L’Agence de gestion et de recouvrement des
avoirs saisis et confisqués (AGRASC) fêtera ses dix ans en 2020. Nicole
Belloubet a marqué la première visite de l’institution par un ministre de la
Justice. Accueillie par Anne Kostomaroff, directrice générale, Virginie
Gentile, secrétaire générale, et Robert Gelli, président du conseil
d’administration, la garde des Sceaux a fait la connaissance de cet
établissement public. Forte de 39 ses agents issus des ministères de la
Justice, des Finances et de l’intérieur, l’AGRASC assiste quotidiennement les
enquêteurs et les magistrats en gérant les biens saisis et confisqués.
En termes de bilan, quel que soit le domaine, la
courbe est ascendante et le chiffre atteint est un record :
• saisies : 800 biens
immobiliers en 2018, contre 200 en 2011 ;
• confiscations : 140 immeubles
en 2018, contre 48 en
2011 ;
• ventes : 5 100 biens mobiliers en 2018,
contre 120 en
2011 ;
• 76 millions
de numéraires saisis en 2018 et 111 millions d’avoirs bancaires ;
• affectation des produits et reversement.
De plus en plus de juridictions saisissent ; 121 en 2018, par exemple. La peine
complémentaire de confiscation est désormais intégrée dans les schémas de
sanctions prononcées. Elle participe de la paix sociale. Nul ne tolère qu’un
délinquant détenteur de biens mal acquis et jouissant d’un train de vie
exubérant serve de modèle. La démarche du policier ou du procureur a changé.
Aujourd’hui, arrêter les coupables ne suffit plus, il faut encore identifier et
récupérer en toute proportionnalité le patrimoine dont ils profiteraient une
fois libérés. L’efficacité et l’exemplarité de la répression passe par
l’éradication de la possibilité, pour les détenus, de gérer leurs avoirs depuis
leur cellule, avoirs qu’ils ne doivent pas retrouver en totalité à leur sortie.
Cependant, les enquêtes se heurtent à un problème avec les possessions à
l’étranger. La saisie ne peut aboutir en l’absence d’accord entre la France et
le pays en question.
Quelle procédure ?
Sur un dossier, le travail des agents de l’AGRASC
commence par du conseil technique et du support auprès des enquêteurs et du
procureur. Ils se chargent le cas échéant de la publicité. Prenons l’exemple
d’une affaire dans laquelle sept biens immobiliers ont été saisis ainsi que des
biens mobiliers. La procédure de vente avant jugement consiste à vendre des
biens meubles vite, tant qu’ils ont de la valeur. Pour cette affaire, les
enquêteurs ont saisi au domicile du suspect des articles de luxe (sacs à main,
bijoux…) qu’ils ont placés sous scellé. Le magistrat a délivré une ordonnance
de remise des biens à l’AGRASC et a notifié la personne mise en cause. Après
expiration des délais d’appel, l’unité de gestion mobilière de l’agence a
désigné le mandataire organisateur de la vente, un commissaire-priseur. Entre
la décision du magistrat et la vente effective, environ trois mois se sont
écoulés (délai moyen de ce type de mission).
Le numéraire saisi par les enquêteurs a été déposé sur le compte de l’AGRASC à
la caisse des dépôts et consignation via la trésorerie locale.
L’organisme a de plus assisté le juge d’instruction pour rédiger ses
ordonnances de saisie des comptes bancaires qui ont aussi été virés.
Tous les biens sont restés saisis jusqu’au jugement
qui a prononcé des confiscations. Elles ont entraîné la publication d’un acte
matérialisant le transfert de propriété vers l’État, les autres biens donnant
lieu à publication d’une mainlevée. Pour ce dossier, sur les sept biens saisis,
trois ont été confisqués au titre de la proportionnalité. Le pôle de gestion
est intervenu à nouveau pour vendre les immeubles au profit de l’État.
À partir de la décision de justice, le service doit
organiser la vente avec publicité et concurrence, contacter un notaire local,
et mandater un huissier. Celui-ci, sur place, constate l’état du bien et
vérifie s’il est occupé ou libre. L’entité traite à peu près 19 000 dossiers par an. Le pôle
de gestion immobilière dispose actuellement de 350 biens à vendre. Tout ce
qui se déprécie, comme les véhicules, doit être vendu rapidement pour éviter
des frais de garde qui coûtent à l’État.
Actuellement, seuls les procureurs de la République
et les juges d’instructions peuvent procéder à des décisions de remise à
l’AGRASC pour vente avant un jugement. Le magistrat manque de temps pour
rédiger sa décision, suivre son caractère définitif et la transmettre. Les
parquets doivent s’organiser afin de répondre à cet exercice particulier, à
moins que le droit commun ne s’inverse, c’est-à-dire que la transmission à
l’AGRASC s’opère sauf motivation. Il est important que les magistrats s’enquièrent
des saisies et suivent les scellées. Concentrés sur les personnes et
l’investigation, ils ont tendance à s’y intéresser en second lieu et découvrent
parfois un peu tard une situation de gardiennage génératrice de frais de
justice.
C2M