JUSTICE

Agrément Anticor : nouveau revers à la Cour de cassation

Agrément Anticor : nouveau revers à la Cour de cassation
Selon l'association anticorruption, ce nouveau revirement fragilise un peu plus sa capacité d'agir.
Publié le 15/03/2024 à 10:00
Renouvelé in extremis par le gouvernement en 2021, l’agrément permettant à l’association anti-corruption de se constituer partie civile avait été annulé en juin 2023. Dans un dossier dans lequel Anticor était partie civile, la Cour de cassation a confirmé que l’annulation rétroactive supprimait le droit aux réparations de l’association.

Nouvelle étape dans les problèmes d’agrément de l’association anticorruption Anticor. Alors que celui-ci n’a pas été renouvelé par le gouvernement en décembre dernier, l’organisme est toujours empêtré dans l’annulation de sa précédente autorisation de trois ans en juin 2023 par le tribunal administratif. Le 13 mars 2024, la Cour de cassation a statué sur un dossier pour lequel Anticor s’était constitué partie civile et pouvait espérer une réparation. Dans son arrêt, la Cour précise que la constitution de partie civile demeure valable puisqu’elle a été effectuée avant le renouvellement d’agrément annulé. En revanche, elle annihile son droit à la réparation car l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence traité par la Cour de cassation date, lui, de mars 2022. L’agrément, octroyé par le gouvernement, permet à la structure de porter plainte au nom de l’intérêt général dans les dossiers de corruption.

Cette subtilité relevée par la plus haute juridiction judiciaire est potentiellement lourde de conséquences. « Ce n’est pas la confirmation de l’annulation, observe Vincent Brengarth, avocat d’Anticor, mais c’est la confirmation de ses conséquences ». En effet, cet arrêt met en œuvre l’annulation de l’agrément en bloquant les droits d’Anticor comme partie civile, au moins en matière de réparation, sur la partie de la procédure postérieure au 2 avril 2021, date de début de validité de l’agrément retoqué en 2023. « Cela donne une situation complètement absurde qui finit même par profiter aux parties incriminées qui obtiennent une cassation partielle grâce à une décision a posteriori des faits, estime Vincent Brengarth. Nous savions que la perte d’agrément fragilisait nos procédures en cours ou à venir, mais cette nouvelle position fragilise aussi nos procédures passées. »

L’avocat d’Anticor rappelle toutefois que l’annulation de juin 2023 n’est pas définitive et fait encore l’objet d’une procédure intentée devant le Conseil d’État. « Dans le cas où l’annulation serait invalidée, il faudrait alors revoir cet arrêt. Il s’agit vraiment d’un grand numéro d’absurdité juridique », s’indigne Vincent Brengarth.

Un long dossier pour Anticor

Pour l’association, ce dernier revers est une nouvelle épine dans le pied. Après avoir obtenu une première fois son agrément en 2015, puis un renouvellement en 2018, la situation s’est nettement compliquée à partir de 2021, au moment de renouveler son sésame pour trois ans. A cette date, l’association fondée en 2002 est traversée par de profonds désaccords en interne. Et quand le Premier ministre d’alors, Jean Castex, accorde in extremis l’agrément tout en pointant dans son arrêté certains doutes sur la capacité d’Anticor à remplir tous les critères requis, la crise atteint son paroxysme. Un adhérent et un ancien membre d’Anticor, banni par le comité d’éthique de l’association, saisissent le tribunal administratif. Ils contestent la validité de l’agrément compte tenu du flou entretenu par le Premier ministre dans son arrêté.

Le tribunal administratif va dans leur sens en juin 2023 et annule la décision. Anticor porte le sujet devant la cour d’appel administrative qui confirme la première instance en novembre. Rétroactive, cette décision pose donc la question de la place d’Anticor dans les dossiers lancés depuis le printemps 2021. En janvier 2022, l’association avait par exemple déposé une plainte pour dénoncer des montages financiers jugés douteux pour des projets immobiliers dans la commune de L’Hay-les-Roses, dans le Val-de-Marne. Cet arrêt du 13 mars 2024 de la Cour de cassation « confirme les craintes que nous avions et la mauvaise dynamique engagée concernant notre capacité à agir », reconnaît Vincent Brengarth.

Quant à un éventuel nouvel agrément, refusé implicitement par le gouvernement en décembre, l’association a déposé le 9 janvier dernier un recours devant le tribunal administratif de Paris. D’après l’organisme, qui se base sur l’article L.232-4 du Code des relations entre le public et l’administration, « le gouvernement s’est mis dans l’illégalité » en ne motivant pas les raisons du refus implicite de renouvellement de son agrément.

Louis Faurent

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