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Chambre des notaires de Paris - Notairevolution

Chambre des notaires de Paris - Notairevolution
Publié le 26/12/2017 à 11:49

Pascal Chassaing, président de la chambre interdépartementale des notaires de Paris, a réuni le 28 novembre dernier ses confrères pour une soirée de discussion autour de la révolution sociétale, digitale et entrepreneuriale. La tribune rassemblait Bénédicte le Chatelier, journaliste, Geoffroy Roux de Bézieux, vice-président du MEDEF, Brice Teinturier, DGD d’Ipsos France, ainsi que Hélène Moussay, Bertrand Savouré et Sébastien Wolk, tous trois notaires parisiens.



Vingt millions de personnes fréquentent les études notariales qui, de fait, observent les problèmes sociétaux et économiques. Les (r)évolutions en cours portent leur quota de défis. Les notaires disposent d’atouts pour les affronter et se repositionner.


 


Une révolution sociétale


Tout va vite. Le visage de la cellule parentale change, se décompose, se recompose, monoparentale, homoparentale. Les parcours fragmentés d’aujourd’hui ne sont pas sans conséquences. La famille, inquiète et défiante face à un monde extérieur perçu comme agressif, reste un lieu reposant, pacifié. Au fil de l’évolution de notre civilisation, les liens affectifs y ont peu à peu pris une place prédominante. Parallèlement, le processus d’individualisation de ces trente dernières années a imposé l’idée que chacun peut choisir son groupe et le recomposer, opter pour un mode d’union dans une offre étendue.


La mobilité n’impressionne plus, des ensembles familiaux de tranches d’âges diverses s’installent à travers toute la planète. Cette migration crée de nouveaux besoins et une demande de conseil associée. Ainsi, un candidat au départ, propriétaire de sa résidence en France, s’interroge : faut-il vendre ? Louer ? De même, dans un testament, l’expatriation soulève des interrogations à propos du lieu de rédaction de l’acte, de l’emplacement des biens, etc.


Par ailleurs, la population vieillit. Les individus actifs peuvent avoir à leur charge parents et grands-parents. Ils projettent en conséquence leur avenir capitalistique et trésorier. Et les transmissions n’obéissent plus systématiquement à une chronologie identique à celle connue par nos aïeux.


Pour répondre aux attentes des clients, il existe des outils législatifs actuels, mais pas toujours. L’évolution rapide, complexe des familles appelle des réponses techniques de la part des notaires. Il leur faut faire preuve de créativité et imaginer des solutions pour les cas où le cadre légal ne suffit pas. En effet, la législation peine souvent à fournir, dans les temps, les instruments adéquats. À ce propos, les notaires ont un devoir d’alerte des pouvoirs publics sur la nécessité de créer ou modifier les lois. Ils ont ainsi impulsé l’apparition de la donation-partage transgénérationnelle, ou du mandat de protection future, aujourd’hui tout deux très utilisés.


Vie professionnelle et vie personnelle se mélangent sur le plan des horaires et de l’implication. La durée d’engagement dans l’une et l’autre raccourcit. Les employeurs ont clairement un enjeu de fidélisation de leurs salariés volages. Dans la loi sur la formation (en gestation), l’employabilité individuelle occupe une position centrale.


L’État n’assure plus toutes les missions, auxquelles il prétendait par le passé, parce que, d’une part, il est trop dispendieux et n’en a plus les moyens, et d’autre part, la mentalité des gens a changé. Autonome, critique, indépendant, le citoyen contemporain se soumet difficilement à un carcan administratif ou législatif rigide. En guise d’illustration, on peut même constater qu’une formation politique se qualifie d’insoumise. L’acceptation des règles est contestée. C’est un problème vif pour le pouvoir qui, en réponse, esquive en déléguant de plus en plus ses fonctions à des organismes privés.


Le Français se montre particulièrement suspicieux. Quand on lui demande s’il se fie à une personne qu’il ne connaît pas, il répond de manière négative à 80 %. C’est une singularité unique au monde. Elle nous différencie de la confiance spontanée observée aux États-Unis, ou du taux de confiance élevé, mesuré dans les autres pays d’Europe.


L’Hexagone fait partie des leaders en matière de prélèvements d’impôts. Le pays dispose d’un financement extraordinaire mais se montre inefficace dans ses dépenses. Énorme, centralisé, il prend du retard face à une économie svelte qui court vite. Pourtant, les Maîtres mots de la réforme de l’État s’appellent efficacité et agilité.


Les notaires sont des délégués de confiance du pays depuis longtemps, diligents, collecteurs de taxes (assimilées à leurs honoraires par les ignares), des PACS signés, ou plus récemment du divorce par consentement mutuel. La confiance qu’ils inspirent aux usagers et à la puissance publique se cultive à force de résultat.


 


Une révolution digitale


Elle concerne les modèles économiques, mais aussi les comportements, les attentes, la consommation. La révolution digitale est majeure, elle redonne de l’efficience aux gens. Depuis vingt-cinq ans, notre société se sentait impuissante, résignée, morose. Durant cette période, les alternances politiques n’aboutissaient qu’à un sentiment d’échec permanent. Au cours de la dernière décennie, cette perception a changé. Les particuliers ne considèrent plus que la sphère dirigeante est impuissante, mais, pire, que, figée et inopérante, elle bloque les solutions. La sensation a glissé de la résignation vers la colère, exprimée dans les urnes. Le numérique redistribue les cartes entre électeurs et élus, il désacralise les experts et les situations acquises pour mettre tout utilisateur informé au même rang.


Le statut de conseil s’acquiert à force d’écoute, d’accessibilité, et d’intelligence. La technologie absorbe des tâches, et les applications informatiques font vieillir beaucoup de métiers. Pour les notaires, comme pour tout entrepreneur, on peut se demander s’il n’y a pas quelqu’un, quelque part, en train de chercher à présenter, à leur place, des actes meilleurs, moins chers. Le notariat veut automatiser des productions simples afin de se libérer du temps pour se focaliser sur sa valeur ajoutée, c’est-à-dire ses conseils qui ne sont pas encore modélisés en machine. Une plateforme s’affranchit très bien de toute conception standard préenregistrée, en revanche, pour l’invention sur-mesure, l’humain ne se remplace pas.


En termes de sécurité, le recours à un tiers de confiance restera incontournable tant que les applications ne passeront pas toutes par une technologie inviolable type blockchain. L’internaute exigeant note ses prestataires. Cela engendre un univers particulier où le producteur connaît une pression permanente. Depuis toujours, les notaires répondent à une obligation de résultat pour sécuriser et conserver les données de leurs clients dans leurs minutes. Si les moyens changent, la mission fondamentale demeure. Signature électronique, échanges de bases de données, Extranet de communication sécurisé, coffre-fort numérique, les notaires se veulent des pionniers exemplaires qui développent des projets avec la blockchain et l’intelligence artificielle.


 


Révolution entrepreneuriale


Les fractures territoriales économiques s’intensifient. On constate dans les mégalopoles une concentration de richesses, de capacités, d’accès à la mondialisation, autant d’atouts qui facilitent le développement et l’innovation des entrepreneurs. À Paris, l’Autorité de la concurrence a défini le besoin quantitatif en notaire au niveau du bassin d’emplois. La zone métropolitaine connaît une mobilité permanente des populations, les enjeux fonciers y ont plus de poids qu’ailleurs, de même que les risques d’investissement pris. Le notariat propose des services adaptés, rentables. La structure des études a la capacité d’accueillir la demande d’une clientèle pointue, exigeante.


Les grandes métropoles internationales se trouvent en concurrence et le droit fait partie des facteurs décisionnels d’un choix d’implantation. Dans cette lutte d’influence, le droit continental a remporté quelques belles victoires et notamment avec l’inspiration qu’il suggère en Chine.


Compétitivité, productivité, risque sont entrés dans le monde du notariat. Le marché juridique mute rapidement. Les opportunités se déchiffrent difficilement. Cet ensemble d’aléas plonge le praticien dans l’angoissante ignorance de l’avenir de son activité et bouleverse les relations. D’un côté, cet univers vertigineux sans cadre fait peur, de l’autre, la liberté qu’il laisse, passionne.


Pour le président de la chambre des notaires de Paris, les exigences du futur métier amèneront un changement de culture parsemé de ruptures. Il propose trois orientations préparatoires :


les notaires doivent prendre des engagements pour simplifier et rationnaliser la gestion leurs dossiers ;


les études se posent comme les acteurs du mariage public-privé. Elles doivent développer un conseil à forte valeur ajoutée et également participer au recentrage de l’action de l’état et de la justice ;


les instances du notariat doivent fédérer les innovations.


Pascal Chassaing invite chacun à s’investir dans un large plan de formation du XXIe siècle ouvert sur des partenariats de disciplines variées.


 


C2M


 


1 commentaire
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Stéphane Lendeberg
- il y a 7 ans
Pour les notaires qui voient les besoins entrepreneuriaux et sociétaux depuis Sirius, il manque encore une grille de lecture non orientée par leurs besoins économiques personnels. Mais il reste également des impondérables très prosaïques et fort peu compatibles avec l'autopromotion et le lyrisme à vocation mercantile. Comme par exemple les conventions notaires-généalogistes de 2008 et de 2015, qui incitent les notaires à s'affranchir de leur secret professionnel pour que des généalogistes puissent capter un pourcentage conséquent d'héritage par le truchement d'un contrat dont l'usage est illégal. Cela sous couvert de jurisprudences de règlement (lire contraires à la Constitution), judicieusement délivrée au profit de ces professionnels supposément intègres.
Mais, face à pareille avalanche de titres professionnels et d'influence coupable, la parole des victimes de ces exactions compte peu, n'est ce pas ?

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