Dominique Chagnollaud de Sabouret, président
du Cercle des constitutionnalistes, a accueilli le 19 juin dernier Yaël
Braun-Pivet pour un déjeuner et un moment de discussion avec les membres du
cercle. La présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale a
notamment évoqué la réforme constitutionnelle.
Ex-avocate, la députée (5e circonscription des Yvelines)
s’est, par le passé, occupée l’accès à la justice pour les plus démunis.
Aujourd’hui élue à la présidence de la commission des lois de l’Assemblée
nationale depuis un an, elle a participé à un programme législatif très dense
pendant cette courte durée, sur un registre large, allant de la justice à la
sécurité, à l’immigration, aux prisons.
La réforme de la constitution discutée en compagnie de Richard Ferrand
(6e circonscription du Finistère) et Marc Fesneau (1e
circonscription du Loir-et-Cher) est un sujet plus actuel. Dans ce dossier, des
points attendus depuis longtemps qui n’ont jamais aboutis font maintenant
consensus tant chez les parlementaires que chez les praticiens. C’est pourquoi
la présidente estime que, politiquement, il sera possible de finaliser la
réforme du Conseil supérieur de la magistrature, ou de revenir sur la présence
des anciens présidents au Conseil constitutionnel.
Les auditions menées à l’Assemblée nationale dévoilent des difficultés
à modifier les textes de la Constitution. Yaël Braun-Pivet la voit comme un
équilibre complexe et précieux. Le moindre changement de l’existant induit des
conséquences. Tenter d’y faire prospérer une idée particulière, engendre le
risque de déstabiliser les institutions de la Ve République. Par
exemple, à propos de la Cour de justice de la République, tout le monde
s’accorde pour la supprimer. Néanmoins, personne ne s’entend sur le mécanisme
qui lui succédera pour juger les ministres. Quelles responsabilités, quelle
procédure, quelle juridiction, etc. ? La réponse paraît loin d’être
acquise, et des opinions divergentes s’affrontent tant entre les deux chambres
qu’au sein de chacune d’elle. Sur quelques volets de la réforme
constitutionnelle, loi ordinaire, loi organique, le consensus manque :
nombre d’élus, de parlementaires, proportionnelle… Ces thématiques portent un
fort enjeu politique. Elles mettent également en avant des questions
fondamentales. Qu’est-ce qu’un député ? Quels est son rôle, sa fonction ?
Comment doit-il l’exercer, avec quels moyens, à quel rythme, sur quelle
zone ?
Le député devrait incarner un responsable ancré dans un territoire,
qui, en pratique, vérifie que les décrets soient pris et n’hésite pas à
interroger le gouvernement. Réfléchir aux fonctions du parlementaire dans
toutes leurs acceptions et peut-être en inventer de nouvelles sans se borner
exclusivement à la constitution pour cela, permettrait de progresser.
Réduire leur nombre d’un certain pourcentage n’est pas anodin, mais le
système de fonctionnement de la démocratie peut se perfectionner. Le texte de
la réforme ne procède pas d’un affaiblissement du Parlement. La présidente de
la commission des lois note qu’avec les procédures actuelles d’adoption des
lois, le débat peut revenir jusqu’à treize fois sur un même sujet. Ce n’est pas
là la preuve d’une assemblée forte ; au contraire, on y épuise ses
membres. La loi ambitionne d’éviter tout ce temps perdu.
La réduction du nombre de députés ne s’accompagnera pas de celle des
moyens octroyés, ce qui, par conséquent, augmentera le nombre de collaborateurs
pour chaque membre. Dans le cadre de la réforme de la procédure, la plus grande
législation prévue en commission va aboutir au désengorgement de l’hémicycle.
Plusieurs dispositions vont dans le sens d’une optimisation et d’une
rationalisation du temps parlementaire. Pour Yaël Braun-Pivet, la qualité de la
loi n’est pas liée à la répétition sempiternelle des mêmes arguments pendant
les discussions. Réduire le délai des débats devrait logiquement en améliorer
la teneur utile.
Quel dispositif retenir pour permettre la réduction du nombre de
parlementaires sans déséquilibrer les institutions ? La solution
actuellement retenue est une échéance en 2021. La baisse du seuil se fera
parallèlement dans les deux chambres.
à propos du remplacement de la Cour de
justice de la République, le « filtre » est
constitutionnalisé. Il est exercé par des magistrats de l’ordre judiciaire, des
conseillers d’États et de la Cour des comptes. Quant à la compétence de la cour
d’appel, un certain nombre de critiques restent sans réponse (absence de partie
civile, poursuites parallèles, etc.). Le texte présenté ne donne pas de
solution aux problèmes de bonne administration de la justice antérieurement
rencontrés.
La responsabilité du ministre doit exister, mais elle ne doit pas
paralyser l’action politique. C’est le délicat résultat à obtenir.
Pour le Conseil économique social et environnemental, on s’interroge
sur son avenir. La réflexion en cours lui substituera vraisemblablement une
autre entité à définir. Elle conservera son atout majeur, à savoir être un lieu
de dialogue avec les corps constitués et les citoyens. Il ne faut pas lui
chercher quelque concurrence que ce soit avec le sénat ou l’assemblée
nationale. C’est un organe différent.
C2M