SOCIÉTÉ

Au Sénat, le Planning familial dresse le sinistre inventaire des barrières à l’IVG

Au Sénat, le Planning familial dresse le sinistre inventaire des barrières à l’IVG
Le Planning familial s'inquiète notamment de la "force de frappe" des militants anti-IVG
Publié le 28/03/2024 à 12:10
Désinformation, dissuasion, disparités territoriales… Mercredi 27 mars, la commission des affaires sociales du Sénat a entendu les responsables du Planning familial détailler par le menu les nombreux obstacles qui entravent l’accès à l’IVG. Malgré la constitutionnalisation de l’avortement, l’association féministe regrette le manque de « courage politique » pour garantir l’accès effectif à cette procédure.

« Les débats sur la constitutionnalisation de l’avortement ont fait prendre conscience des difficultés d’accès à l’IVG, et nous en sommes très heureuses. Mais nous alertons depuis des années sur des obstacles ». Pour Sarah Durocher, présidente de la Confédération nationale du Planning familial, l’inscription du droit à l’avortement dans le texte fondamental, le 8 mars dernier, ne signe pas la fin de la bataille pour garantir le droit à l’avortement à toutes les femmes. Auditionnées le 27 mars au Sénat par la mission d’information de la Commission des affaires sociales visant à faire la lumière sur les conditions concrètes d’accès à cette procédure, les représentantes du Planning familial ont documenté par le menu les nombreuses barrières qui restent à abattre.

Des tentatives de désinformation pour dissuader les femmes

« En France, l’avortement est encore un acte à part, certaines femmes sont culpabilisées, infantilisées », a tenu à rappeler Albane Gaillot, chargée de plaidoyer de l’association. « Quand une femme tape “avorter” sur internet, elle a une chance sur deux de tomber sur un site anti-choix ou anti-droits. L’avortement concerne une femme sur trois. L’accès à une information fiable est [donc] primordiale », complète Sarah Durocher. Pour la présidente du Planning familial, la désinformation est un enjeu majeur : « Les femmes parlent très peu, assure la responsable. Il y a un tabou à inverser, quand les militants anti-IVG, eux, donnent de la voix. Ils disposent de moyens financiers importants pour se faire entendre, pour contourner ou se jouer du délit d’entrave numérique à l’IVG [établi en 2017 et passible de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende, ndlr]. Ils ont aussi une force de frappe très puissante sur les réseaux sociaux ». En janvier dernier, un rapport de la Fondation des femmes a établi que près d’une vidéo sur cinq recommandées par Instagram au sujet de l’avortement contenait de fausses informations.

Autre obstacle : la non-application de la loi de 2001 sur l’éducation à la sexualité, « alors qu’elle est essentielle pour communiquer sur les moyens de contraception », déplore la présidente. Il y a un an, les associations SOS Homophobie, Sidaction et le Planning familial ont saisi la justice administrative pour contraindre l’Etat à organiser chaque année au moins trois séances d'éducation à la sexualité à l'école, comme le prévoit la législation. « Il y a un manque de courage politique, dénonce Sarah Durocher, alors que nous avons la chance, en France, d’avoir une loi que des féministes demandent dans le monde entier ».

De grandes disparités territoriales dans l’accès aux droits sexuels et reproductifs

Sans surprise, l’accès à l’avortement pâtit aussi de l’inégalité d’accès aux soins sur le territoire français. Paris, très à part, est bien doté, tandis que les déserts médicaux sont de plus en plus fragilisés. 17% des femmes sont contraintes d’avorter en dehors de leur département de résidence, selon une étude de la Dress publiée en septembre 2023. Avec des tensions saisonnières : « L’été, les délais se rallongent, on ne trouve plus d’interlocuteurs dans les départements pour une IVG », témoigne Albane Gaillot. Et les fermetures de centres n’aident pas. 130 structures auraient disparu en 15 ans, selon l’association. « Pourtant, les chiffres des avortements pratiqués augmentent légèrement », remarquent les sénateurs. Cet indicateur n’est pas gage d’une meilleure accessibilité, rétorque la présidente du Planning familial : « Une femme qui souhaite avorter est capable de faire des kilomètres, si elle dépasse les délais en France. C’est la question du vécu du parcours d’avortement qui importe. »

La loi de mars 2022 autorisant la pratique des IVG instrumentales par les sage-femmes devait répondre aux besoins des territoires délaissés et renforcer le droit à l’avortement. Mais le décret pris en décembre dernier a restreint cette pratique, en rendant obligatoire la présence d’un médecin spécialisé, d’un gynécologue-obstétricien et d’un anesthésiste-réanimateur aux côtés de la sage-femme. « Ce décret va à l’encontre de l’esprit de la loi. Dans certains hôpitaux, la pratique sera impossible », dénonce Albane Gaillot. Au début du mois, le ministre de la Santé Frédéric Valletoux a promis que le texte serait réécrit. Une nécessité absolue pour le Planning familial.

Delphine Schiltz

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