Pour la 6e édition du Forum
économique du Grand Paris, organisé par La Tribune et le Journal du Grand Paris, et par suite des différentes réformes
annoncées par le gouvernement, le thème « Logement – Vous avez dit choc d’offres ? » a été
choisi. À cette occasion, professionnels du foncier, de l’immobilier, du
logement social et du monde associatif ont fait part de leurs recommandations.
Lancés par La Tribune et le Journal du Grand Paris en
juillet 2016, les Forums économiques du Grand Paris proposent une actualité
régulière de l’avancement et des enjeux des différents chantiers en lien avec
l’aménagement de la métropole du Grand Paris. Ce 27 octobre, à la Maison des travaux publics, le grand sujet qui a été abordé
a concerné le logement. « Logement – vous avez dit choc
d’offres ? » et « Quelle politique de logement social
après la réforme des APL ? »
ont été les thèmes retenus pour les tables rondes.
La matinée a débuté par un dialogue entre Pierre-François Gouiffès,
maître de conférences à l’IEP de Paris et auteur de « Logement de demain », et
Robin Rivaton, directeur général de Paris Région qui a écrit « L’immobilier de demain ».
Par la suite, se sont exprimés lors de la première table ronde :
Olivier Bokobza, directeur général de BNP Immobilier résidentiel ;
Guillaume Pasquier, responsable développement foncier du groupe La
Française ; Hervé Puybouffat, président de Tagerim ; Marc Villand,
président du groupe Interconstruction ; et Olivier Wigniolle, directeur
général d’ICADE.
Benjamin Delaux, président et fondateur de HABX, et Quentin Romet,
cofondateur et président de Homunity, ont ensuite présenté leur entreprise et
donné leur point de vue de jeunes start-upper pour améliorer la
situation du logement en France.
Puis, Pascal Chassaing, le président de la chambre interdépartementale
des notaires de Paris, s’est fait le porte-parole des notaires en livrant
quelques recommandations de la profession.
Selon lui, « il y a bien un problème de choc d’offres de
logements en Île-de-France et ceci en raison du déséquilibre entre l’offre et
la demande… Car la demande de logements est très forte ». Certes, on
assiste à un redressement depuis deux ans, mais celui-ci est dû avant tout à la
progression du logement social lequel – bien qu’évidemment nécessaire – ne
règle pas la question des classes intermédiaires et moyennes.
Pourquoi le niveau de construction de logements en Île-de-France est-il
aussi bas ?
Les raisons sont multiples : coûts des terrains en augmentation de 70 % depuis 15 ans, densité très forte dans le parc de logements au
centre de l’agglomération de Paris, durée de conception et de gestion des
opérations beaucoup trop longue en raison du nombre d’intervenants… Le
président de la chambre interdépartementale des notaires de Paris a alors
esquissé des pistes de solutions envisageables :
• La première réponse « doit être
fiscale » : exonération temporaire des plus-values en cas de
ventes de terrain par les particuliers comme par les entreprises (pour les
cessions de terrains effectuées dans un but de construire). Cette dernière doit
être significative. « Les particuliers ne supportent pas de payer des
plus-values », a-t-il affirmé. Et, en effet, le changement de
législation de 2011 avec le passage de 15 à 22 ans de la date d’exonération s’est traduit par une rétention très forte
des terrains.
• Il faut également revenir à un niveau de
droit de partage raisonnable. En effet, en 2011 celui-ci est passé de 1 % à 2,5 % sur la valeur des biens, or bien souvent les redevables sont dans
l’impossibilité de le reverser, ce qui entraîne la multiplication des
indivisions et donc un phénomène de rétention des terrains.
• Par
ailleurs, il est nécessaire de maintenir le dispositif Pinel dans les zones les
plus tendues du pays, celui-ci étant indispensable, « mais si les taxes
foncières doivent continuer à progresser comme elles l’ont fait récemment, si
l’impôt sur la fortune immobilière qui stigmatise « la rente
foncière » progresse autant que les taxes foncières, le taux de rendement
du logement baissera d’autant ».
Une autre question préoccupe le notaire : « Au-delà de la fiscalité se pose la
question de la place du logement neuf dans le parc locatif en Île-de-France ».
Or, celui-ci est extrêmement faible, aussi convient-il de le développer.
Cependant, si on souhaite promouvoir la construction récente « il
serait catastrophique de multiplier les normes dans le logement neuf en
accroissant les coûts tout en maintenant le logement ancien dans la situation
que l’on connaît ».
Il est vrai qu’il serait actuellement possible de réhabiliter et rénover
l’ancien, la plupart des propriétaires pouvant faire l’investissement
nécessaire, le problème étant que la fiscalité actuelle s’y oppose…
Une autre des difficultés rencontrées par ceux qui souhaitent faire
évoluer les choses, c’est qu’avec l’immobilier on se retrouve face à un secteur
dont la gestion est extrêmement complexe et diffuse. Or, selon le notaire
« il doit être possible de rationaliser les circuits de décision comme
de financer en simplifiant les procédures et les normes. »
Pascal Chassaing a ensuite expliqué que les notaires ont eu l’idée
judicieuse de créer un Observatoire global de l’immobilier et du foncier en
Île-de-France, incluant l’évolution du patrimoine bâti existant. En outre, la
chambre des notaires de Paris gère en
Île-de-France une base immobilière qui, en matière de prix, mais aussi
d’évolution des ventes et acquisitions, est reconnue comme une base de
référence. « Nous avons ouvert notre base immobilière à l’ensemble des
professionnels de l’immobilier », a précisé Maître Chassaing.
Enfin, le notaire a donné son point de vue, plutôt original, sur la
notion « d’accession à la propriété ». Pour lui, depuis vingt
ans, il existe une sorte de consensus qui encourage à devenir propriétaire du
logement dans lequel on réside. Or, il se trouve qu’en Île-de-France,
l’accession à la propriété est nettement moins diffusée qu’ailleurs, car à
peine une personne sur trois est propriétaire de son habitat. Pour lui, ce
n’est pas forcément une mauvaise chose « l’accession à la propriété
n’est pas toujours souhaitable par rapport à l’intérêt économique des
particuliers » (jeunes couples non stabilisés notamment). En outre,
« les pays qui ont fait un choix exclusif pour la propriété sont
beaucoup plus fragiles que le nôtre », a-t-il ajouté. « Quel
que soit le futur plan logement du gouvernement, il devra respecter l’équilibre
entre les trois formes d’accès au logement dans notre pays (propriété, logement
social, logement dans le privé)… et autant qu’un droit à la propriété, il faut
reconnaître un droit à l’usage, or il reste un vaste champ à l’innovation dans
ce domaine », a-t-il conclu.
Ce fut ensuite au tour d’Éric Constantin, directeur de l’agence
régionale Île-de-France de la Fondation Abbé Pierre ; Abraham Johnson,
président de Valophis ; et Jean-Luc Vidon, président de l’AORIF, de donner
leur point de vue quant à la politique de logement social à mener en France
après la réforme des APL.
Éric Constantin l’a rappelé : en France il y a environ 4 millions de mal logés, dont 1,2 en
Île-de-France. Un Francilien sur 10 vit donc
dans la précarité (c’est la région où le taux de pauvreté a augmenté le plus
rapidement). Et, ce n’est pas moins de 14 % de
Franciliens qui bénéficient des APL. Le fait de diminuer leur montant, alors
que depuis des années les bailleurs souhaitent leur revalorisation, constitue
donc un non-sens.
Pour les intervenants de ce jour, on se trouve face à : « un
esprit du législateur qui consiste à lutter contre un effet inflationniste
supposé ou pas de ces milliards d’euros représentés par les aides au logement ».
Pour assurer une quasi-neutralité aux clients, le gouvernement a alors demandé
aux bailleurs sociaux de baisser en proportion ou presque le prix des loyers.
Cela aura pour conséquence d’entraîner un manque à gagner considérable pour
eux, ont estimé les orateurs. « Pourquoi faire peser aux bailleurs
sociaux la compensation d’une diminution d’une aide qui relève de la solidarité
nationale ? », s’est insurgé Monsieur Jean-Luc Vidon.
À propos de la supposée fortune de certains organismes sociaux, que le
président de la République Emmanuel Macron a évoquée dans une interview
dernièrement, les intervenants ont vivement réagi : le mouvement HLM
dispose certes de ressources importantes, mais il est aussi très endetté :
« Il y a 150 milliards
d’euros de dettes, car nous empruntons à long terme auprès de la
Caisse des dépôts et des consignations », a expliqué Monsieur Vidon.
Monsieur Abraham Johnson a lui clairement précisé que son organisme
risquait de perdre près de 10 millions
d’euros par an du fait de cette baisse des APL. Pour lui, on se trouve face à
un « désengagement progressif de l’État en faveur du logement social ».
Pour les orateurs de la table ronde, en faisant cela, le but du gouvernement
est d’inciter les organismes sociaux à se recomposer, à fusionner, car pour
Monsieur Emmanuel Macron, 800 organismes
HLM c’est trop. Cependant, l’avis des bailleurs sociaux présents ce jour-là est
différent : le nombre de bailleurs sociaux, si on le compare aux autres pays
d’Europe, n’est pas aussi élevé que cela. Ce qui pourrait en revanche arriver,
si l’on diminue les APL, c’est que les prestations qui seront apportées aux
locataires se dégraderont, les pouvoirs publics penseront alors que le modèle
du logement social s’effrite, et voudront par conséquent leur ôter davantage de
moyens. C’est un cercle vicieux.
Certes, le gouvernement a émis des mesures de compensations pour que la
réforme de la baisse des APL n’ait pas trop d’incidence sur les bailleurs
sociaux, par exemple des aménagements du taux du livret A, etc. Mais, selon les
intervenants « aujourd’hui ces mesures sont insuffisantes parce que
l’impact immédiat de la baisse des APL aura raison de la santé d’un certain
nombre d’organismes avant même que ces mesures puissent produire de l’effet, et
ces mesures n’auront plus d’effets si les organismes ne peuvent plus
construire… »
Les bailleurs sociaux manquent de ressources ? Le gouvernement les
a récemment incités à vendre aux habitants une partie de leur patrimoine.
Monsieur Vidon explique : actuellement 8 000 logements HLM sont vendus par an en France. Et bien qu’il
soit déjà difficile d’atteindre ce taux, le président de la République voudrait
qu’il en soit vendu 40 000...
Entre
inquiétude et espoir, les intervenants se sont finalement interrogés
« quelle place le Grand Paris va-t-il réserver au logement
social ? ». La réponse dans les mois à venir…
Maria-Angélica
Bailly