Renouvelé in extremis par le gouvernement en 2021,
l’agrément permettant à l’association anti-corruption de se constituer partie civile avait été annulé en juin 2023. Dans un dossier dans lequel Anticor était
partie civile, la Cour de cassation a confirmé que l’annulation rétroactive
supprimait le droit aux réparations de l’association.
Nouvelle
étape dans les problèmes d’agrément de l’association anticorruption Anticor.
Alors que celui-ci n’a pas été renouvelé par le gouvernement en décembre
dernier, l’organisme est toujours empêtré dans l’annulation de sa précédente
autorisation de trois ans en juin 2023 par le tribunal administratif. Le 13
mars 2024, la Cour de cassation a statué sur un dossier pour lequel Anticor
s’était constitué partie civile et pouvait espérer une réparation. Dans son
arrêt, la Cour précise que la constitution de partie civile demeure valable
puisqu’elle a été effectuée avant le renouvellement d’agrément annulé. En
revanche, elle annihile son droit à la réparation car l’arrêt de la cour
d’appel d’Aix-en-Provence traité par la Cour de cassation date, lui, de mars
2022. L’agrément, octroyé par le gouvernement, permet à la structure de porter
plainte au nom de l’intérêt général dans les dossiers de corruption.
Cette
subtilité relevée par la plus haute juridiction judiciaire est potentiellement
lourde de conséquences. « Ce n’est pas la confirmation de l’annulation,
observe Vincent Brengarth, avocat d’Anticor, mais c’est la confirmation de
ses conséquences ». En effet, cet arrêt met en œuvre l’annulation de
l’agrément en bloquant les droits d’Anticor comme partie civile, au moins en
matière de réparation, sur la partie de la procédure postérieure au 2 avril
2021, date de début de validité de l’agrément retoqué en 2023. « Cela
donne une situation complètement absurde qui finit même par profiter aux
parties incriminées qui obtiennent une cassation partielle grâce à une décision
a posteriori des faits, estime Vincent Brengarth. Nous savions que la
perte d’agrément fragilisait nos procédures en cours ou à venir, mais cette
nouvelle position fragilise aussi nos procédures passées. »
L’avocat
d’Anticor rappelle toutefois que l’annulation de juin 2023 n’est pas définitive
et fait encore l’objet d’une procédure intentée devant le Conseil d’État. « Dans
le cas où l’annulation serait invalidée, il faudrait alors revoir cet arrêt. Il
s’agit vraiment d’un grand numéro d’absurdité juridique », s’indigne
Vincent Brengarth.
Un
long dossier pour Anticor
Pour
l’association, ce dernier revers est une nouvelle épine dans le pied. Après
avoir obtenu une première fois son agrément en 2015, puis un renouvellement en
2018, la situation s’est nettement compliquée à partir de 2021, au moment de
renouveler son sésame pour trois ans. A cette date, l’association fondée en
2002 est traversée par de profonds désaccords en interne. Et quand le Premier
ministre d’alors, Jean Castex, accorde in extremis l’agrément tout en pointant
dans son arrêté certains doutes sur la capacité d’Anticor à remplir tous les
critères requis, la crise atteint son paroxysme. Un adhérent et un ancien
membre d’Anticor, banni par le comité d’éthique de l’association, saisissent le
tribunal administratif. Ils contestent la validité de l’agrément compte tenu du
flou entretenu par le Premier ministre dans son arrêté.
Le
tribunal administratif va dans leur sens en juin 2023 et annule la décision.
Anticor porte le sujet devant la cour d’appel administrative qui confirme la
première instance en novembre. Rétroactive, cette décision pose donc la
question de la place d’Anticor dans les dossiers lancés depuis le printemps
2021. En janvier 2022, l’association avait par exemple déposé une plainte pour
dénoncer des montages financiers jugés douteux pour des projets immobiliers
dans la commune de L’Hay-les-Roses, dans le Val-de-Marne. Cet arrêt du 13 mars
2024 de la Cour de cassation « confirme les craintes que nous avions et
la mauvaise dynamique engagée concernant notre capacité à agir »,
reconnaît Vincent Brengarth.
Quant
à un éventuel nouvel agrément, refusé implicitement par le gouvernement en
décembre, l’association a déposé le 9 janvier dernier un recours devant le tribunal
administratif de Paris. D’après l’organisme, qui se base sur l’article L.232-4
du Code des relations entre le public et l’administration, « le
gouvernement s’est mis dans l’illégalité » en ne motivant pas les raisons
du refus implicite de renouvellement de son agrément.
Louis
Faurent