprises, les syndicats ou les salariés eux-mêmes ?
Principalement les entreprises, quelquefois les
syndicats au sein des entreprises, des particuliers sur leur propre initiative
et des cabinets d’avocats.
Les indépendants et
professions libérales peuvent-ils aussi faire appel à vos services ?
Tous les particuliers peuvent me contacter, et même les anciens salariés qui décident de créer leur propre structure dans le
cadre d’un reclassement. Pour les professions libérales, il s’agit d’articuler
avec le régime général des régimes différents tels que ceux des avocats, des
chefs d’entreprise, des professions libérales, des professions médicales…
La crise sanitaire que
nous vivons a engendré une crise économique inédite. Dans ce contexte,
diriez-vous que les entreprises font davantage appel à vos services ? Et
l’accompagnement est-il différent ?
Cette crise sanitaire engendre des départs sous
diverses formes, aussi, les entreprises font en effet de plus en plus appel à
mes services. L’accompagnement pour ces entreprises est différent et plus
complexe dans la mesure où elles ont besoin de réponses dans des délais courts,
surtout lorsque les solutions attendues impliquent des ruptures
conventionnelles, des plans sociaux, des plans de départs volontaires, et des
processus de jonction chômage/retraite avec ou sans rachat de trimestres.
Calculer sa retraite n’est
pas toujours facile. Auriez-vous quelques conseils à livrer à nos
lecteurs ? Quels sont les principaux points à ne pas négliger ? Et
quels conseils donneriez-vous aux jeunes actifs ?
La solution
la plus appropriée serait de consulter certains sites Internet sérieux, des caisses de retraite, y créer son propre
compte individuel et ensuite, vérifier que toutes les périodes sont bien
enregistrées. En effet, en plus des trimestres travaillés et cotisés, certains
trimestres dit assimilés (non cotisés) peuvent être attribués selon la
législation de chaque régime.
En
ce qui concerne les jeunes actifs, je ne peux
que les encourager à faire la « chasse aux trimestres ». Il est à
craindre que les carrières seront de moins en moins linéaires avec des
changements d’entreprises, de situation, de métiers, de régimes, de pays…
La réforme des retraites devrait revenir au cœur de nos
préoccupations. Quel regard portez-vous sur cette réforme ? Le
gouvernement va-t-il, selon vous, dans le bon sens ?
Cette
réforme, selon moi, apportera plus de clarté, de la simplification dans les
calculs ô combien compliqués à ce jour. De même, il faut bien le reconnaître, la
réforme des retraites, bien expliquée, produira un peu plus d’équité, même si
dans certaines situations, elle apparaîtra comme étant défavorable à certaines
catégories sociales. En effet, un euro cotisé ouvre les mêmes droits à la
retraite quel que soit le statut. Dans tous les cas, l’examen, l’amélioration
de ce projet sont toujours en cours.
Tout cela
va, à mon avis, dans le bon sens pour préserver notre régime par répartition
aujourd’hui déficitaire selon les études du Conseil d’Orientation des Retraites
(COR) et du Comité de suivi des Retraites (CSR).
Propos recueillis par Constance
Périn