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Barreau de Lyon : qui sont les créateurs primés au concours de l'innovation 2024 ?

Barreau de Lyon : qui sont les créateurs primés au concours de l'innovation 2024 ?
Publié le 03/05/2024 à 07:00

Organisé pour la deuxième année consécutive par la commission Innovation du barreau de Lyon, le concours de l’innovation, tenu mi-avril, a récompensé quatre projets de legaltech parmi les douze présélectionnés. Des créations encore naissantes pour certaines, sur le point d’aboutir pour d’autres, portant les espoirs de leurs auteurs à révolutionner le monde du droit. Zoom sur ce quatuor de lauréats.

À l’occasion de cette deuxième édition, près de 30 dossiers portant sur la relation avocat-client, les process internes, ainsi que l’engagement sociétal ont été reçus. À l’issue d’un processus de sélection rigoureux, quatre projets se sont démarqués.

Nemitis : l’outil numérique au service des avocats indépendants

Couronné du premier prix, Nemitis se présente comme une « solution clés en main », spécifiquement conçue pour les avocats exerçant à leur compte. Imaginé par Lucas Beyet et développé par son associé Florian Pascouau, ce logiciel de gestion administrative offre, sur une seule et même interface, une vue d’ensemble des données relatives à l’activité du professionnel, regroupant les notes, courriels, dossiers, échéances, factures et heures travaillées. Il permet également de gérer en quelques clics la facturation, avec des indicateurs financiers et le suivi d’encaissement automatisé. « Notre objectif était de simplifier le quotidien des indépendants en centralisant toutes leurs données, leur permettant ainsi de visualiser rapidement l'avancement de leur travail et de gagner en efficacité et en confort dans leur pratique », explique l’entrepreneur lyonnais, anciennement auditeur à l’Inspection générale bancaire.

Après avoir consulté une centaine d’avocats, Lucas Beyet a remarqué qu’il existait de nombreux logiciels pour les cabinets d’avocat, mais qu’aucun n’était adapté aux travailleurs individuels. « Ces solutions techniques sont très complexes à appréhender et les indépendants n’utilisent que 30 % de leurs fonctionnalités, tout en payant le prix fort », souligne-t-il. Faute de mieux, les avocats préféreraient même se tourner vers Word et Excel. Une problématique que Nemitis vise à résoudre.

Enfin, une autre spécificité de la start-up, et non des moindres, est la possibilité d’incorporer au logiciel des modèles personnalisés des actes et convention d’honoraires des utilisateurs avec lesquels ils travaillent actuellement. Les prochains documents seront alors générés automatiquement avec le nom et les coordonnées des clients.

Vers une application mobile

Interrogé sur la sécurité des données, une préoccupation majeure pour ce type d’outil, l’entrepreneur se veut rassurant. « Nous savons que c’est un facteur clé de notre succès. C'est pourquoi nous avons choisi d'héberger les données en France et de garantir aux utilisateurs la propriété de leurs informations en connectant uniquement leur cloud au logiciel. Aussi, les documents resteront chez eux le jour où ils cesseront d'utiliser Nemitis ».

Lancée il y a un an, la start-up compte aujourd’hui près d’une cinquantaine d'abonnés. À savoir qu’un tiers des avocats exercent en individuel parmi les 70 000 professionnels répartis en France, selon le Conseil national des barreaux. Des débuts prometteurs pour cet outil numérique qui sera bientôt complété par une application mobile.


De gauche à droite Valentin Petitclerc, Chloé Vincent-Hytier et Bertrand Moutte, François Gorriez, Lucas Beyet

Lawxer associe l’intelligence artificiel à l’analyse de contrat

« Nous sommes en quelque sorte le Yuka du droit », synthétise avec humour François Gorriez, fondateur du logiciel Lawxer et avocat spécialisé en droit du numérique. Récompensée du second prix, cette start-up déploie une intelligence artificielle (IA) qui a pour mission, à la manière de l’application nutritionnelle, de fournir un « juriscore » aux contrats en évaluant leurs risques, puis d’apporter des suggestions personnalisées afin d’améliorer la rédaction et de protéger les intérêts des clients. « Dans toutes les matières du droit, les contrats se complexifient et la réglementation ne cesse d’évoluer. Il devient alors ardu pour un avocat, un directeur juridique ou un particulier de saisir pleinement la conformité et les enjeux juridiques », constate l’entrepreneur.

À ce titre, Lawxer répond à ce défi en misant sur l’intelligence artificielle. Le processus est simple : l'utilisateur achète des crédits d'analyse qui lui permettent d'évaluer un document en fonction de son poids et de son nombre de pages. En moins de dix minutes, après avoir analysé le contrat et les risques associés, le logiciel propose une série de modèles pour perfectionner la rédaction, en s'appuyant sur les dernières jurisprudences pertinentes.

Une intelligence artificielle explicative

Pour développer cette technologie, François Gorriez s’est entouré d’un spécialiste en linguistique et informatique, puis s’est attelé à enrichir son outil. « Il a fallu configurer la machine par type de contrat (vente, travail, bail, etc…) afin qu’elles apportent des solutions adaptées et précises ». Un travail de fond, mis à jour au gré des réglementations, qui s’inscrit dans un effort d’explicabilité du raisonnement. « Nous avions la volonté de créer une IA transparente et explicative, non une boîte noire », insiste-t-il. « L’objectif étant de permettre aux professionnels de gagner du temps sur ces tâches et de concentrer leurs efforts sur des sujets à forte valeur ajoutée ».

Incubé dès son lancement par le barreau de Paris, il y a plus d’un an, Lawxer se défend également d’inclure les questions de déontologie qui structurent la profession d’avocat. « Le logiciel n’a pas vocation à entrer en contradiction avec les règles du métier, ni de remplacer l’avocat, mais plutôt de lui apporter un soutien dans son activité au quotidien ». Aujourd’hui en phase de recherche et développement, Lawxer vise une commercialisation avant cet été, suivie à terme du lancement d’une application mobile.

Avocappli réinvente la relation avocat-client

Installée à la troisième place du podium, l’application mobile Avocappli aspire à révolutionner la relation avocat-client en offrant une information simplifiée, visible et numérique. À l’initiative du projet : Chloé Vincent-Hytier, avocate-praticienne en droit de la construction et de l’immobilier, et Bertrand Moutte, avocat en droit public des affaires et droit immobilier, présentent une application conçue pour fluidifier la communication des professionnels du droit. 

« L’objectif est de permettre au client d’accéder de manière sécurisée et permanente à l’ensemble des informations de son dossier en les centralisant sur une seule interface (documents, actes, état d’avancement, factures, honoraires payés ou non, échéances et rendez-vous à venir) », détaillent-ils. Pensée pour être claire et explicative, l’application se veut intuitive et simple d’utilisation, de sorte à devenir un outil réflexe pour l’utilisateur. « La vocation d’Avocappli est d’offrir aux clients un suivi du dossier et des réponses à leurs questions, sans nécessairement contacter l’avocat ».

Concilier les contraintes de communication

Cette approche répond à un besoin manifeste, mis en lumière par des enquêtes récentes publiées par le Conseil national des barreaux, selon lesquelles l’un des vecteurs d’insatisfaction des clients serait la difficulté pour échanger avec un avocat et obtenir des informations sur l’évolution de leur affaire. Alors même qu’en moyenne, un client relancerait leur avocat toutes les deux semaines, faute de réponse. À l’inverse, du côté des robes noires, répondre à ces demandes d'informations basiques monopolise souvent un temps précieux, au détriment d'analyses approfondies et d'activités à forte valeur ajoutée. 

« Avocappli est alors susceptible de concilier ces contraintes en rassurant les clients, tout en libérant du temps pour les avocats », concluent les entrepreneurs lyonnais. Actuellement en phase de développement depuis son lancement en octobre dernier, l'application s'attèle à atteindre ses prochains objectifs, notamment en garantissant une sécurité optimale des données soumises au secret professionnel. « C’est une crainte formulée par les confrères. Nous travaillons sur la technique pour créer des ponts ultra sécurisés entre les logiciels métiers des avocats et l’application. Cela nécessite une vigilance particulière ».

Hello Justice : la plateforme de financement des litiges pour les TPE / PME

Start-ups, TPE et PME ne sont pas logées à la même enseigne que les autres entreprises pour défendre leurs intérêts jusque devant un tribunal. Confrontées à des litiges, en matière notamment de propriété intellectuelle ou de concurrence, ces petites structures peuvent renoncer à mener des actions en justice par crainte de mettre en péril leur trésorerie. De ce constat, Valentin Petitclerc a imaginé Hello Justice, une plateforme de financement des litiges pour les petites et moyennes entreprises. 

Récompensée lors du concours du prix spécial Banque Populaire Auvergne-Rhône-Alpes, cette solution « offre à toute entreprise ne disposant pas de la capacité financière pour faire face aux coûts d’une procédure de les financer par le biais d’investisseurs, avec la perspective de bénéfices potentiels », précise le jeune entrepreneur de 27 ans, aujourd’hui à la tête d’une société de conseil en stratégie et d’une agence de mise en relation entre freelances et entreprises. À l’issue de la procédure en cas de succès, l’argent est réparti entre les parties prenantes. Le client, déjà gagnant sur le plan juridique, récupère une part des gains. L'investisseur retrouve son investissement initial ainsi qu'un potentiel retour sur investissement variable selon l'issue de l'affaire. En ce qui concerne Hello Justice, la plateforme perçoit un pourcentage actuellement estimé à environ 20 %, mais sujet à modification.

Une solution sous conditions

Toutefois, des critères s’imposent aux entreprises souhaitant bénéficier de l’outil, rappelle Valentin Leclerc. « Les cabinets d’avocats partenaires de Hello Justice seront prescripteurs de la solution et définiront les critères de recevabilité des dossiers. Pour qu’un financement soit envisageable, l’avocat procède à une pré-évaluation des chances de succès du litige ». Malgré ce processus, l'entrepreneur se montre prudent. « Tout investissement comporte des risques, la justice peut être imprévisible ». 

Alors qu'en 2022, selon une étude de Burford Capital, le financement de contentieux représentait plus de 900 milliards de dollars à l'échelle mondiale, et plus de 2 000 milliards de dollars de demandes d'arbitrage, Hello Justice devrait voir le jour en fin d'année dans ce marché fructueux, largement dominé par les Anglo-Saxons.

Enzo Maisonnat

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